Auditionné par la commission des lois du Sénat sur son budget pour 2025, Bruno Retailleau a annoncé un amendement du gouvernement visant à augmenter notamment la mission immigration, asile et intégration. Le ministre mise néanmoins toujours sur la réduction des procédures d’asile « et sur une politique volontariste » en matière migratoire pour tenir son budget, sans convaincre les élus de gauche.
Après les propos de Sébastien Meurant, une mise au point au sein du groupe LR
Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Jérôme Rabier)
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Premier jour de la session ordinaire au Sénat. Lors de leur réunion hebdomadaire, les membres du groupe Les Républicains ont longuement abordé le projet de loi de finances 2019, la situation budgétaire de l’État ou encore la future loi de programmation pour la Justice, dont l’examen débutera en commission ce mercredi.
Il a également été aussi question des déclarations récentes du sénateur Sébastien Meurant. Dans une longue interview accordée à L’Incorrect, un mensuel fondé par des proches de Marion Maréchal-Le Pen, l’élu du Val-d’Oise expliquait qu’il fallait « discuter avec tout le monde », et « reconquérir les électeurs d’où qu’ils viennent », y compris « du FN ».
Les propos n’ont pas jeté le trouble au sein du groupe. Mais ils ont créé suffisamment d’émoi pour être abordés au cours de la réunion. L’épisode a été rapidement expédié, en début de séance, par une mise au point du président Bruno Retailleau.
Selon plusieurs sénateurs présents que nous avons interrogés, le chef de file de la droite sénatoriale a tenu à faire la distinction entre les positions personnelles et la ligne du parti. Il a notamment rappelé qu’il désapprouvait ce type de déclaration qui « engage les autres ».
« J’espère que sa parole a dépassé sa pensée »
La prise de position de Sébastien Meurant a suscité d’autres rappels à l’ordre, comme celui de François-Noël Buffet. « J’espère que sa parole a dépassé sa pensée », réagit le sénateur du Rhône, rapporteur du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif. « Nous n’avons rien à gagner, ni sur le fond, ni sur la forme, à tenir ce type de propos […] Il n’y a pas de discussion à avoir [avec le Rassemblée national], les choses sont simples ! »
Membre du bureau politique de LR, la sénatrice du Nord Brigitte Lherbier rappelle aussi les lignes rouges à ne pas franchir. « C’est clair et net, on ne se rapproche pas des extrémistes. […] C’est non négociable. Je lui ai dit, mais je pense qu’il n’y a pas que moi qui vais lui dire », ajoute l’ex-adjointe au maire de Tourcoing, sans vouloir faire de procès d’intention. « Je pense qu’il parle à tout le monde mais il ne se rapproche pas », estime-t-elle.
« J’aimerais tout simplement qu’il s’explique »
Les déclarations de Sébastien Meurant, qualifiant la politique migratoire de la France d’ « immigration invasion », peuvent aussi interroger le groupe, dans la mesure où ce dernier est rapporteur spécial pour les crédits de la mission immigration, asile et intégration dans le budget de l’État.
Au sein de la commission de Finances, le rapporteur général du Budget, le sénateur Albéric de Montgolfier, botte un peu en touche et demande à entendre l’intéressé. « J’aimerais tout simplement qu’il s’explique », précise le sénateur d’Eure-et-Loir à notre micro, sans toutefois masquer une petite pointe d’embarras. « Cela poserait un problème s’il confirmait éventuellement ses propos. »
Prédécesseur de Sébastien Meurant au sein de la commission des Finances, le sénateur des Hauts-de-Seine Roger Karoutchi temporise :
« Qu’il y ait un problème en interne des LR, qu’il y a une discussion sur ce que doit être la ligne, je crois que les choses ont été dites. Sébastien est un grand garçon. Pour le moment, il est dans l’idée de dire "on discute". Il n’a rien exécuté de manière concrète. Il faut voir ce que ça donne dans les semaines qui viennent. »
« La bien-pensance fait encore des ravages »
À la sortie de la réunion, Sébastien Meurant, l’un des premiers sur place, a tenu, une nouvelle fois, à clarifier sa position. Et assure avoir été mal compris. « J’ai l’impression que la bien-pensance, que le politiquement correct, fait encore des ravages, puisqu’à aucun moment je n’ai parlé de rapprochement avec le Front national, à aucun moment. Ni de pacte, ni de quoi que ce soit. Simplement, j’ai dit qu’il fallait parler avec tout le monde, et je n’ai pas simplement visé le Front national. » « C’est la ligne que je défends. Il n’y a pas d’alliance, ni de pacte avec le Front national », insiste-t-il. « Il faut parler de tout avec tout le monde. »
Le jeune sénateur, élu l’an dernier, et qui vise ce mois-ci la présidence de sa fédération LR départementale, se dit avant tout fidèle à ses convictions, qui n’ont pas bougé depuis le début de son engagement, selon lui. Appelant ce mardi à « revenir aux fondamentaux du gaullisme », Sébastien Meurant n’a toutefois pas caché dans l’interview à l’Incorrect qu’il partageait certaines positions du parti de Marine Le Pen. Il a notamment déclaré :
« Sur les questions régaliennes, par exemple, je ne vais pas vous dire que je m'oppose aux positions défendues par le Rassemblement national : ce sont celles que défendait le RPR dans les années 1980. »
En apparence, l’interview ne fait pas de vague dans les rangs du groupe mais beaucoup affichent une réserve, voire une gêne, beaucoup refusant de commenter les propos de leur collègue. « On ne dit pas du mal des collègues », lâche un sénateur sarkozyste. Un autre en revanche approuve le discours. « Tu as raison, il faut parler avec tout le monde », explique un autre parlementaire à Sébastien Meurant.
Au niveau du parti, Laurent Wauquiez a toujours rappelé que sous sa présidence, il ne serait pas question d’alliance avec le FN, mais de s’adresser à ses électeurs. Les débats sur la stratégie électorale du parti risquent encore de poser à l’avenir. De son côté, Sébastien Meurant appelle, lui, à « clarifier » la ligne politique.