Audiovisuel : un rapport choc du Sénat préconise la fusion de France Télévisions et de Radio France
Une mission conduite par les sénateurs LR Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, après l’annonce par Emmanuel Macron de supprimer la redevance audiovisuelle, défend une redéfinition stratégique pour les télévisions et radios publiques françaises.

Audiovisuel : un rapport choc du Sénat préconise la fusion de France Télévisions et de Radio France

Une mission conduite par les sénateurs LR Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, après l’annonce par Emmanuel Macron de supprimer la redevance audiovisuelle, défend une redéfinition stratégique pour les télévisions et radios publiques françaises.
Guillaume Jacquot

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La mission de contrôle sénatoriale sur la suppression de la redevance audiovisuelle n’a pas seulement travaillé sur les enjeux budgétaires de l’annonce surprise faite par Emmanuel Macron durant la campagne. Elle pose également une série de recommandations sur l’organisation de l’audiovisuel public.

Le rapport des sénateurs LR Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, adopté ce 8 juin en commission des finances et en commission de la culture, formule une proposition choc : la fusion de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA en une entreprise unique. Arte et TV5 Monde sont un cas à part, puisqu’elles dépendent de coopérations internationales.

« Rassembler les moyens, pour être plus puissant »

Leur recommandation va donc au-delà du rapport sénatorial Gattolin-Leleux de 2015, et du projet de réforme de l’audiovisuel public avorté en 2020. Ces derniers ne proposaient seulement que la création d’une holding chapeautant les différentes entités du service public. « Une société unique doit permettre une unité de pilotage, une réduction des niveaux stratégiques et donc une plus grande agilité pour répondre aux défis qui s’annoncent », argumentent les sénateurs. Dans leur idée, un texte de loi devrait être discuté dès 2023 pour aboutir à la création de « France Médias » en 2025.

« L’objectif n’est pas de faire une fusion pour restreindre, mais de rassembler les moyens, pour être plus puissant sur le numérique », a argumenté Jean-Raymond Hugonet, convaincu qu’il est désormais temps de « mettre un terme à l’exception française » en Europe sur ce sujet. « C’est un peu dans le sens de l’histoire », a appuyé Laurent Lafon. Selon le président (Union centriste) de la commission de l’éducation et de la culture, la perspective d’un « grand pôle privé », avec la potentielle fusion TF1-M6, affectera le secteur public et « nécessite des réponses ».

Lors des auditions, la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte et le président de l’INA Laurent Vallet ont indiqué aux rapporteurs de la mission qu’ils étaient favorables à naissance de cette structure fusionnée.

Le rapport va même plus loin en plaidant pour une « véritable newsroom commune à l’ensemble de l’audiovisuel public ». Une structure commune regrouperait l’ensemble des journalistes des médias de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, « pour supprimer les doublons » et « renforcer l’expertise » et la « réactivité ». Cette rédaction unique n’empêcherait pas les chaînes de « conserver leur identité » mais serait découpée en trois pôles dédiés à l’international, le national et le local. A ce titre, la mission recommande de réunir France 3 et France Bleu en une seule et même filiale, « France Médias Régions », de la maison mère. Depuis 2019, les deux médias ont déjà été rapprochés avec des matinales communes.

Selon Roger Karoutchi, cette fusion se traduirait par un coût dans les premiers temps, elle pourrait à terme représenter « 10 % d’économies sur le budget actuel ». La mission recommande d’ailleurs de muscler les moyens accordés aux médias internationaux comme Arte et France Média Monde.

« Véritable newsroom commune »

Le rapport va même plus loin en plaidant pour une « véritable newsroom commune à l’ensemble de l’audiovisuel public ». Une structure commune regrouperait l’ensemble des journalistes des médias de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, « pour supprimer les doublons » et « renforcer l’expertise » et la « réactivité ». Cette rédaction unique n’empêcherait pas les chaînes de « conserver leur identité » mais serait découpée en trois pôles dédiés à l’international, le national et le local. A ce titre, la mission recommande de réunir France 3 et France Bleu en une seule et même filiale, « France Médias Régions », de la maison mère. Depuis 2019, les deux médias ont déjà été rapprochés avec des matinales communes.

Sur le volet budgétaire, la mission sénatoriale s’est attachée à trouver des moyens de « garantir dans la durée » un niveau de ressources suffisant pour l’audiovisuel public, si la suppression de la redevance venait à être confirmée dans le débat législatif de juillet. Les sénateurs notent que l’intégration de l’audiovisuel public dans le projet de loi de finances annuel, à travers la création d’une mission budgétaire dédiée, devrait « renforcer l’impératif de prévisibilité ». Pour une raison simple : la trajectoire pluriannuelle des moyens budgétaires affectés à l’audiovisuel public sera intégrée au sein de la loi de programmation pluriannuelle.

Une « Autorité supérieure de l’audiovisuel public »

Il n’empêche, la suppression de la redevance cette année, sans mécanisme fiscal alternatif, va se traduire par une perte nette de 3,14 milliards d’euros pour les finances publiques. À ce stade, « cet audiovisuel public n’est financé que par de la dette du déficit », note le sénateur Roger Karoutchi. Lui et son collègue estiment d’ailleurs qu’il faudra tenir compte du niveau de l’inflation élevé pour déterminer le budget total. Ils ajoutent que le bon niveau ne pourra être trouvé sans une « réflexion préalable sur le périmètre du service public de l’audiovisuel et la nature des missions qui lui sont assignées ». En annonçant subitement la disparition de la redevance, les sénateurs regrettent que le président de la République ait mis « la charrue avant les bœufs ».

Au-delà d’une fusion des entreprises de l’audiovisuel public, les sénateurs proposent une autre innovation : une commission indépendante chargée d’évaluer les besoins du secteur et proposer au gouvernement et au parlement une trajectoire budgétaire. Cette autorité indépendance, serait présidée par un magistrat de la Cour des comptes et composée de quatre experts nommés par les deux assemblées parlementaires. La mission suggère de la nommer « Autorité supérieure de l’audiovisuel public », ou ASAP. Un acronyme qui en rappelle un autre : as soon as possible, pour « aussitôt que possible ».

Dès que possible, c’est bien dans cet état d’esprit que la mission sénatoriale attend des réponses de la part de l’exécutif sur leur contribution. « Le gouvernement va devoir s’exprimer », insiste Roger Karoutchi. Le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, promet également une audition prochaine de la nouvelle ministre de la Culture Rima Abdul Malak. Dans une temporalité plus proche, on devrait également connaître la semaine prochaine les conclusions des travaux menés par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC) sur la réforme du financement de l’audiovisuel public. Les sénateurs doivent les rencontrer le 16 juin.

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