Cannabis : des consommateurs bientôt vraiment mis à l’amende ?

Cannabis : des consommateurs bientôt vraiment mis à l’amende ?

Les invités de l’émission « On va plus loin » débattent sur les mesures d’un rapport parlementaire de l’Assemblée nationale, examiné ce mercredi en commission des lois, qui préconise un assouplissement des sanctions contre les consommateurs de drogue.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Aujourd’hui, si vous êtes pris en train de fumer du cannabis, vous risquez un an d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende…en théorie. Un rapport parlementaire, présenté en commission des lois à l’Assemblée nationale ce mercredi, propose deux alternatives : soit une « amende forfaitaire délictuelle » comprise entre 150 et 200 euros, avec poursuites pénales possibles, soit une simple contravention.

Pour la sénatrice écologiste de Paris, Esther Benbassa, auteure d’une proposition de loi sur la légalisation du cannabis, ce nouveau rapport ne va pas assez loin : « Les deux questions « amende », et « contravention » ne règlent ni le problème de la prévention, ni le problème de l’accompagnement, ni la qualité du produit (…) Ce rapport ne règle pas non plus le problème de l’économie alternative. » Et  elle ajoute : « Presque tous les pays européens ont dépénalisé et certains sont allés encore plus loin et ont légalisé. Il y a les États-Unis, où l’on voit les résultats de la légalisation, qui a quand même stabilisé le nombre de consommateurs (…) [Au] Portugal, le nombre de délinquants a baissé de 50%. »

De son côté, Aurélien Legrand, vice président du groupe FN au conseil régional d'Ile de France, n’est pas non plus satisfait : « Ce rapport n’a rien de très nouveau puisque c’est une proposition que l’on retrouvait déjà en 2016 dans le gouvernement de Manuel Valls et la présidence de François Hollande, et contre laquelle nous, au Front national, on s’était déjà insurgé. Je pense qu’il y a un très mauvais signal qui est envoyé (…), c’est un signal de  laxisme, encore une fois, de la justice. Ce qui montre bien que le problème est pris à l’envers (…) La justice est encombrée, on n’arrive plus à condamner les fumeurs de cannabis, malgré le fait qu’il ne respecte pas la loi. Donc finalement on va arrêter de passer par la justice et on va mettre une simple amende. C’est un recul très très net. »

Un avis que Danièle Jourdain-Menninger, ancienne présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) ne partage pas du tout : « Non, il n’y a aucun signe de relâchement (…) La difficulté, c’est de passer du diagnostic (…) à une mise en œuvre pragmatique de solutions (…) Il faut une autre politique pénale mais pas une politique pénale toute seule, puisqu’on sait très bien qu’il n’y a aucun lien entre sévérité et laxisme d’une politique pénale et importance des consommations (…) Il faut faire une politique de prévention différente avec davantage de moyens. »

Florence Berthout, présidente du groupe LR au conseil de Paris et maire (LR) du Ve arrondissement de Paris, souhaite qu’en matière de prévention, l’Éducation nationale s’empare du problème, comme elle l’a fait avec l’éducation sexuelle : « Il faut vraiment s’emparer de ce sujet-là mais pour vraiment montrer, preuves à l’appui, la toxicité au sens littérale du terme, de l’usage de drogues, dont le cannabis. Parce que le cannabis a été entouré quand même d’une forme d’indulgence des élites post-soixante-huitardes (…) Sauf qu’entre le cannabis d’il y a quinze ans et celui d’aujourd’hui, le THC [Tétrahydrocannabinol, molécule active NDLR] (…) a augmenté de manière vertigineuse. Cela a plus que doublé et c’est un produit particulièrement toxique. »

 « Il ne faut pas non plus dramatiser », estime Esther Benbassa. « La plupart des gens qui consomment, c’est une consommation récréative. Mais cela n’empêche pas que l’addiction au cannabis est très dangereuse, comme toute addiction. Moi, je suis aussi pour que l’on procède à une amende ou à une contravention pour l’absorption d’alcool, dans les quantités phénoménales qu’on connaît chez les jeunes. L’alcool est aussi dangereux, sinon plus, que le cannabis. Dans ce domaine aussi, on n’a pas fait grand-chose » juge la sénatrice.

 

Pour voir le débat en intégralité :

Cannabis : des consommateurs bientôt mis à l’amende ?
28:15

 

Dans la même thématique

A national gendarmerie van entering the Paris courthouse
7min

Société

Meurtre de Matisse à Châteauroux : qu’est-ce que l’excuse de minorité, que le gouvernement souhaite réformer ?

Alors que de multiples faits divers concernant des mineurs font l’actualité ces dernières semaines, le dernier en date, le meurtre de Matisse, 15 ans, poignardé à mort, samedi dernier à Châteauroux, par un mineur afghan âgé lui aussi de 15 ans et placé sous contrôle judiciaire, cinq jours avant le meurtre, Gabriel Attal a annoncé, le 18 avril dernier, souhaiter « ouvrir le débat » sur l’excuse de minorité. Mais au fait, à quoi fait référence cette qualification pénale, qui revient régulièrement dans les discussions ?

Le

Photo IVG
3min

Société

Accès à l’IVG en France, la course d’obstacles

Le 4 mars 2024, le Parlement adopte définitivement l'IVG dans la Constitution. Après les députés, les sénateurs ont voté en faveur de l’inscription de « la liberté des femmes de recourir à une interruption volontaire de grossesse » dans la loi fondamentale. Un « jour historique », selon le gouvernement, mais qu'en est-il concrètement de l'accès à l'IVG sur le territoire ? Derrière les célébrations, sous les ors du Congrès à Versailles, se cache une réalité plus sombre. Public Sénat est allé enquêter sur le terrain à la rencontre de ces femmes en quête d’une IVG.

Le

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »
5min

Société

Majorité numérique à 15 ans : « La problématique, c’est le système pour vérifier l’âge »

Dans son discours sur l’Europe à la Sorbonne, Emmanuel Macron a appelé à reprendre le contrôle sur les contenus en ligne et à protéger la jeunesse des contenus dangereux. Pour Olivia Tambou, maître de conférences, la clé d’une telle réglementation au niveau européen réside dans la vérification de l’âge. La sénatrice Catherine Morin-Desailly appelle à une réflexion plus globale sur les usages et la formation.

Le

Police operation de lutte contre les depots sauvages a Nice
5min

Société

Couvre-feu pour les mineurs : quel pouvoir pour les maires ?

La décision de Gérald Darmanin d’instaurer un couvre-feu pour les mineurs en Guadeloupe inspire les maires de métropole. À Béziers, la mesure est en vigueur depuis lundi. À Nice, Christian Estrosi songe aussi à la mettre en place. Dans quelle mesure les maires peuvent-ils restreindre la liberté de circuler ?

Le