Chômage, formation, apprentissage : ce que contient le nouveau texte de Pénicaud

Chômage, formation, apprentissage : ce que contient le nouveau texte de Pénicaud

Muriel Pénicaud a présenté ce vendredi le projet de loi pour la « liberté de choisir son avenir professionnel ». Un texte dense, dans de nombreux champs d’interventions, que la ministre souhaite voir adopté cet été.
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La ministre du Travail a présenté ce vendredi en Conseil des ministres le projet de loi pour la « liberté de choisir son avenir professionnel ». Présenté comme la « saison 2 de la rénovation du modèle social », après les ordonnances de l’été, le texte a pour ambition de « donner des droits nouveaux qui permettent une meilleure émancipation sociale », selon les mots de la ministre.

Le texte sera examiné en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale à partir du 29 mai. Même si elle s’attend à « beaucoup de débats » au Parlement, la ministre « espère » que la loi sera votée « avant la fin de la session » parlementaire de « cet été ». Promettant une publication rapide des décrets, Muriel Pénicaud a indiqué que plusieurs droits nouveaux et dispositifs pourraient entrer en application dès le 1er septembre, ou le 1er janvier 2019.

La réforme s’organise autour de trois axes principaux : réforme de l’assurance-chômage, réforme de l’apprentissage, et enfin, réforme de la formation professionnelle. Des dispositions sont également prévues sur l’égalité professionnelle femmes-hommes, l’emploi des salariés handicapés ou encore sur le travail détaché.

Assurance chômage

  • Un nouveau cas de démission pourra entraîner (sous conditions, comme avoir 5 années d’expérience dans l’entreprise) le versement d’une allocation-chômage : le salarié devra justifier d’un projet de reconversion professionnelle ou de création d’entreprise, qui devra être validé au préalable par une commission paritaire.
  • Une allocation sera versée aux indépendants en cas de liquidation judiciaire : 800 euros par mois leur seront versés pendant six mois.
  • Sur le plan de la gouvernance, les règles d’indemnisation négociées par les partenaires sociaux devront respecter un « document de cadrage du gouvernement », qui fixe notamment une « trajectoire financière ».
  • Jusqu’ici définie par des critères inscrits dans la loi, l’offre raisonnable d’emploi sera définie en concertation par le demandeur et son conseiller Pôle Emploi. Un seul refus pourra être accepté.
  • Le gouvernement aura la possibilité de modifier par décret les règles de cumul entre allocations-chômage et salaire.
  • Le projet de loi instaura la suppression des cotisations chômage salariales.
  • Le gouvernement se laisse la possibilité d’instaurer par décret un dispositif de bonus-malus sur les cotisations chômage patronales, en cas d’échec des négociations dans les branches professionnelles dans la lutte contre la précarité et le recours aux contrats courts.
  • Les demandeurs d’emploi devront faire état de leurs recherches dans un tableau de bord chaque mois. Ce dispositif sera expérimenté dans certaines régions pendant un an.

Formation professionnelle

  • Le compte personnel de formation (CPF) sera désormais crédité en euros, et non plus en heures. Les salariés recevront 500 euros par an (un abondement de l’entreprise sera possible), jusqu’à un plafond de 5000 euros. Pour les salariés non qualifiés, le versement annuel atteindra 800 euros, et le plafond 8000 euros. Les formations éligibles au CPF seront plus nombreuses.
  • Les salariés à mi-temps disposeront des mêmes droits que leurs collègues à temps plein.
  • Concernant les reconversions professionnelles, le congé individuel de formation (CIF) sera intégré dans ce compte personnel de formation. La rémunération minimum sera fixée par décret.
  • La collecte des cotisations formation sera assurée par l’Urssaf, en lieu et place des opérateurs paritaires collecteurs agréés (OPCA). Les entreprises ne paieront d’ailleurs plus d’une cotisation unique (au lieu du 1% formation et de la taxe d’apprentissage).
  • Ces Opca, devenus des « opérateurs de compétences » auront comme rôle de financer l’apprentissage, d’accompagner les branches professionnelles dans la construction des certifications professionnelles, et épauler les PME à définir les besoins en formation.
  • La qualité et le coût des formations seront régulés au sein d’une instance unique – France compétences – qui remplacera trois instances. Elle sera gérée à la fois par l’État, les Régions et les partenaires sociaux.

Apprentissage

  • La limite d’âge pour entrer en apprentissage passera de 25 à 29 ans révolus. Les jeunes de plus de 26 ans seront rémunérés au Smic, comme dans le cas des contrats de professionnalisation.
  • La rémunération des apprentis de 16 à 20 ans augmentera de 30 euros par mois pour atteindre 715 euros net. Tous les apprentis majeurs pourront percevront une aide de 500 euros pour passer le permis de conduire.
  • Pour les apprentis mineurs, la durée hebdomadaire maximale de travail sera portée de 35 à 40 heures. La durée quotidienne maximale pourra passer de 8 à 10 heures dans certaines branches, qui seront définies dans un décret.
  • L’apprenti pourra démissionner (après une phase de méditation) en cours d’année, et pourra prolonger sa formation théorique pendant six mois au sein du CFA (centre de formation et d’apprentissage). Le passage obligatoire aux prud’hommes en cas de licenciement pour faute grave ou inaptitude sera supprimé.
  • Les CFA et les lycées professionnels auront l’obligation de publier chaque année leurs taux d’obtention des diplômes et les taux d’insertion professionnelle.
  • Les CFA seront financés, non plus selon une logique de subvention limitée, mais selon le nombre d’apprentis qu’ils accueillent, selon la logique « un jeune + une entreprise = un contrat = un financement ». La ministre a rappelé qu’une dotation de 250 millions d’euros serait accordée aux Régions pour maintenir une offre dans les territoires les moins denses. Les collectivités dénoncent une réforme qui pourrait favoriser des fractures territoriales et qui va recentraliser cette compétence.
  • Les régions seront chargées d’organiser des actions d’information sur les formations.
  • Une aide unique remplacera trois anciennes aides et un crédit d’impôt pour les entreprises de moins de 250 salariés des apprentis. Une aide de 6.000 euros sera versée annuellement par jeune, a annoncé ce vendredi Muriel Pénicaud.

Autres mesures contenues dans le projet de loi

  • Le projet de loi prévoit de durcir la lutte contre la fraude aux travailleurs détachés, en instaurant des « sanctions plus dissuasives ». Elles seront portées de 2.000 à 3.000 euros par salarié détaché illégalement, de 4.000 à 6.000 euros en cas de récidive.
  • Le gouvernement aura recours au « name and shame » (nommer et couvrir de honte). Les condamnations pour travail illégal seront publiées de manière quasi-systématique sur un site internet pendant un an.
  • Pour l’égalité professionnelle femmes-hommes, le gouvernement veut passer d’une obligation de moyens à une « obligation de résultats » sur les écarts de salaires injustifiés.
  • L'obligation d'emploi de salariés handicapés, aujourd'hui fixée à 6%, sera révisée tous les cinq ans selon la part de travailleurs handicapés dans la population active.
  • Dans le but de favoriser les passerelles entre le public et le privé, le texte prévoit le maintien des droits à l’avancement pendant 5 ans pour les fonctionnaires en disponibilité qui exerceraient une activité dans le privé.

Après les ordonnances sur le « dialogue social », et ce projet de loi, le « troisième volet » de la « rénovation du modèle social » concerna les retraites en 2019.

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