Conflit à la SNCF : une «grève surprise» et «sauvage» dénoncée au Sénat
Plusieurs sénateurs de la majorité sénatoriale, de droite ou du centre, condamnent l’usage du « droit de retrait » par les syndicats de cheminots, après un accident survenu sur un TER. Le mouvement social a eu un impact très marqué sur le trafic pendant plus de trois jours.

Conflit à la SNCF : une «grève surprise» et «sauvage» dénoncée au Sénat

Plusieurs sénateurs de la majorité sénatoriale, de droite ou du centre, condamnent l’usage du « droit de retrait » par les syndicats de cheminots, après un accident survenu sur un TER. Le mouvement social a eu un impact très marqué sur le trafic pendant plus de trois jours.
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Le trafic a repris progressivement ce lundi à la SNCF, après trois journées d’un mouvement social très suivi, essentiellement sur le réseau régional, mais également sur plusieurs grandes lignes, comme les OuiGo et les Intercités, voire certains TGV. À l’origine de l’arrêt de travail des cheminots : un accident survenu le mercredi 16 octobre dans les Ardennes.

La collision avec un convoi exceptionnel a fait 11 blessés, dont le conducteur. Comme dans les trois quarts des TER en France, la rame était exploitée en EAS (équipement agent seul), ce qui signifie que le conducteur était le seul employé de la compagnie à bord et à pouvoir porter secours aux passagers et à sécuriser le train. Inquiets pour la sécurité ferroviaire, les cheminots ont fait jouer leur « droit de retrait », un dispositif prévu par le Code du travail qui leur permet de cesser le travail en cas de « danger grave et imminent ». Sans préavis, la continuité du service public n’a pas pu être organisée.

Un bras de fer juridique s’est engagé avec le gouvernement. Le Premier ministre et sa ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne, ont dénoncé un « détournement du droit de retrait », intervenant en plein départ des vacances de la Toussaint. Allant même jusqu’à réclamer des sanctions. L’exécutif a reçu des marques de soutien au Sénat, de la part de sénateurs de la droite ou du centre, pour qui le droit de retrait ne pouvait s’appliquer dans ce cas précis.

« De toute évidence, on n’était pas dans ce cadre-là », fait valoir à PublicSenat.fr le président (UDI) de la commission de l’Aménagement du territoire au Sénat, Hervé Maurey. « De surcroît, la cessation d’activité a concerné des matériels qui n’aient rien à voir avec ceux mis en cause lors de l’accident qui a justifié ce mouvement ». C’est notamment le cas des TGV à bas coût, les OuiGo, dont le trafic a été totalement interrompu samedi.

Un sénateur LR considère que les syndicats « n’ont plus beaucoup d’os à ronger »

Le sénateur (LR) Didier Mandelli, ancien rapporteur du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), considère, lui aussi, que les agents de la SNCF sont allés « au-delà » du cadre légal. « Je peux comprendre que certains alertent depuis longtemps sur les conditions de transport, si ce n’est qu’il y a d’autres moyens de se faire entendre, plutôt que de mener des actions de ce type qui ne servent pas leur cause », nous explique-t-il. Pour lui, cette nouvelle forme de contestation « traduit la faiblesse des syndicats ». « C’est une façon d’exister. Je dirais qu’il n’y a pas beaucoup d’os à ronger. Dès qu’une occasion se présente, certains s’en saisissent. »

À un mois et demi d’un mouvement national contre la réforme des retraites – que SUD-Rail espère « illimité » – le sénateur y voit une sorte de démonstration de force. « C’est sans doute un avertissement au gouvernement, ça permet de mettre en lumière leur capacité à perturber grandement l’organisation des services ».

« Nous ne sommes pas dupes », lâche un centriste

C’est également la lecture du sénateur centriste Pierre Médevielle. « On a profité de cet accident pour installer une grève […] Cette coïncidence est bizarre. C’est le premier week-end des vacances, et cela arrive avant la réforme des retraites. Nous ne sommes pas dupes », s’offusque le sénateur, qui dénonce « une grève sauvage » et un « sabotage complet ». « On a suffisamment de possibilités de discussions. »

Sur le fond, le parlementaire de Haute-Garonne reconnaît qu’il « y a peut-être un problème à étudier ». Il en même conscient. En décembre 2018, il avait adressé une question écrite au ministère sur la suppression progressive des contrôleurs dans les trains de la région Occitanie. Elle est restée à ce jour sans réponse.

Connaisseur des problématiques de sécurité ferroviaire, notamment sur le plan de la lutte antiterroriste, le sénateur Alain Fouché (Les Indépendants, groupe proche de la majorité présidentielle) rappelle que « l’ équipement agent seul » existe depuis des années dans le réseau régional le plus dense de France. « Il faut savoir que dans la région Île-de-France, là où il y a le plus gros trafic, il n’y a qu’un conducteur par train. Je ne vois pas comment la SNCF aurait la possibilité et les moyens de mettre une deuxième personne par train. » Le sénateur de la Vienne considère que « cette grève surprise » n’est « pas normale ». « Arrêter brutalement un trafic comme ça ne me paraît pas correct. »

Une inspection du travail en Alsace demande l’accompagnement des conducteurs dans les TER

Sur les bancs de la gauche du Sénat, les cheminots peuvent trouver de l’appui. Mais le sénateur socialiste Olivier Jacquin, spécialiste des questions ferroviaires dans son groupe, se dit « un peu réservé sur les conclusions un peu hâtives » sur l’accident survenu entre Charleville-Mézières et Reims. « Un accident est toujours effroyable et désolant. Maintenant, faut-il plusieurs personnes dans un train ? Je m’interroge. On ne se pose pas la question de mettre plusieurs personnels dans un bus. » En revanche, ce mouvement traduit pour ce sénateur un « énorme malaise » au sein de la SNCF. « S’ils réagissent comme ça, c’est que les personnes subissent des pressions de toutes parts, des tensions, et une perte de sens de leur métier […] Ils font grève car ils sont excédés. » Le socialiste appelle le gouvernement à changer de ton face à des agents en pleine détresse.

Pour les communistes, non seulement ce droit de retrait était non seulement légal, mais surtout justifié, eu égard à ce problème de sécurité. La dureté des réactions gouvernementales est mise en cause.  « On a eu un gouvernement et une direction qui n’ont pas voulu répondre aux questions de sécurité », s’indigne sur Public Sénat le sénateur Fabien Gay.

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La réponse d’un service de l’État pourrait en tout cas venir valider l’argumentaire des syndicats de cheminots. « Il y a déjà deux inspecteurs du travail, pour la Champagne-Ardenne et pour l’Alsace, qui ont validé la légitimité du droit de retrait », déclaré à Public Sénat Fanny Arav, porte-parole de l’Unsa Ferroviaire. « En Alsace, ils recommandent même que sur ce matériel, le conducteur soit accompagné par un agent de contrôle. »

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Sujet vidéo : Sandra Cerqueira

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