Conseil constitutionnel: Juppé obtient le feu vert des députés avec “un peu de stress”
Demande d'un "droit à l'oubli" pour sa condamnation passée, éloge de "l'esprit de modération": Alain Juppé a passé sans encombre mais avec "un...
Par Anne Pascale REBOUL
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
Demande d'un "droit à l'oubli" pour sa condamnation passée, éloge de "l'esprit de modération": Alain Juppé a passé sans encombre mais avec "un peu de stress" jeudi son oral devant les députés, avant son entrée au Conseil constitutionnel.
La commission des Lois s'est prononcée par 21 voix contre quatre pour cette nomination, proposée par le président de l'Assemblée Richard Ferrand (LREM). Un veto parlementaire, hautement improbable, aurait nécessité les trois cinquièmes des suffrages exprimés, aux termes de la Constitution.
"Ce n'est pas sans un peu d'émotion que je retrouve ces salles", a déclaré l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac (1995-1997), âgé de 73 ans, qui a aussi siégé au total 12 années à l'Assemblée.
"Je ressens un peu de stress, si, si", a-t-il aussi assuré, suscitant quelques rires, alors que sa nomination pour succéder à Lionel Jospin parmi les Sages paraissait déjà acquise.
"La décision du président de l'Assemblée nationale m'a surpris et honoré" et "j'ai eu (un) débat en mon âme et conscience" pour savoir si "ma condamnation pénale" dans l'affaire des emplois fictifs du RPR y faisait obstacle d'un point de vue "moral", a d'emblée exposé M. Juppé.
"Les faits qui m'ont été reprochés remontent au début des années 1990 (...) J'ai purgé ma peine et peut-être le temps peut-il donner droit à l'oubli", a-t-il plaidé.
Seul Loïc Prud'homme (LFI) a ensuite fait allusion à son "casier judiciaire" dans un auditoire plutôt bienveillant.
"Vous avez connu toutes les dimensions" de la vie politique, du local à l'international, comme ministre des Affaires étrangères, et "vous en avez éprouvé les grandeurs et servitudes, et même un peu plus", lui a rendu hommage le rapporteur Olivier Marleix (LR), peu rancunier à l'égard de l'ancien candidat à la primaire de droite, en rupture avec Les Républicains depuis l'élection d'Emmanuel Macron.
Plusieurs députés "juppéistes devenus macronistes", comme s'est défini Jean Terlier, étaient présents et ont dit leur "plaisir un peu particulier".
- "Assoupli" -
Composition du Conseil constitutionnel après l'annonce du remplacement de Lionel Jospin par Alain Juppé
AFP
M. Juppé a fait quelques aveux: "l'expérience d'élu local, ça m'a assoupli. Il m'est arrivé d'être parfois un peu raide, on me l'a reproché".
Il a fait référence à plusieurs reprises à Bordeaux, dont il s'apprête à laisser "sa" mairie, en se réclamant notamment de la figure de Montesquieu, "une des références du Conseil constitutionnel" dont il loue l'idée de "modération".
"Par les temps qui courent, l'expression de points de vue extrêmes, violents, est une facilité", a-t-il glissé, se disant "navré" des actions des "gilets jaunes" dans sa ville.
Interrogé par la gauche de la gauche sur la position qu'il devrait avoir à prendre sur la loi "anticasseurs" dont le Conseil constitutionnel devrait être saisi, M. Juppé s'est engagé à faire "jouer le principe de neutralité", sans davantage de précisions.
Les institutions "me paraissent bien résister aux turbulences", a martelé celui qui se définit comme "gaulliste".
M. Juppé, qui avait aussi rempli un questionnaire à l'attention de la commission, n'a éludé aucune question de l'assistance, mais s'est montré souvent prudent. Le référendum d'initiative partagée (RIP), "peut-être peut-on aller au-delà" pour le faciliter, mais le référendum d'initiative citoyenne (RIC) "n'emporte pas la même sympathie" de sa part.
Les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), dont le nombre augmente, "fonctionnent plutôt bien" selon lui.
Et encore sur la transparence des responsables publics, "l'exigence de nos concitoyens est forte" mais gare à une "course à l'échalote".
Titillé sur la commission d'enquête sénatoriale sur l'affaire Benalla, qui aurait outrepassé ses prérogatives selon la majorité, l'ancien ministre a balayé: "je ne vais pas évidemment me mêler d'un débat essentiellement politique, même s'il peut comporter des aspects institutionnels", notamment sur "la séparation des pouvoirs".
Plein d'"humilité", il s'y est engagé: une fois au Palais Royal, "mon retrait de (la) vie politique active sera total" et "je serai heureux de continuer à servir mon pays et mes concitoyens autrement".
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.
Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.
Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.
Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.