Droit voisin : le Sénat au chevet des éditeurs de presse

Droit voisin : le Sénat au chevet des éditeurs de presse

Alors que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a annoncé un projet de loi pour taxer les géants du numérique, le sénateur socialiste David Assouline entend lui, aider des agences et éditeurs de presse démunis face à ces géants.
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Par Nawel Erraji

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Mercredi 16 janvier, la Commission de la culture du Sénat a adopté la proposition de loi socialiste visant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

Pour le moment, Google ou Facebook, par exemple, peuvent référencer et diffuser des articles sans aucune rémunération pour les éditeurs. Si le droit voisin rentre vigueur, il sera une protection légale conférée aux éditeurs et agences de presse. Chaque utilisation de leur contenu par les grandes plateformes devra faire l’objet d’une autorisation et d’une rémunération. Trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende sont prévus dans le texte en cas d’utilisation sans autorisation des œuvres protégées par les droits voisins.

Si au niveau européen les discussions sont encore en cours entre le Conseil de l’Union Européenne et la Commission européenne, en France, le porte-parole de ce droit est David Assouline, vice-président socialiste du Sénat, auteur d’une proposition de loi examinée le 16 janvier 2019.

Pour évaluer l’impact économique de ce droit voisin, David Assouline s’appuie sur une étude commandée par des éditeurs de presse en Allemagne en 2014. Un droit voisin en France permettrait de percevoir pas moins de « 200 millions d’euros » pour les éditeurs et agence de presse.

Une deuxième chance pour le droit voisin en France

Adoptée à l’unanimité par la Commission de la culture au Sénat mercredi dernier, elle n’est pas le premier essai du sénateur socialiste. En 2016, la proposition de loi de David Assouline n’incluait que les agences de presse. Un chèque de 60 millions a été remis aux éditeurs de presse, après une négociation menée par François Hollande. Sur ces 60 millions, la présidente de la Commission de la culture, Catherine Morin-Desailly considère que « les agences de presse avaient reçu une aumône de 60 millions. Il faut une juste rétribution de contenus dont bénéficient ces moteurs de recherche ».

Droit voisin : "C'est essentiel pour la survie de la presse" affirme Catherine Morin-Desailly.
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La proposition de loi a connu un échec puisqu’elle ne trouvait pas de niche socialiste car le gouvernement adoptait ses dernières lois avant la présidentielle… Après son élection, Emmanuel Macron a suggéré d’attendre que la directive européenne soit adoptée pour qu’un tel droit soit reconnu en France.

Un avenir incertain du droit voisin au niveau européen

La directive européenne a été adoptée le 12 septembre dernier après un premier rejet en juillet. Une majorité sur ce droit voisin n’a pas pu être constatée au Parlement européen. Sur la directive, David Assouline annonce que ce qu’il propose est « très proche d’une transposition » et qu’il se « cale » sur ce que permet la directive. « Si c’est un échec au niveau européen, la France aura sa propre législation » conclut David Assouline sur cette directive.

Cela dit, un consensus européen permettrait de contrecarrer les géants du numérique. L’Espagne a mis en place un système équivalent au droit voisin : une compensation aux éditeurs est reversée pour la reproduction de leurs contenus. Le responsable de Google News, Richard Gingras, avait annoncé en 2014 sa fermeture en Espagne suite à cette loi, n’étant pas prêt à payer cette compensation. « Google News lui-même ne gagne pas d’agent, cette approche n’est pas souhaitable » avait expliqué Richard Gingras. Résultat, plus aucune information en provenance d’un média espagnol n’est relayée par Google News.

« Pour sa crédibilité, Google n’a pas intérêt à quitter la France. »

David Assouline assure que « Google ne pourrait quitter la France » et que cela impacterait son image et des concurrents comme « Qwant » vont commencer à prospérer.

Catherine Morin-Desailly, sénatrice centriste, partage ce point de vue : « Google a intérêt à poursuivre son activité en Europe qui est un marché profond et durable de 500 millions de consommateurs. C’est le premier marché économique organisé. Google joue toujours sur le jeu du chantage. Je crois que ça suffit, les moteurs de recherche ont largement abusé en matière fiscale, sur les données personnelles sur la question de la concurrence. »

David Assouline révèle que lors d’auditions au Sénat, des représentants de Google ont confessé ne pas s’opposer à sa proposition de loi, mais qu’ils « regarderaient » son application. Il ajoute que « le combat continue » et que la vraie complexité restera l’application de cette loi.

La loi ne prévoit pas de critères de rémunération. David Assouline renvoie aux négociations entre les acteurs.

Négociations entre la presse et les GAFA

Sur le système de rémunérations, David Assouline explique que « des sociétés vont se constituer et iront négocier avec les GAFA selon des critères qu’ils vont définir pour être rémunérés. »

L’avenir de la presse écrite inquiète les professionnels de la branche. Les numéros vendus connaissent une chute de 40 %, représentant une perte de 3 milliards pour la presse ces 10 dernières années. Une baisse qui s’accompagne d’une migration des recettes publicitaires vers le net. Les recettes de publicité constituent un financement majeur pour les médias. Pourtant, sur 3.5 milliards de recettes de publicité sur le Net, les GAFA à eux seuls empochent 2.4 milliards. « Non seulement ils ne paient rien, mais ils reçoivent des revenus publicitaires ! » s’exclame David Assouline.

Les négociations pourraient-elles mettre de côté des petits de la presse ? David Assouline assure qu’il « insiste sur le fait qu’il doit y avoir une unité de l’ensemble de la presse et que les acteurs de la presse ne doivent pas être dispersés. » L’utilité serait nécessaire, estime David Assouline, pour ne pas voir fleurir des accords privilégiés entre Google et des groupes de presse afin que Google puisse contourner la loi. Pour une action commune, l’organisation « l’Alliance de la presse d’information générale » a été créée et regroupe l’ensemble de la presse française.

« La proposition de loi a été adoptée à l’unanimité au sein de la commission de la culture. Je suis confiant qu’elle fera l’unanimité au Sénat. Le gouvernement voit d’un très bon œil la proposition. Je suis optimiste » conclut David Assouline.

La proposition de loi sera examinée ce jeudi en séance publique.

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