Et si le véritable héritier de mai 68 c’était Valéry Giscard d’Estaing ?

Et si le véritable héritier de mai 68 c’était Valéry Giscard d’Estaing ?

50 ans après mai 68, l’Info dans le rétro revient  sur cette page d'histoire avec pour invités Serge July étudiant contestataire à l'époque et l'historien Philippe Artières qui vient de terminer une analyse des archives du pouvoir. Comment le gouvernement a-t-il réagi face à la menace et à la crise ? En quoi ces affrontements représentent-ils, à 50 ans d'intervalle, un spectre pour le pouvoir et une référence pour les manifestants ? Regards croisés sur ces évènements qui ont marqué l’histoire.
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Par Adrien BAGET

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Que nous enseignent les archives du pouvoir sur cette histoire maintes fois racontée ? 50 ans après, des procès-verbaux du conseil des ministres, au plan d'acheminement du courrier par avion militaire, en passant par les discours du général de Gaulle, ces nouvelles archives révèlent au grand public des aspects peu connus des évènements de 68. À commencer par cette note de la direction des compagnies de CRS qui salue la fermeté et le sang froid des policiers.

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Sur les images du 8 mai 1968 on voit des scènes d'insurrection urbaine dans le quartier latin. Un face-à-face tendu qui n'étonne pas l'historien Philippe Artières « Nous sommes six ans après la guerre d’Algérie et sept ans après les massacres de Charronne et la France est beaucoup dans la rue ». Il s’agit donc d'abord d’une jeunesse qui se heurte au pouvoir. Pour Serge July, témoin de premier plan de ces évènements et vice président du syndicat étudiant l'Unef à l'époque, le général de Gaulle ne comprend pas ce mouvement et pense qu'il faut faire preuve de fermeté « le petit-fils de de Gaulle raconte un déjeuner à l'Élysée avec con grand-père, à la question que son grand-père lui pose sur les raisons de la contestation. Sa réponse : on veut vivre plus ! est suivie par un grand silence (…) il y a une incompréhension, de Gaulle ne comprend pas ce qui se passe, Pompidou un peu plus ». 

Pour Philippe Artières, « il y a un grand changement entre fin juin quand le ministre de l’intérieur est Fouché et puis l‘arrivée de Marcellin qui a eu une politique répressive (…) on oublie qu’il y a eu des morts », Serge July de préciser « deux ouvriers morts par balles à Sochaux ». Est-ce révélateur de divergences au sein même du pouvoir entre de Gaulle et Pompidou ? Oui selon Serge July il y a deux stratégies et de Gaulle laisse faire un peu et par moments cela se télescope (…) l’évacuation de la Sorbonne du 3 mai est idiot et met le feu aux poudres, personne n’avait fait cela depuis 1940 avec Pétain ». 

Une convergence des luttes face au pouvoir

Le 22 mai 1968 les ouvriers entrent dans la contestation comme l'atteste ce décompte fait des heures perdues. Des cortèges étudiants se rendent sur le site de Renault à Boulogne-Billancourt et de Sud Aviation à Nantes. Pour Philippe Artières la proximité des usines autour de Paris facilite cette convergence des luttes (…) le paysage urbain est très important ».  Une proximité géographique mais aussi familiale pour Serge July « dans les familles il y a à la fois des étudiants mais aussi des jeunes qui vont travailler en usines à côté ». Cette convergence des luttes permet d’établir la jonction entre les ouvriers et les étudiants au grand dam du pouvoir.

La réponse gaullienne

Le 30 mai 1968 de Gaulle tente de reprendre la main par un discours fort et par une manifestation monstre sur les Champs-Élysées à Paris de ses partisans. Il décide de dissoudre l’Assemblée Nationale et annonce que la République ne faiblira pas. Un revirement comme l'atteste son discours raturé. « Il cherche une issue démocratique au mouvement » précise Serge July. Pour Philippe Artières il n'y a jamais eu défaillance de l'État « Non, il y a une continuité de l’État (…) des hommes de cabinet comme Ducamin, Foccart et Balladur travaillent activement dans une grande fébrilité car ils ne savent pas trop quoi faire ». Et Serge July de détailler « la question du pouvoir n’était pas posée (…) les accords de Grenelle, le voyage à Baden-Baden, la manifestation pro de Gaulle aux Champs-Élysées, permet de dire qu’il y a un peuple anti-68 et des élections anticipées pour une sortie démocratique et pas en force ». Le fait que la question du pouvoir n’était pas posée traduit le refus des manifestants de renverser le pouvoir en place. Pour Philippe Artières « cette question n’est jamais posée, les manifestations passent devant le Sénat et ne pensent pas l’occuper, tout comme les occupants de l’Odéon, ni les Beaux-arts occuper l’Assemblée Nationale ». Il n’y a donc pas de tentative de prise de pouvoir en mai 68 car toujours selon Philippe Artières « ce qui importe vraiment c’est changer la vie et vivre autrement dans l’usine ».

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Une victoire de l’esprit mai 68 

Malgré la victoire de de Gaulle aux élections législatives et le fait que le pouvoir en sorte renforcé, l’héritage de mai 68 à long terme ne prend-il finalement pas le pas sur la société gaullienne ? Selon Serge July, « Oui, car il y a d’abord des gens qui ont récupéré une partie de l'héritage de mai 68. Le slogan du Parti socialiste en 1981 est Changer la vie (…)  pour les gens qui y ont participé, leurs vies ont été changées par une expérience collective de la liberté ». Mais plus surprenant pour Philippe Artières le véritable hériter de l'esprit de mai 68 c'est Valéry Giscard d'Estaing « c'est lui qui rend visite aux prisonniers, lui qui abaisse la majorité à 18 ans, lui encore qui légalise l'IVG ».

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