Sortie de l’état d’urgence sanitaire : les sénateurs veulent limiter les pouvoirs du gouvernement

Sortie de l’état d’urgence sanitaire : les sénateurs veulent limiter les pouvoirs du gouvernement

Le Sénat a adopté en commission sa version du projet de loi qui accompagne le déconfinement. Les sénateurs veulent fixer au 15 septembre la fin du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, contre le 30 septembre pour les députés. Ils s’opposent à la possibilité d’interdire les déplacements et de fermer les commerces ou restaurants. Si le gouvernement veut le faire, il devrait décréter à nouveau l’état d’urgence.
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Après des débats tumultueux à l’Assemblée, les sénateurs s’emparent du projet de loi de gestion de la sortie de la crise sanitaire. Il l’ont adopté en commission ce lundi, en fin de journée, avant les débats en séance demain.

A l’Assemblée, c’est l’article 1, celui qui porte notamment le pass sanitaire, qui a été à l’origine d’un psychodrame au sein de la majorité présidentielle. Les députés Modem l’ont d’abord rejeté, dénonçant un texte trop flou. Après négociation avec l’exécutif, la date de fin du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire a été ramenée au 30 septembre, contre le 31 octobre prévu initialement. Une seconde délibération, autorisée par le règlement, a finalement permis l’adoption de l’article litigieux.

La majorité sénatoriale de droite et du centre veut aller un peu plus loin. Elle a en effet ramené la date de fin du régime de sortie de l’état d’urgence à mi-septembre, le 15 exactement. Au passage, le rapporteur du texte, le sénateur LR Philippe Bas, prolonge l’état d’urgence sanitaire du 2 au 30 juin, « date à laquelle le gouvernement estime ne plus avoir besoin de recourir à un couvre-feu pour contenir la diffusion de l’épidémie », selon l’exposé des motifs de l’amendement.

Le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire permet lui à peu près tout, sauf un confinement national. Il donne à l’exécutif des pouvoirs d’exception, en dehors du droit commun, comme la limitation au droit d’aller et venir ou la fermeture des établissements recevant du public. Les dates du couvre-feu – fixé à 21 heures, puis à 23 heures à partir du 9 juin – ont été précisées dans le texte du gouvernement.

Les sénateurs veulent un régime qui limite les possibilités de restrictions pour le gouvernement

Les sénateurs ont justement limité la portée de ce régime et les pouvoirs du gouvernement. Ils suppriment la référence aux heures du couvre-feu, puisqu’ils prolongent l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 juin. Surtout, à la place du dispositif voulu par le gouvernement, synonyme de quasi état d’urgence qui ne dit pas son nom, ils proposent « un régime […] qui présente véritablement un caractère intermédiaire ». Selon la version des sénateurs, « il ne serait pas possible d’interdire la circulation des personnes et des véhicules et de fermer une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public et les lieux de réunion dans les parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus et pour ce seul motif », mais plutôt de « réglementer » la circulation et de « restreindre » les déplacements. Les commerces, bars ou restaurants ne pourraient donc pas être fermés dans un département où la circulation du virus repartirait à la hausse.

En revanche, en cas d’un retour de l’épidémie justifiant la prise de mesures « fortement attentatoires aux libertés, il reviendra au gouvernement de déclarer à nouveau l’état d’urgence sanitaire pour les parties du territoire concerné ». C’est donc un régime qui limite les possibilités de restrictions pour le gouvernement, garantissant mieux les libertés publiques, dans la tradition du Sénat.

Si le gouvernement est contraint de décréter à nouveau cet été l’état d’urgence sanitaire pour un territoire représentant moins de 10 % de la population, la majorité sénatoriale entend qu’il soit obligé de le prolonger devant le Parlement au bout d’un mois, et non deux mois, comme le souhaite le gouvernement. Un amendement similaire de la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie a été adopté.

Faire la différence entre les événements en « extérieur » et en « intérieur » pour le pass sanitaire

Concernant le Pass sanitaire – dont le terme n’apparaît pas dans le texte – il permettra de limiter l’accès à certains lieux qui accueillent beaucoup de monde, à condition d’avoir été vacciné, de présenter un test négatif ou un certificat de rétablissement après une contamination au covid-19.

S’ils sont d’accord avec le principe, les sénateurs veulent « mieux circonscrire » ce pass sanitaire. Philippe Bas propose de faire la différence entre les événements en « extérieur » ou en « intérieur », en précisant clairement que le pass sanitaire ne peut être mis en œuvre que pour les lieux ou événement « impliquant de grands rassemblements de personnes qui, en raison de leur configuration ou de la nature des activités qu’ils accueillent, ne permettent pas d’assurer le respect des gestes barrières ». « Les personnes autorisées à contrôler ce pass sanitaire à l’entrée des lieux concernés ne pourraient avoir accès qu’à une forme simplifiée des documents concernés, afin de restreindre la diffusion d’informations de santé », précise également l’amendement adopté en commission. Un décret devrait aussi « déterminer, après avis du conseil scientifique Covid-19, les éléments permettant d’établir les différents types de preuve et, après avis de la CNIL, les personnes et services autorisés à contrôler les documents ».

« Le pass sanitaire n’est pas une manière de retrouver la liberté, c’est une nouvelle contrainte », alerte le centriste Loïc Hervé

Si ces garanties vont plutôt dans le bon sens, aux yeux du sénateur centriste Loïc Hervé, elles ne vont pas assez loin pour ce fervent opposant au pass sanitaire. Le sénateur de la Haute-Savoie a carrément déposé un amendement de suppression de l’article 1, tout comme la présidente du groupe communiste, Eliane Assassi. Ils n’ont pas été adoptés. « Philosophiquement et éthiquement, je suis contre le pass sanitaire, qui pose des questions de libertés publiques considérables. Ce n’est pas un petit truc, ce n’est pas anodin. Le pass sanitaire n’est pas une manière de retrouver la liberté, c’est une nouvelle contrainte », nous explique Loïc Hervé, dont l’amendement est signé par trois de ses collègues. « C’est une contrepartie à la vaccination, alors que le Président avait dit qu’il n’y en aurait pas, et une manière d’inviter à utiliser l’appli Tous anti covid », regrette encore le sénateur. Rejetant avant tout le pass, plus que les autres dispositions, il ajoute :

Il y a à boire à et manger dans l’article 1. On noie le pass sanitaire au milieu d’autres mesures.

Loïc Hervé craint surtout que cela « crée un précédent. Jamais on n’a de contrôle des informations médicales, sur l’état de santé des personnes. Ça ne se fait pas. Et il ne faut pas qu’on me sorte l’histoire de la fièvre jaune. Aller en Guyane ou dans un festival, ce n’est pas la même chose ». « Il y a aussi un risque de généralisation », ajoute encore le sénateur. Regardez :

Il alerte aussi sur les personnes qui devront contrôler le pass sanitaire. « On se fiche du monde. Ce contrôle sera fait dans les festivals par un bénévole ou un agent de sécurité », s’indigne le centriste, qui demande qu’il soit fait par des forces de l’ordre habilitées. A défaut de pouvoir supprimer la mesure, Loïc Hervé aimerait au moins la borner dans le temps, « au 30 septembre, car on ne sait pas quand ça s’arrête ».

Réouverture des discothèques ?

Les sénateurs centristes ne sont pas tous d’accord sur le sujet. Pour preuve, le président du groupe Union centriste, Hervé Marseille, a déposé un amendement permettant la réouverture des discothèques via le pass sanitaire (lire notre article sur le sujet). Une mesure rejetée à une voix près à l’Assemblée. L’amendement d’Hervé Marseille a aussi été rejeté en commission.

Le texte comporte aussi une série de mesures visant à faciliter l’organisation des élections régionales et départementales, repoussées au mois de juin. A noter qu’un amendement de Philippe Bas précise le rôle joué par le service public télé et radio dans le traitement des scrutins, mesures dont le Sénat était à l’origine. Mais plutôt qu’une simple « couverture », les sénateurs souhaitent que le service public « organise dans chaque circonscription un débat entre les candidats » aux élections régionales. Avec ou sans masque, l’amendement ne le dit pas.

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