“Gilets jaunes”: Macron s’exprimera lundi soir, après avoir vu partenaires sociaux et élus

“Gilets jaunes”: Macron s’exprimera lundi soir, après avoir vu partenaires sociaux et élus

Quelque 136.000 manifestants samedi comme une semaine auparavant, un record d'interpellations, des dégâts dans plusieurs villes: pressé d...
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Par Anne Pascale REBOUL

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Quelque 136.000 manifestants samedi comme une semaine auparavant, un record d'interpellations, des dégâts dans plusieurs villes: pressé d'intervenir après l'acte IV de mobilisation des "gilets jaunes", Emmanuel Macron va recevoir lundi partenaires sociaux et élus, et devrait annoncer dans la soirée de nouvelles mesures face à cette crise mettant le pouvoir à l'épreuve.

Le président "s'adressera à la Nation" lundi à 20H00 depuis le palais présidentiel, a indiqué l'Elysée.

Il va présenter "des mesures concrètes et immédiates", a assuré dimanche la ministre du Travail Muriel Pénicaud, qui a cependant écarté tout "coup de pouce" supplémentaire au Smic, qui détruirait des emplois selon elle.

Emmanuel Macron "saura retrouver le chemin du coeur des Français", selon le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

Dans la matinée, le chef de l'Etat recevra syndicats et organisations patronales, aux côtés des présidents d'associations d'élus, du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Conseil économique, social et environnemental.

Il s'agit selon l'Elysée de "réunir l’ensemble des forces politiques, territoriales, économiques et sociales dans ce moment grave que traverse la Nation" afin de "les mobiliser pour agir".

"Le temps du dialogue est là" et "il faut désormais retisser l'unité nationale", mise à mal par cette fronde populaire inédite, née sur les réseaux sociaux, avait déclaré dès samedi soir le Premier ministre.

Les autorités ont réussi à enrayer samedi l'escalade de la violence tant redoutée notamment grâce à un recours massif aux interpellations: pour l'ensemble de la France, le ministère de l'Intérieur a fait état de près de 2.000 personnes interpellées, dont plus de 1.700 ont été placées en garde à vue.

La grande majorité concernait Paris avec 1.082 interpellations contre 412 le samedi précédent, notamment des personnes arrêtées avec sur elles masses, marteaux, boules de pétanque... A l'issue du millier de gardes à vue, "des réponses rapides associant fermeté et pédagogie seront mises en œuvre", a promis le procureur Rémy Heitz.

Tirs de gaz lacrymogènes en nombre dans Paris, vitrines brisées sous les lumières de Noël et pillages, voitures brûlées à Paris, à Bordeaux, Toulouse et toujours des blocages sur les routes: les images de samedi ont une nouvelle fois marqué les esprits en France comme à l'étranger.

Dimanche, opérations péage gratuit et occupations de ronds-points se maintenaient, notamment dans l'Ouest et le Sud-Est.

- Mesures pour les commerçants -

Dans la capitale samedi, les scènes de violences, concentrées aux abords de la place de l'Etoile et de l'Arc de Triomphe la semaine précédente, se sont produites cette fois dans plusieurs quartiers.

La mairie de Paris estime même que la journée du 8 décembre a occasionné plus de dégâts matériels que huit jours auparavant et juge plus important le coût économique, car des magasins étaient fermés. "De nombreux Français, notamment commerçants, ont connu un nouveau samedi noir", selon Laurent Wauquiez (LR).

Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est alarmé d'une "catastrophe pour notre économie" et a promis "des réponses très concrètes (et) très directes" aux commerçants frappés.

Proche du chef du gouvernement, le maire de Bordeaux Alain Juppé, dont la ville a été particulièrement touchée, a appelé Emmanuel Macron à "répondre concrètement à certaines attentes légitimes", à tenir "un discours d'autorité", mais aussi "de compréhension, d'empathie".

Des maires attendent "des actes en face des mots", a fait valoir l'édile LR de Poissy Karl Olive, qui avait été reçu avec un collectif vendredi plus de trois heures à l'Elysée.

En outre, les heurts ont fait quelque 325 blessés, d'après la ministre de la Santé Agnès Buzyn, soit autant que le 1er décembre. Un homme a eu une main arrachée à Bordeaux.

Un dispositif "exceptionnel" avait été prévu, avec 89.000 membres des forces de l'ordre déployés sur l'ensemble du territoire, dont 8.000 à Paris appuyés par 14 véhicules blindés à roue, déployés pour la première fois de leur histoire dans la capitale. La Tour Eiffel, le Louvre et de nombreux commerces étaient restés fermés.

Le mouvement des
Chronologie du mouvement social des "gilets jaunes" qui secoue la France depuis octobre 2018
AFP

Samedi soir, le ministre de l'Intérieur s'est félicité que la "dynamique des casseurs" ait été "brisée".

Un millier de "gilets jaunes" ont aussi défilé à Bruxelles, où 400 personnes ont été arrêtées et un policier blessé.

- Des concessions en vain -

Une manifestante à Marseille, le 8 décembre 2018
Une manifestante à Marseille, le 8 décembre 2018
AFP

Cible récurrente des manifestants, à coup de "Macron démission", le chef de l'Etat a laissé jusqu'alors Edouard Philippe monter au front, devant le Parlement et les médias. Il est désormais pressé de toutes parts de prendre la parole.

Les concessions de l'exécutif, notamment l'annulation de l'augmentation de la taxe sur les carburants, semblent avoir eu pour principal effet d'avoir fragilisé le Premier ministre qui défendait une simple suspension de la hausse, avant d'être brutalement désavoué par l'Elysée. Faut-il annoncer un tournant social ou "garder le cap" des réformes comme jusqu'alors?

"Inquiet" pour la démocratie et les institutions, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, poids lourd de l'aile gauche de la majorité présidentielle, a appelé à un "nouveau contrat social indispensable".

Le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, avait de nouveau évoqué samedi "la dissolution" de l'Assemblée nationale. "Les trois quarts des revendications des +gilets jaunes+ sont dans notre programme", avait-il aussi assuré, alors que le mouvement est rétif à toute classification politique.

Députés LFI, communistes et socialistes doivent déposer lundi une motion de censure contre le gouvernement, qui devrait être débattue mercredi ou jeudi mais n'a aucune chance d'être adoptée. "En restant droit dans ses bottes depuis plusieurs semaines, le gouvernement porte la responsabilité des conséquences pour la paix civile et l'économie du pays", juge André Chassaigne (PCF).

Depuis la Belgique, la présidente du RN Marine Le Pen, qui souhaite aussi une dissolution, avait demandé à Emmanuel Macron des "réponses fortes" à la "souffrance" des "gilets jaunes".

Une concertation de trois mois et demi doit démarrer samedi prochain dans toute la France, avec syndicats, élus locaux et "gilets jaunes". Le gouvernement s'y est engagé afin de dégager des "mesures d'accompagnement justes et efficaces". Olivier Faure (PS) a réclamé une "négociation", pas "un grand blabla décentralisé".

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On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.

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