« Il est peut-être temps de se mettre au boulot ! » : le Sénat se penche sur les dotations aux collectivités

« Il est peut-être temps de se mettre au boulot ! » : le Sénat se penche sur les dotations aux collectivités

Dans le budget 2021, plusieurs sénateurs ont reproché au gouvernement de retarder le délicat chantier de la fiscalité et des moyens des collectivités locales. Ils ont modifié par amendement le calcul de la répartition d’une dotation de l’Etat, afin de mieux favoriser les petites communes.
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Dans la chambre représentant les collectivités territoriales – c’est l’un des rôles constitutionnels du Sénat – les esprits peuvent parfois s’échauffer dès lors que l’on met les mots finances et collectivités dans le même débat. C’était justement ce chapitre du budget 2021 qui était examiné ce 2 décembre 2020 en séance. Et à l’évidence, certains sénateurs ont voulu bousculer un peu les choses, en faisant adopter des amendements, qui n’ont été ni du goût du rapporteur de la commission des finances (le socialiste Claude Raynal), ni du gouvernement (Joël Giraud, secrétaire d’Etat chargé de la Ruralité).

L’hémicycle, à majorité LR et centriste, a ainsi adopté un amendement du sénateur Bruno Belin (rattaché au groupe LR), qui modifie une partie des règles de calcul des montants des subventions versées par l’Etat aux collectivités, au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). L’aide est importante pour les territoires qui souhaitent mener des dépenses d’investissement, l’enveloppe globale tourne autour d’un milliard d’euros. Et les critères d’attribution dépendent de plusieurs facteurs : démographie et richesse fiscale par exemple. Son amendement, cosigné par une trentaine de membres du groupe LR, vise à donner plus de poids au critère de la population, dans le but de « favoriser les communes les moins peuplées ».

Le rapporteur spécial de la commission des finances, Claude Raynal (PS), n’a pas souhaité soutenir l’amendement. Une telle modification aurait mérité, selon lui, des « négociations approfondies pour limiter au maximum les perdants ». S’appuyant sur un rapport de la députée Christine Pires Beaune (PS), qui avait mené des travaux sur le sujet, il a rappelé que la modification que le Sénat s’apprêtait à voter « conduirait à rendre inéligibles » à la DETR près de « 3 400 communes ». Le gouvernement, par la voix du secrétaire d’Etat, chargé de la Ruralité, Joël Giraud, a mis en garde également contre le « risque énorme » de l’amendement. « Dès lors qu’on introduit la démographie des communes, cet amendement peut se retourner contre un certain nombre de communes, et notamment les départements très ruraux », a-t-il averti.

« Au nom du sacro-saint principe qu’il y a des perdants et des gagnants, on ne fait plus rien »

Fatigué de constater une inertie sur le sujet depuis « dix ans », le sénateur LR René-Paul Savary a réagi : « Forcément, il y aura des gagnants et des perdants ! Il faut peut-être que ça change aussi les gagnants et les perdants. » La communiste Cécile Cukierman s’est étonnée elle aussi de l’argumentation. « Au nom du sacro-saint principe qu’il y a des perdants et des gagnants, on ne fait plus rien. » La sénatrice a souligné que les parlementaires et le gouvernement auraient tout le loisir de limiter les effets pervers de l’amendement au cours de la navette parlementaire. L’amendement aurait le mérite, selon elle, de faire en sorte que les communes « exclues » puissent « bénéficier des fonds dont elles ont besoin ».

Dans une ultime tentative pour convaincre ses collègues, le rapporteur Claude Raynal a sorti sa dernière carte. « Ce qu’on fera en fin de soirée, c’est donner la liste des 3 404 communes exclues. On verra dans quelle position les uns et les autres vous serez ! »

Après des heures de débats, commencés le matin (lire notre article), le sénateur LR Dominique de Legge a estimé que si la haute assemblée en était là, c’était à cause de l’absence d’une vaste réforme de la fiscalité locale et des moyens dont disposent les collectivités. « Il ne faut pas s’étonner si vous avez autant d’amendements, puisque vous renvoyez systématiquement la réforme de fond en renvoyant à des jours meilleurs […] Il est peut-être temps de se mettre au boulot », s’est-il exclamé. « Nos communes méritent mieux que d’être la variable d’ajustement du budget. »

Dans la même logique, l’hémicycle a également adopté par la suite un amendement des socialistes, toujours contre l’avis du rapporteur de la commission des finances et du gouvernement. Il s’agit de réserver 15 % de l’enveloppe départementale de la dotation d’équipement des territoires ruraux pour les projets des communes de moins de 1 000 habitants, dont le coût n’excéderait pas 50 000 euros.

Les centristes dénoncent l’opacité de la DETR

Dans une logique de favoriser la transparence, sénateurs centristes et LR ont également ressorti un amendement vieux de douze ans. Celui-ci prévoit que les refus du bénéfice des dispositions de cet article sur le versement de la DETR devront être « motivés ». La répartition de la DETR n’est pas le seul problème, son utilisation en est une autre. Et à ce titre, beaucoup de sénateurs ont insisté sur le poids du préfet dans le choix des opérations à subventionner localement. Un amendement défendu par Hervé Maurey (Union centriste), est venu renforcer le rôle de la commission d’élus dans le processus. L’ensemble des dossiers de projets déposés devra être communiqué à la commission. Et leur avis sera requis dès qu’un montant de subvention dépasse 80 000 euros (et non 100 000 actuellement).

La DETR n’a pas été la seule dotation abordée au cours des débats. Un amendement, soutenu par le groupe LR, le groupe socialiste, écologiste et républicain, mais aussi le RDSE (à majorité radicale), a fait évoluer la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Celle-ci pourra intervenir dans le financement d’investissements touristiques. Gouvernement et commission des finances n’y étaient pas favorables.

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