Les “gilets jaunes” fêtent les six mois du mouvement avec une participation au plus bas
Le noyau dur des "gilets jaunes" a manifesté samedi pour le 27e samedi consécutif, le gouvernement annonçant la plus faible mobilisation depuis...
Par Dominique CHARTON, Julia PAVESI, et les bureaux de l'AFP
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Le noyau dur des "gilets jaunes" a manifesté samedi pour le 27e samedi consécutif, le gouvernement annonçant la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement il y a six mois, à une semaine des élections européennes.
Pour cet acte 27, ils étaient environ 15.500 samedi en France, dont 1.600 personnes à Paris, selon le ministère de l'Intérieur, soit la plus faible mobilisation depuis l'acte 1 le 17 novembre. Des estimations contestées par les "gilets jaunes" qui avancent 41.000 personnes et recensent 152 lieux de mobilisation.
Les "appels nationaux" lancés à Reims et Nancy ont attiré respectivement environ 2.000 et 1.300 personnes. Des tensions y ont éclaté et la police a fait usage de gaz lacrymogène, comme à Lyon et Dijon.
Un gilet jaune samedi 18 mai 2019 à Reims
AFP
"Il y a des briseurs de vie et des briseurs de vitres, regardez où est la violence", "Macron impose, la France explose", pouvait-on lire sur les banderoles du cortège à Reims, où sont venus une cinquantaine de "black bloc", selon la mairie, qui fait état d'une vingtaine de vitrines brisées. Au moins deux manifestants ont été blessés et pris en charge par les pompiers, du mobilier urbain dégradé et des poubelles enflammées, selon un journaliste de l'AFP.
"Faut aller voter, faut un maximum de votes anti-Macron, comme ça il verra bien que le peuple est pas content du tout de ce qu’il fait. Au moins là il verra bien. Allez voter, pas d’abstention, pas de vote blanc", a lancé Sébastien. Et Annie, 52 ans, d'assurer: "Aux Européennes, tout le monde ici votera contre Macron".
A Paris, les premiers "gilets jaunes" sont arrivés sur le parvis du Sacré Cœur à Paris vers 17h30, destination finale du cortège parisien parti de la Défense en début d'après-midi.
- "Motivation toujours là" -
Reflets de gilets jaunes dans l'Ombrière du Vieux Port de Marseille samedi 18 mai 2019
AFP
"Il y a un peu moins de monde mais la motivation est toujours là, je me bats pas pour moi mais pour mes enfants, mes petits enfants, pour tous ceux qui sont dans la misère, pour les migrants qu’ils aient une vie décente", a réagi auprès de l'AFP Patricia Richard originaire de l’Essonne, ancienne animatrice.
Selon les chiffres préfectoraux, 600 personnes ont manifesté à Lens, entre 60 et 100 au Touquet, 90 à Nogent-sur-Oise, un millier à Montpellier, 900 à Alès.
"Ceux qui ne nous comprennent pas pensent que nous en voulons toujours plus. Alors que nous voulons juste mieux vivre. Mais qui est capable de vivre avec 900 euros ? Quand j'entends Macron dire qu'il a fait sa part, je ne peux pas être d'accord, et ça me mobilise d'autant plus !", a réagi Virginie, secrétaire de direction venue à Montpellier, où ils étaient un millier.
Le président de la République a en effet estimé vendredi le mouvement des "gilets jaunes" n'avait "plus de débouché politique", appelant "au calme" ceux qui continuent à manifester et les invitant à voter, voire à se présenter aux élections.
Les dates-clés du mouvement des "gilets jaunes" en France depuis novembre 2018
AFP
"Le gouvernement va peut-être remporter cette manche mais on a semé des graines", jugeait à Toulouse, où ils étaient environ deux milliers, Aurélien, un inventoriste trentenaire "gilet jaune" de la première heure. Et tire un bilan positif d'une mobilisation "qui a fait tomber les masques d'un pouvoir autoritaire" et a réussi, selon lui, "à saper à l'international l'image de Macron et à lui infliger un peu de burn-out".
A Bordeaux, qui fut l'une des places du mouvement, seuls quelque 450 "gilets jaunes" ont manifesté et rejoint le défilé contre Bayer-Monsanto, dont le mot d'ordre était "Monsanto, gilets jaunes, même combat!". A Besançon le cortège de 300 "gilets jaunes" a rejoint le rassemblement pour la journée de lutte contre l'homophobie et la transphobie.
Si le 1er mai avait largement rassemblé syndicats et "gilets jaunes", l'acte 26 avait réuni 18.600 manifestants en France selon le décompte gouvernemental contesté par les "gilets jaunes", qui en dénombraient 37.500.
Depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon, la ligne du Parti socialiste opposée à Olivier Faure multiplie les prises de parole tenant sa direction pour responsable dans l’échec de la nomination de Bernard Cazeneuve. Une accusation dont elle se défend, alors que le parti à la rose souhaite peser davantage à gauche.
Le nouveau locataire de Matignon consulte en vue de la nomination de son gouvernement. Côté LR, le nom du patron des sénateurs de droite, Bruno Retailleau, revient avec insistance. « Une hypothèse plus que possible », avance un sénateur LR, selon qui « on lui a demandé ». Mais rien n’est encore fait. Si des macronistes seront de la partie, les choses semblent bouchées à gauche.
Cela pourrait être le premier obstacle du gouvernement Barnier, avant même l’adoption du budget 2025 d’ici la fin de l’année. Les députés du Rassemblement national ont confirmé qu’ils entendaient déposer, dans le cadre de leur niche parlementaire prévue le 31 octobre, un texte d’abrogation de la réforme des retraites. Du côté du Nouveau Front populaire, qui proposait le retour de la retraite à 60 ans dans son programme, l’idée de devancer le RN en mettant une proposition similaire à l’ordre du jour dès l’ouverture de la session ordinaire à l’Assemblée fait aussi son chemin. Rien n’assure toutefois que les deux familles politiques joindraient leurs voix pour faire adopter un tel texte. « Nous ne serons pas condamnés à voter la proposition de loi de ces hypocrites, qui sont responsables du fait qu’aujourd’hui nous avons un partisan de la retraite à 65 ans à Matignon », fustigeait le sénateur communiste Ian Brossat, invité de la matinale de Public Sénat ce 9 septembre. Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le député Rassemblement national Sébastien Chenu rétorquait, accusant la gauche de « sectarisme ». Mathématiquement, la réforme des retraites, adoptée dans la douleur au mois de mars 2023, trouve tout de même une majorité contre elle à l’Assemblée. Face à ce constat, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a donc tenté d’arrondir les angles en annonçant le 6 septembre, sur le plateau de TF1, son souhait d’ « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus fragiles », sans pour autant « tout remettre en cause ». « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme » Quelles « améliorations » le gouvernement Barnier pourrait-il apporter au texte ? Au sein de la droite et du bloc central, le retour à la retraite à 62 ans semble en tout cas exclu. « Il faut rouvrir les discussions, mais pas pour remettre en cause la réforme. On l’a votée avec beaucoup de difficultés, on garde les acquis », défend un cadre de la majorité sénatoriale. Quelques ajustements du texte ne sont donc pas à exclure, ne serait-ce que pour « répondre », estime-t-il, à l’initiative parlementaire du RN et aux syndicats, qui prévoient une manifestation le 1er octobre. La ligne rouge des 64 ans n’interdit pas, par ailleurs, de rediscuter d’autres points de la réforme. Au Sénat, l’introduction de nouvelles mesures sur l’emploi des seniors semble par exemple faire consensus au sein de la majorité. À l’occasion de l’examen du texte, la chambre haute s’était déjà exprimée en faveur de l’instauration d’un « index seniors », censé pousser les entreprises à davantage de transparence sur l’emploi des salariés en fin de carrière, et sur la création d’un « CDI seniors », nouveau contrat de travail exonéré de certaines cotisations. Les deux amendements avaient finalement été censurés par le Conseil constitutionnel. « Il faut reprendre cet aspect là des choses, pour associer à cette réforme des retraites un véritable changement de politique vis-à-vis de l’emploi des seniors. Il faut sans doute aussi travailler, en lien avec les partenaires sociaux, sur la question de la pénibilité notamment dans les métiers du bâtiment ou de l’aide à la personne », propose la sénatrice centriste Élisabeth Doineau. En revanche, pour la rapporteure générale du budget de la Sécurité sociale, une remise en cause complète de la réforme serait « suicidaire » : « Il faut être lucide face aux réalités budgétaires du pays, pour ne pas entraîner la France vers de nouvelles dépenses qui seraient un naufrage. » « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans » Les déclarations de Michel Barnier, qui a indiqué que les « améliorations » qu’il entendait proposer respecteraient « le cadre budgétaire », ont donc de quoi rassurer les défenseurs de la réforme. À gauche, l’accueil de l’annonce du nouveau Premier ministre est évidemment beaucoup plus froid. « Je ne vois pas sur quoi le débat peut reprendre si on élude la question des 64 ans, puisque l’essence même de cette réforme c’est le report de l’âge de départ à la retraite », dénonce la sénatrice Monique Lubin, qui défendait déjà en février dernier une proposition d’abrogation de la réforme. L’élue socialiste doute par ailleurs de la sincérité de l’initiative du nouveau Premier ministre, qui défendait du temps de la primaire des Républicains en 2021 un report de l’âge légal à 65 ans. « Sa déclaration me laisse songeuse. Je pense qu’elle a surtout pour but de donner des gages, de contrebalancer la tendance à droite de ce futur gouvernement, au moment où il cherche des ministres de centre-gauche pour le composer », estime Monique Lubin. Du côté des syndicats, le scepticisme est aussi de mise. Au micro de France Inter le 8 septembre, la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon a réclamé « a minima » une suspension de la réforme, le temps de la réouverture des discussions, pour bloquer l’augmentation progressive de l’âge de départ à la retraite. De son côté, la CGT a fait de l’abrogation de la réforme l’un des mots d’ordre de la journée de mobilisation syndicale du 1er octobre.
Alors que se tiennent mardi et mercredi les journées parlementaires des groupes Ensemble pour la République et Horizons, une incertitude planait sur la venue du Nouveau Premier ministre. Le parti d’Edouard Philippe a envoyé une invitation à Michel Barnier. Du côté du groupe Ensemble pour la République dirigé par Gabriel Attal, on semblait vouloir garder ses distances.