Présidence suédoise du Conseil de l’UE : « le premier défi sera la question du protectionnisme américain »

Présidence suédoise du Conseil de l’UE : « le premier défi sera la question du protectionnisme américain »

Depuis le 1er janvier et jusqu’au 30 juin 2023, la Suède préside le Conseil de l’Union européenne alors que le jeune gouvernement doit composer avec une coalition soutenue par l’extrême droite. Pour Sébastien Maillard, directeur de l’institut Delors, centre de recherches européennes, la présidence suédoise devra préserver l’unité des Vingt-Sept face à de nouveaux défis, notamment des États-Unis. 
Public Sénat

Par Clara Robert-Motta

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Quelles sont les relations que la Suède entretient avec l’Union européenne ?

La Suède est membre de l’Union européenne depuis 1995, ce n’est donc pas sa première présidence. Toutefois, elle n’est pas un pays fondateur, ni même un pays moteur. Elle n’a jamais été très proactive en termes d’intégration européenne. D’ailleurs la Suède ne fait pas partie de la zone euro, la population a même voté contre lors d’un référendum en 2003.

Alors que la présidence du Conseil de l’Union européenne est généralement l’occasion pour le pays hôte de relancer les discussions sur l’Europe et de permettre à la population de se réapproprier le sujet européen, cela risque de ne pas être le cas lors de cette présidence suédoise qui sera sûrement prudente.

 

Pourquoi cette possible retenue de la part de la présidence suédoise ?

Un gouvernement de droite conservatrice et libérale vient tout juste d’être élu en octobre grâce au soutien d"un parti d’extrême droite, les Démocrates de Suède (SD). Or le gouvernement suédois va devoir être très prudent sur les questions européennes pour garder le soutien du parti d’extrême droite qui leur confère une majorité parlementaire. On ne doit pas s’attendre à une présidence audacieuse.

 

Quels sont les dossiers qui attendent la Suède lors de sa présidence ?

La Suède va avoir plusieurs crises à gérer. Le premier défi sera la question du protectionnisme. Depuis le 1er janvier 2023, l’Inflation Reduction Act des États-Unis entre en vigueur et soutient plus fortement les entreprises américaines, notamment grâce à des subventions sur les produits fabriqués aux Etats-Unis. Les Européens jugent cette loi contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce, ils prévoient une riposte européenne, avec le couple franco-allemand à la manœuvre.

Les risques de tensions entre les pays européens sont forts car tous ne souhaitent pas s’engager dans le même degré de riposte. La ligne suédoise a toujours été très libérale, le mot d’ordre de leur gouvernement est « compétitivité », au sens d’un marché européen très ouvert et attractif aux investisseurs étrangers. La Suède a d’ailleurs perdu un allié de poids, la Grande-Bretagne, avec le Brexit. En tout cas, bien qu’eux-mêmes réticents à toute forme de protectionnisme, les Suédois auront un rôle d’arbitrage à faire entre les pays pour garder l’unité. A noter que la Suède a une longue tradition du consensus politique.

 

Le parti d’extrême droite suédois se positionne clairement anti-immigration, quel pourrait être le poids de la présidence suédoise sur ce sujet ?

La question migratoire européenne est, de toute façon, très difficile à gérer au niveau européen. Il n’y a eu quelques avancées avant la reprise des flux migratoires. On ne s’attend pas à des prises de décisions ou des ententes décisives sous la présidence suédoise. Peut-être que la présidence espagnole qui suivra le 1er juillet 2023 pourrait pousser la question migratoire car l’Espagne est, elle, en première ligne et en demande de solidarité européenne sur cette question politiquement ultra-sensible.

 

Le parti d’extrême droite aura-t-il son mot à dire dans les affaires européennes ? Quid de la guerre en Ukraine ?

Il ne faut pas non plus survaloriser le rôle des présidences du Conseil de l’Union européenne. Le pays hôte de la présidence va déterminer l’agenda et les priorités, ce qui est à l’ordre du jour, et accélérer tel ou tel dossier ; mais elle est tributaire de ce qui a été fait lors de la précédente présidence et de ce que propose la Commission européenne. Pour être bien clair, ils ne président ni le Parlement européen, ni la Banque centrale européenne, ni le Conseil européen. Ils ne président 'que' le Conseil de l’Union européenne, ce qui est loin d’être toute l’Union européenne.

La façon dont cette présidence va se passer est en partie liée à l’investissement individuel des ministres. Chaque ministre en charge préside sa formation du Conseil et impose un rythme. Or, le parti d’extrême droite suédois ne dispose d’aucun ministre au gouvernement, il est simplement en soutien - toutefois indispensable.

Concernant la guerre, le consensus sur le soutien à l’Ukraine est partagé dans tous les pays européens et la Suède ne fait pas exception. Il ne devrait pas y avoir de remise en question. En revanche, les conséquences de la guerre sur l’approvisionnement énergétique pourraient obliger les Suédois à convoquer, de nouveau, de nombreux Conseils de l’énergie afin de trouver une solution pour refaire des stockages pour l’hiver prochain.

» Lire aussi : Montée de l’extrême droite en Suède : « Il est difficile de faire sans un parti qui fait 20 % »

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