Procès Fillon : des voix s’élèvent à droite contre la «sévérité» de la peine et le rôle du PNF

Procès Fillon : des voix s’élèvent à droite contre la «sévérité» de la peine et le rôle du PNF

Plusieurs parlementaires LR ont fait part de leur stupéfaction après le jugement rendu dans l’affaire des emplois fictifs des époux Fillon. La « sévérité » de la peine est pointée du doigt, mais plusieurs demandent également de faire la lumière sur les procédures engagées par le parquet national financier.
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Les parlementaires ne se bousculaient pas, ce 29 juin, pour commenter la condamnation, en première instance des époux Fillon. Beaucoup ne souhaitaient pas s’exprimer sur une décision de justice, d’autres préférant tourner la page d’un épisode qu’ils préféreraient oublier. En début d’après-midi, le tribunal correctionnel de Paris a jugé fictifs les emplois de Penelope Fillon comme assistante parlementaire de François Fillon et du suppléant de ce dernier, Marc Joulaud.

L’ancien Premier ministre et candidat à la présidentielle de 2017 a été reconnu coupable de détournement de fonds publics, et a été condamné à cinq ans d'emprisonnement, dont deux ferme, et dix ans d'inéligibilité, une peine qui suit les réquisitions du parquet. Son épouse a été condamnée à trois années de prison avec sursis. À eux deux, ils devront rembourser plus d'un million d'euros à l'Assemblée nationale et payer 750.000 euros d'amende. En faisant « prévaloir son intérêt personnel sur l'intérêt commun » dans un but d’ « enrichissement personnel », François Fillon « a contribué à éroder la confiance » des citoyens, a souligné la présidente du tribunal Nathalie Gavarino.

Leurs avocats ont vite annoncé qu’il ferait appel, dénonçant les « conditions surprenantes dans lesquelles les investigations se sont conduites. »

Christian Jacob « stupéfait de la sévérité de la décision »

Quelques rares personnalités à droite chez les Républicains se sont exprimées, à commencer par leur président, Christian Jacob, qui a témoigné de son « soutien amical » à François Fillon. Dans un tweet, le député s’est dit « stupéfait de la sévérité de la décision rendue par le tribunal correctionnel », mais aussi « persuadé que l'appel permettra de faire la lumière sur la procédure, et notamment le rôle du parquet national financier ». Cette allusion fait probablement référence aux déclarations d’Éliane Houlette, ancienne procureure de la République du parquet national financier, qui avait fait part aux députés « d’une énorme pression » qu’elle aurait subie lors de l’instruction de l’affaire Fillon en 2017 (relire notre article).

Proche de l’ancien candidat, Bruno Retailleau a réagi en expliquant que « François Fillon était déjà condamné avant le procès ». « Il devait être reconnu coupable, absolument coupable. La Justice était allée trop loin et ne pouvait pas se déjuger », a dénoncé le président du groupe LR au Sénat, avant d’aller dans le sens des réflexions de Christian Jacob. « On ne peut s’empêcher de penser que la déflagration de cette condamnation est destinée à couvrir le bruit des révélations sur une procédure manifestement entièrement à charge. »

« Ils n’y sont pas allés de main morte »

Au sein du même groupe, le sénateur Ladislas Poniatowski considère également que la peine est « très lourde », et même « disproportionnée » en rapport avec les fautes retenues. « Ils n’y sont pas allés de main morte », a-t-il réagi, interrogé par Publicsenat.fr. Le sénateur de l’Eure s’est surtout dit « très surpris » que le jugement ait été rendu. « Ils n’ont pas jugé utile de rouvrir les débats, compte tenu de ce qu’a dit il y a quelques jours l’ancienne procureur du parquet national financier », s’est-il étonné, parlant d’une « affaire politisée à outrance ».

Sénatrice LR du Maine-et-Loire, Catherine Deroche a accueilli avec surprise la décision du tribunal, mentionnant elle aussi les « révélations » de l’ancienne procureure du PNF. « Le jugement est très sévère. Je pensais qu’il y aurait peut-être un adoucissement par rapport aux réquisitions. » Sur le fond de l’affaire, la sénatrice estime que le travail de collaborateur parlementaire « n’est parfois pas si cadré qu’on pourrait le dire, au regard des fonctions demandées ». Pour elle, « on sentait que Penelope Fillon était une femme qui avait participé à la vie politique de son mari ». Catherine Deroche pense que l’ancien candidat à la présidentielle fait face à une condamnation exemplaire. « Il paye très fortement les faits qui étaient aussi le fait d’autres, mais qui, eux, s’en sont plutôt bien sortis. »

À l’Assemblée nationale, d’autres figures de la droite ont pris la défense de François Fillon, sur la même ligne. « La condamnation terriblement lourde à l’encontre de François Fillon s’inscrit dans la continuité d’un scénario politico-judiciaire dont on connaissait l’issue avant même le dénouement. Dès le début il devait être coupable, c’était écrit d’avance », a réagi sur Twitter le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti, qui entend dépose une proposition de loi pour supprimer le PNF.

Valérie Boyer s’interroge sur la manière dont a été conduite l’enquête

« J'attends la fin de ce jugement mais je n'imaginais pas une telle sévérité. La façon dont s'est déroulée l'enquête me fait poser des questions sur le fonctionnement démocratique », a ajouté la députée Valérie Boyer, sur l’antenne de LCI.

Chez les alliés des Républicains, le rôle joué par le PNF dans la procédure « interroge ». Hervé Marseille, le président du groupe Union centriste au Sénat, ne portera pas d’appréciation sur le jugement mais estime que les interrogations posées par les révélations d’Éliane Houlette sur le fonctionnement du PNF doivent « être levées ». « Ses observations devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sont troublantes. Ce qui s’est passé concernant l’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy, aussi », réagit-il auprès de Publicsenat.fr. Jeudi, l’ancien président de la République avait dénoncé une « invraisemblable accumulation de manquements et de dysfonctionnements », après les révélations du Point sur les investigations menées par le PNF sur des ténors du barreau, pour identifier une taupe qui l’aurait informé d’écoutes le visant. Le sénateur Hervé Marseille espère rapidement des réponses sur les procédures mises en œuvre.

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