Tchad : « La mort d’Idriss Déby peut avoir des conséquences funestes dans la lutte contre le djihadisme », selon Christian Cambon

Tchad : « La mort d’Idriss Déby peut avoir des conséquences funestes dans la lutte contre le djihadisme », selon Christian Cambon

La mort « sur le champ de bataille » du président tchadien Idriss Déby, annoncée mardi 20 avril, soit le lendemain de sa réélection, soulève beaucoup de questions, notamment sur les circonstances troubles de sa disparition. « C’est quand même rare qu’un chef d’Etat soit à la tête de ses troupes. Si c’est le cas, c’est admirable. Si ça […]
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La mort « sur le champ de bataille » du président tchadien Idriss Déby, annoncée mardi 20 avril, soit le lendemain de sa réélection, soulève beaucoup de questions, notamment sur les circonstances troubles de sa disparition. « C’est quand même rare qu’un chef d’Etat soit à la tête de ses troupes. Si c’est le cas, c’est admirable. Si ça ne l’est pas, cela mérite d’en savoir un peu plus », affirme à publicsenat.fr Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Une mort qui n’est pas sans conséquence pour la France, qui s’appuie sur sa base armée de la capitale N’Djamena dans sa lutte contre les djihadistes. « Notre inquiétude est liée au fait que toute déstabilisation dans cette région du monde ne fait qu’affaiblir l’ensemble de notre dispositif de lutte contre le terrorisme », souligne le sénateur LR du Val-de-Marne. Malgré le caractère « autoritaire » de son régime, Christian Cambon rappelle qu’Idriss Déby « était un ami de la France ». Entretien.

Le décès d’Idriss Déby, mort des suites de ses blessures « sur le champ de bataille » face à des rebelles, a surpris tout le monde. Quels vont en être les implications pour la région et pour la France ?

Au-delà de la dimension triste d’une pareille fin pour un chef d’Etat qui était tout de même un ami de la France, c’est une nouvelle particulièrement préoccupante pour nous, nos forces armées, et l’opération Barkhane. Car à l’évidence, le Tchad est un élément essentiel du puzzle sahélien. Je rappelle que le siège de l’opération Barkhane se trouve à N’Djamena. Et Idriss Déby, au-delà de toutes les considérations qu’on a pu émettre sur la manière assez autoritaire avec laquelle il a gouverné son pays, était un ami de la France, il nous soutenait (Emmanuel Macron se rendra vendredi aux obsèques d’Idriss Déby, ndlr). Et ses forces armées étaient un apport tout à fait essentiel à l’opération que nous menons au Sahel. Donc évidemment, sa disparition pose beaucoup de questions, notamment sur les circonstances qui l’ont conduit à disparaître de façon tragique. C’est quand même rare qu’un chef d’Etat soit à la tête de ses troupes. Si c’est le cas, c’est admirable. Si ça ne l’est pas, cela mérite d’en savoir un peu plus.

Les annonces qui ont été faites ne correspondent pas aux dispositions constitutionnelles de ce pays. Ils ont annoncé un conseil militaire de transition, dirigé par son fils, qui annonce des élections dans seulement 18 mois. Notre inquiétude est liée au fait que toute déstabilisation dans cette région du monde ne fait qu’affaiblir l’ensemble de notre dispositif de lutte contre le terrorisme.

Les conditions de son décès sont encore floues. Lors de l’annonce de sa réélection, lundi, Idriss Déby était déjà au moins blessé mais cela n’avait pas été annoncé…

A l’heure où nous parlons, nous n’avons aucun élément d’information. J’ai moi-même eu un contact avec le ministère des Armées qui n’en sait pas beaucoup plus. On va essayer de savoir ce qui s’est passé. Cela peut en dire sur les circonstances et les suites que cette tragédie aura sur le Tchad. On sait bien que le régime, même s’il était autoritaire, était l’objet de contestations. Il y a plus d’un an, une colonne avait foncé sur N’Djamena, menée par son neveu. La France avait dû intervenir. Je savais depuis quelques jours qu’une colonne progressait en provenance de Libye.

Paris a aidé Idriss Déby à plusieurs reprises. Mais pourquoi la France n’est-elle pas intervenue cette fois ?

Je n’ai pas la réponse. Il faudrait voir les circonstances de cet engagement. Je ne sais pas dans quelles conditions ça s’est passé, si elle a été sollicitée.

Médiapart évoque des sources qui affirment qu’Idriss Déby a été en réalité assassiné par son propre entourage. Cela vous semble-t-il plausible ?

Dans ces circonstances, et singulièrement dans ces pays africains, la machine à rumeurs fonctionne immédiatement. Ce matin, on m’a téléphoné pour me dire que son fils, lui-même, avait été assassiné… Il faut prendre avec beaucoup de précautions ces informations. Il y a beaucoup de monde au Tchad qui a intérêt à aggraver la situation.

La France a aidé Idriss Déby à prendre le pouvoir en 1990 et à le conserver ensuite. La base militaire de N’Djamena est stratégique pour Paris. Mais la défense des intérêts du pays justifie-t-il de soutenir une autocratie ?

La règle, en général, c’est à la fois que nos dirigeants aient une liberté de parole vis-à-vis de ces dirigeants pour leur exprimer leur sentiment sur la manière dont le pays peut être gouverné. Mais il n’est pas d’usage, quand un pays a consenti autant de morts parmi ses troupes, de leur faire en plus la leçon. Nous sommes tout à fait conscients de la situation. S’il ne convenait de discuter qu’avec des régimes parfaitement démocratiques, on ne parlerait pas à grand monde. Je retiens qu’Idriss Déby, depuis son arrivée au pouvoir, a été constamment un ami de la France. Il n’a pas trahi les intérêts et la position que la France a dans la région. Dans les circonstances assez tragiques actuelles, je ne souhaite pas être le procureur qui pointe les méthodes qui, bien évidemment, étaient contestables et contestées. Je sais que les dirigeants Français, peut-être de manière plus discrète, ont exprimé parfois leurs ressentiments par rapport à la manière dont les choses se passaient. Mais je retiens le rôle positif qu’il a eu par rapport à l’action de la France dans cette partie de l’Afrique.

La fin d’Idriss Déby aura-t-elle des implications dans la lutte contre le djihadisme ?

Ça peut en avoir. Ça peut avoir des conséquences assez négatives. Nous ne le souhaitons pas. Je n’ose croire que les dirigeants tchadiens, civils ou militaires, ne comprennent pas que l’action combinée de la France et du G5 Sahel est la seule manière d’assurer la sécurité dans cette région du monde. Le Tchad est à un carrefour géographique, qui le confronte à la fois aux bandes terroristes qui sévissent au Mali, mais aussi à toute l’agitation autour de Boko Haram et du lac Tchad. Bien évidemment, cet événement peut avoir des conséquences funestes, en tout cas très inquiétantes. Le gouvernement Français va tout faire pour y parer.

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