Premiers tirs croisés sur le projet de loi "asile-immigration": la majorité s'est retrouvée, au démarrage de l'examen des 900 amendements en commission, prise à partie par LR dénonçant un "appel d'air" et par la gauche indignée d'un "affaiblissement des droits fondamentaux".
La droite a focalisé ses critiques sur les premiers articles du texte, qui visent à faciliter le séjour de ceux ayant obtenu une protection internationale.
Cible majeure de LR: la possibilité pour les mineurs reconnus réfugiés, qui jusqu'ici pouvaient faire venir leurs parents, de faire venir aussi leurs frères et soeurs, pour que "le droit à la réunification familiale ne s’exerce pas au détriment de l’unité des familles".
"On va pousser des familles à envoyer des mineurs en tête de pont", a dénoncé Fabien Di Filippo (LR), jugeant cela "humainement scandaleux". "Votre naïveté va conduire à une augmentation des flux", a renchéri Éric Ciotti (LR).
Ces propos ont fait bondir plusieurs députés LREM. "Qu'y a-t-il d'humainement scandaleux à permettre à des mineurs de pouvoir reconstituer leur famille ? Comment peut-on être qualifié de +tête de pont+ quand on fuit une zone de guerre ou qu'on est une jeune fille mutilée?", a ainsi répondu Laetitia Avia.
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a estimé que LR "confond" les mineurs réfugiés - 400 en 2016 - avec "les mineurs non accompagnés". "Ceux-là (ndlr, près de 15.000 l'an dernier), qui viennent surtout de Guinée, de Côte d'Ivoire, du Mali, n'obtiendront pas le statut du réfugié", a-t-il assuré.
Autre angle d'attaque LR: la lutte contre le terrorisme. Éric Ciotti a déposé des amendements pour que l'Ofpra puisse "retirer" le statut de réfugié lorsque la personne est soupçonnée de radicalisation, et pas seulement en cas de condamnation ou menace grave pour la sécurité nationale.
L'Ofpra travaille "avec la DGSI", a répondu M. Collomb, et a "la préoccupation à chaque instant de protéger le territoire", selon la rapporteure Élise Fajgeles.
- "Plus d'humanité" -
En appui de la majorité face à la droite sur ces premiers articles, la gauche est montée au front quand on a abordé la réduction, contestée par les associations, des délais d'instruction de la demande d'asile. L'objectif du gouvernement est d'arriver à six mois contre quatorze aujourd'hui.
Ugo Bernalicis (LFI) a dénoncé un "rabot majeur et inacceptable" sur la réduction de 120 à 90 jours du délai pour déposer la demande d'asile après l'entrée en France. Au-delà, le dossier sera examiné en "procédure accélérée", une "sous-procédure" offrant moins de garanties, selon le socialiste Hervé Saulignac, mais créée par l'ex-majorité lors de la précédente réforme de l'asile en 2015.
Pour le communiste Stéphane Peu, cette disposition "affaiblit les droits fondamentaux des demandeurs d’asile" car elle ne tient pas compte des "difficultés à obtenir un rendez-vous" en préfecture.
Une vingtaine de "marcheurs" critiques plaident dans ce sens, estimant comme Delphine Bagarry que "le primo-arrivant en France n’est pas toujours informé des démarches qu’il doit entamer". "Réduire les délais, c'est permettre aux demandeurs de rentrer plus vite dans le dispositif d'hébergement et de bénéficier d'une allocation, c'est au contraire plus d'humanité", a rétorqué Mme Fajgeles.
Pour M. Collomb, si un demandeur d'asile attend le dernier moment pour déposer son dossier, c'est qu'il veut "gagner du temps" en anticipant le rejet de son dossier.
Des amendements LREM pour encadrer quelque peu cette réduction des délais ont cependant été votés.
Ainsi, un amendement de la rapporteure, initialement porté par une cinquantaine de LREM, exclut les pays qui pénalisent l'homosexualité de la liste des "pays d'origine sûrs" (dont les demandeurs sont soumis d'office à la procédure accélérée et peuvent être renvoyés même s'ils font appel d'un rejet). Cela concerne l'Inde, le Sénégal et le Ghana.
Si "nous avons chez nous, des gens qui expriment des sensibilités", ils "ne cherchent pas à s’opposer au gouvernement", "les frondeurs, c'est l'Ancien monde", a minimisé le président du groupe LREM Richard Ferrand sur LCP.
Autre point controversé du texte, la réduction d'un mois à quinze jours du délai pour faire appel d'un rejet alimentera les discussions en soirée. Les débats doivent se poursuivre jusqu'à jeudi soir, voire vendredi.