Découpler le prix du gaz et de l’électricité : pourquoi la réforme patine
La Commission européenne doit présenter d’ici la fin de l’année une feuille de route pour une réforme du marché européen de l’énergie, soumis depuis plusieurs mois à une très forte volatilité des prix en raison de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur les relations avec la Russie. Auditionnée jeudi 27 octobre par la commission des Affaires européennes du Sénat, Laurence Boone, la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, a évoqué la difficulté à trouver un consensus alors que le bouquet énergétique des 27 est très hétérogène.

Découpler le prix du gaz et de l’électricité : pourquoi la réforme patine

La Commission européenne doit présenter d’ici la fin de l’année une feuille de route pour une réforme du marché européen de l’énergie, soumis depuis plusieurs mois à une très forte volatilité des prix en raison de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur les relations avec la Russie. Auditionnée jeudi 27 octobre par la commission des Affaires européennes du Sénat, Laurence Boone, la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, a évoqué la difficulté à trouver un consensus alors que le bouquet énergétique des 27 est très hétérogène.
Romain David

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Régulièrement invoquée pour limiter l’impact de la crise de l’énergie, la décorrélation du prix du gaz et de l’électricité ne fait pas l’unanimité à l’échelle européenne. Ce sujet, largement évoqué lors du Conseil européen du 21 octobre, pourrait ne pas être tranché avant le début de l’année prochaine. En cause : la diversité des sources d’énergie utilisées d’un pays à l’autre, et donc des effets relativement variables de cette mesure. « Le découplage que nous demandons du prix du gaz et de l’électricité nous bénéficie, mais coûtera cher à d’autres pays. Il faut que l’on arrive à trouver un mécanisme qui fait que l’on peut en bénéficier, mais sans faire porter de coûts financiers à ceux qui produisent beaucoup d’électricité avec du gaz », a expliqué ce jeudi matin Laurence Boone, la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe, qui était auditionnée par la commission sénatoriale des Affaires européennes.

Elle répondait à plusieurs questions de sénateurs, inquiets de voir ce sujet piétiner, alors qu’il est devenu récurrent dans le débat politique français depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine fin février. « Ce que vous nous dites sur l’énergie n’est pas vraiment de nature à nous rassurer. On a l’impression que la question de la décorrélation du prix du gaz et de l’électricité n’a pas de perspectives d’aboutir dans l’année qui vient. On a du mal à voir où sont les perspectives de baisse du prix chez nous, dans les négociations actuelles », a relevé le sénateur communiste Pierre Laurent. « Le Conseil européen a rappelé sa volonté d’une réforme structurelle des marchés de l’énergie, pour parvenir à un marché plus cohérent, moins volatil. Pour cela, les chefs de gouvernement attendent des propositions de la Commission d’ici à la fin de l’année, pour pouvoir avancer sur ce sujet début 2023 », a indiqué Laurence Boone. « C’est vrai, ça prend du temps, peut-être plus que ce à quoi nous a habitués le covid-19. C’est pour cette raison que l’on fait beaucoup de choses au niveau national », a-t-elle plaidé.

» Lire aussi - Crise de l’énergie : l’explosion des prix est partie pour durer, selon des experts

Le principe du « coût marginal »

« La raison pour laquelle cela prend du temps, c’est qu’il n’y a pas un seul pays qui a un mix énergétique qui ressemble à un autre. La France ne dépend pas beaucoup du gaz, l’Allemagne et l’Italie en dépendent beaucoup. Il faut arriver, à 27, à se mettre d’accord sur des mesures qui permettent de satisfaire les contraintes et de répondre aux uns et aux autres », a-t-elle expliqué. Le marché européen de l’électricité dépend actuellement du principe dit du « coût marginal ». Le prix du coût de la dernière unité de production – généralement des centrales thermiques au gaz - utilisée pour alimenter le réseau sert de référence pour fixer le prix du kilowatt. La guerre en Ukraine ayant eu pour conséquence de mettre fin aux approvisionnements russes, représentant 40 % du gaz importé en Europe, les prix se sont envolés, et par voie de conséquence ceux de l’électricité aussi. La France, qui importe depuis plusieurs mois de l’électricité en raison de l’arrêt pour maintenance d’une vingtaine de réacteurs nucléaires, espère mettre fin à ce mécanisme pour pouvoir échapper aux hausses de tarifs une fois son parc nucléaire de nouveau opérationnel.

« Le plafond sur les prix du gaz fait très peur à certains »

En attendant qu’une réforme du marché, susceptible de satisfaire l’ensemble de l’Union, puisse voir le jour, l’une des options pour Bruxelles serait de plafonner le prix du gaz. Une sorte de bouclier tarifaire à l’échelle de l’Europe. Mais là encore, le dispositif effraie et pour l’heure, la Commission européenne s’est contentée de proposer un système d’achats communs de gaz pour renforcer le poids de négociation des Etats face aux fournisseurs, ainsi qu’un mécanisme provisoire de correction sur le marché de gros. « Pour le dire simplement, le plafond sur les prix du gaz fait très peur à certains pays qui craignent qu’avec cette mesure l’Europe n’arrive plus à se fournir, et que le gaz parte en Asie et en Chine. C’est pour cela que l’on parle pour l’instant d’un plafond glissant en fonction du prix de marché », indique la secrétaire d’Etat chargée de l’Europe. La fermeture du robinet russe a mis en place « une compétition mondiale pour le gaz naturel liquéfié », rappelle-t-elle.

« La Russie poursuit l’instrumentalisation de l’approvisionnement énergétique de l’Union en réduisant continuellement les livraisons de gaz. Elle n’est pas un partenaire ni un fournisseur fiable, la situation, non seulement n’a pas changé, mais nous ne pensons pas qu’elle changera à court terme. Nos relations énergétiques ne seront plus jamais les mêmes avec le Kremlin, ni avec d’autres partenaires », a souligné Laurence Boone. « Nous essayons de garder une cohérence entre les mesures prises en urgence au niveau européen, et la trajectoire énergétique et climatique de l’Union européenne. Nous pourrions avoir très prochainement des dispositions pour construire plus rapidement des capacités d’énergies renouvelables, notamment en réduisant les délais de procédure », a-t-elle ajouté. Une référence à peine voilée au projet de loi « relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables », actuellement examiné par la Chambre haute, et qui soulève une certaine défiance chez les sénateurs.

» Lire aussi : « À Saint-Nazaire, Emmanuel Macron détaille son plan pour « accélérer » sur le solaire et l’éolien en mer »

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