Une addition salée et un revers politique, la première semaine de vacances du gouvernement pourrait se conclure avec un goût amer.
D’une part parce qu’EDF a décidé de déposer un recours contentieux auprès du Conseil d’Etat assorti d’une demande d’indemnité de 8,34 milliards d’euros.
D’autre part parce que les sénateurs socialistes ont saisi, de leur côté, le Conseil constitutionnel pour contester 3 articles de la loi pouvoir d’achat relatifs à EDF.
« On déstabilise complétement le service public », Sébastien Pla, sénateur (PS)
Pour bien comprendre l’affaire, il faut remonter à janvier 2022. A cette époque, le gouvernement, dans le cadre du « bouclier tarifaire » destiné à limiter la flambée des prix du gaz et de l’électricité, décide de modifier les règles de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). L’actionnaire principal impose alors à l’entreprise publique d’augmenter de 20% le volume d’électricité qu’elle se doit de vendre à prix réduit à ses concurrents. Une enveloppe qui passe donc de 100 TWh à 120 TWh.
L’électricien public, qui dispose déjà des 100 TWh initialement prévus, se voit donc contraint d’acheter au prix fort sur les marchés les 20 TWh qui lui manquent. Et de les revendre à un prix (bas) fixé par l’autorité publique aux opérateurs alternatifs, ses concurrents.
Un choix assumé par l’exécutif car « sans les mesures prises par le gouvernement, en particulier le volume d’Arenh supplémentaire, les factures des ménages auraient augmenté de 35 % TTC », affirme le ministère de l’économie.
Une hérésie selon Sébastien Pla, sénateur (PS) de l’Aude. « On déstabilise totalement le service public EDF en lui faisant porter le coût de la libéralisation du marché de l’énergie », s’étrangle ce membre de la commission des affaires économiques.
Un gouffre financier pour EDF qui accuse déjà au premier semestre 2022 une perte nette de 5,29 milliards d’euros. Un résultat qui aurait été tout autre sans les mesures tarifaires exceptionnelles décidées par le gouvernement et aujourd’hui estimées à 8,34 milliards d’euros.
Une somme que l’entreprise publique d’électricité réclame à présent à l’Etat.
Un refus de taxer les superprofits qui ne passe pas
C’est donc au nom d’EDF que les sénateurs socialistes ont décidé de saisir, dès le début de la semaine, le Conseil constitutionnel.
Paradoxalement, les 3 articles de la loi pouvoir d’achat qu’ils attaquent sont plutôt en faveur de l’entreprise publique.
Ils concernent le relèvement du prix du MWh vendu par EDF à ses concurrents, qui passe à 49,5 € minimum à partir du 1er janvier 2023 (contre 42 € aujourd’hui) et le volume de 120 TWH qui devient indépassable jusqu’en 2025. Une disposition de la majorité sénatoriale de droite et du centre, votée contre l’avis du gouvernement, censée « permettre à EDF de respirer » selon Sophie Primas, président (LR) de la commission des affaires économiques du Sénat.
Pour Sébastien Pla : « on s’oppose à l’augmentation votée en s’appuyant sur la législation européenne et sur le fait que la fixation de ce tarif n’est pas étayée. On ne dit pas qu’il ne faut pas l’augmenter, mais rien ne dit que les 49,5 euros décidés soient suffisants ».
Sur le fond, dans leur saisie du Conseil constitutionnel, les sénateurs socialistes soulignent que « l’obligation de vendre à un tarif réglementé », quand « EDF fait face à des difficultés économiques historiques », « porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d’entreprendre ».
« Je n’ai rien contre les multinationales, explique Sébastien Pla, mais il faut avouer que Total, qui est un opérateur alternatif, se gave sur le dos d’EDF quand même. Et refuser de taxer les superprofits ça nous reste en travers de la gorge ».
Pour Sophie Primas, « le vrai sujet est la réforme de l’Arenh. Ça mettra au moins deux ans entre la mise au point d’un nouveau dispositif et la validation de l’Europe ».
Le Conseil constitutionnel rendra lui sa décision ce vendredi 12 août.