Grand débat acte 7: Macron replonge dans les maux de la France rurale
Manque de médecin, de maternités, de réseau, de trains, d'emplois aidés... a Gargilesse-Dampierre (Indre), Emmanuel Macron a de nouveau écouté...
Par Laurence BENHAMOU et Pierre BRIAND
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Manque de médecin, de maternités, de réseau, de trains, d'emplois aidés... a Gargilesse-Dampierre (Indre), Emmanuel Macron a de nouveau écouté jeudi les maires lui exposer les handicaps du monde rural avant de retrouver des chefs d'entreprise à Déols, au nord de Chateauroux.
Pour sa première visite lors de cette 7e étape du grand débat, le chef de l'Etat n'avait pas choisi ce bourg de 300 habitants par hasard. Son maire, Vanik Berbérian, est le président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), qui fédère quelque 10.000 édiles de tous bords politiques. Une façon d'adresser un message d'apaisement aux élus locaux, remis à l'honneur par le grand débat.
Aucun "gilet jaune" n'était visible dans le village, dont les accès étaient strictement contrôlés par la gendarmerie. Des tags "Macron démission, Macron dehors" ou encore "RIC" ont été effacés par des employés avant l'arrivée du président de la République.
Loin des échanges marathon de ces dernières semaines, c'est en petit comité qu'Emmanuel Macron a ensuite écouté une trentaine de maires de l'Indre énumérer leur doléances. Parmi eux André Laignel, maire socialiste d'Issoudun et vice-président de l'Association des maires de France (AMF), qui l'a accusé de les avoir trop longtemps dédaignés.
"C'est très bien que vous nous rencontriez mais nous voulons passer aux actes", l'a défié cet élu socialiste, coutumier des passes d'armes.
Emmanuel Macron accueilli par le maire de Gargilesse-Dampierre, dans l'Indre, avant d'échanger avec des maires et des entrepreneurs, le 14 février 2019
POOL/AFP
"Après 18 mois de stigmatisation des maires, que n'avons-nous entendu! Nous étions trop nombreux, incompétents, clientélistes. Ces mots ont été employés par des membres du gouvernement et parfois par vous, M. le Président", a-t-il accusé, ce qu'Emmanuel Macron a catégoriquement nié.
"La dotation globale aux communes a été stable en 2019 mais 19.500 communes verront baisser leur dotation", a affirmé M. Laignel. "Quand on dit la moitié de la vérité, on ne dit pas toute la vérité", a rétorqué le chef de l'Etat en récusant ces chiffres.
- "Nouveau monde" -
"Nous avons vu que le +nouveau monde+ n'était pas si neuf que ça, d'où la déception", lui a aussi reproché Vanik Berbérian.
"Le nouveau monde?", a réagi Emmanuel Macron. "Reconnaissez-moi d'être fidèle à l'esprit de pragmatisme et d'absence d'ostracisme politique (...) Mais il faut être deux pour danser le tango", a-t-il lancé.
Emmanuel Macron marche dans les rues du village de Gargilesse-Dampierre, au côté de son maire Vanik Berberian, le 14 février 2019
POOL/AFP
Sur le fond, il a réaffirmé que la loi NOTRe de 2015, portant notamment sur le regroupement de communes, serait révisée mais a défendu la politique de son gouvernement sur la fiscalité ou la répartition des équipements médicaux.
Il a ainsi douché les espoirs d'une réouverture de la maternité du Blanc (sud-ouest de l'Indre), dont la fermeture, actée en 2018, suscite une forte mobilisation locale depuis sept ans. "Ce ne serait pas responsable de ma part de vous dire qu'elle va rouvrir", a-t-il déclaré.
Une quarantaine de personnes s'opposant à cette fermeture se sont rassemblées aux côtés d'une quarantaine de "gilets jaunes", à Déols, où Emmanuel Macron s'est rendu dans l'après-midi pour échanger avec des entrepreneurs, à l'abri des caméras.
Le chef de l'Etat signe son portrait officiel dans la mairie de Gargilesse-Dampierre, le 14 février 2019
POOL/AFP
Emmanuel Macron a en revanche donné satisfaction aux maires en annonçant que le train de "19H41 aura bien un arrêt à Argenton-sur-Creuse", en réponse aux critiques sur la moindre desserte ferroviaire.
Les deux heures de réunion avec la cinquantaine d'entrepreneurs, dans le hangar d'une entreprise proche de l'aéroport de Châteauroux, a permis à des restaurateurs, des fermiers, des entrepreneurs d'exposer leurs problèmes, très pratiques mais quotidiens.
Bruno le Maire, ministre de l'Economie et Muriel Pénicaud, ministre du Travail, ont participé aux échanges. Structuration des filières, aides à l'export, allègement des charges salariales: le président a vanté ses réformes, invitant à une "politique de responsabilité partagée".
Le Premier ministre Édouard Philippe était au même moment dans le Finistère pour participer à une réunion également centrée sur les questions rurales, au lendemain de son débat télévisé rude et "intense", selon ses mots, face à dix Français.
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