Un mois après la relaxe de deux "décrocheurs" à Lyon au nom de "l'état de nécessité" climatique, le tribunal correctionnel de Paris a condamné mercredi huit militants écologistes à 500 euros d'amende chacun pour le "vol en réunion" de portraits d'Emmanuel Macron.
La juge unique a considéré que "l'état de nécessité", rarement invoqué et qui permet d'écarter la responsabilité pénale "face à un danger actuel et imminent", n'était "pas constitué" et a reconnu coupables ces huit activistes âgés de 23 à 36 ans, qui vont faire appel.
Cette décision est à l'opposé de celle rendue le 16 septembre à Lyon: le tribunal avait surpris en jugeant "légitime" l'action de désobéissance civile de deux "décrocheurs" dans cette ville, "face au défaut de respect par l'Etat d'objectifs pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital", et les avait relaxés.
S'il avait reconnu la matérialité du vol, le juge de Lyon avait affirmé que "le décrochage et l'enlèvement sans autorisation de ce portrait dans un but voué exclusivement à la défense de cette cause (...) doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple".
Les motivations du tribunal de Paris n'étaient pas connues à la mi-journée.
"On demandait une relaxe, moi j'y croyais en cet état de nécessité, surtout après ce jugement de Lyon qui légitimait la désobéissance civile", a commenté Félix Vève, l'un des huit militants condamnés à Paris.
Entre Lyon et Paris, "c'est le jour et la nuit", a estimé Me Alexandre Faro, l'un des avocats des "décrocheurs". "Le jugement de Lyon a suscité beaucoup de commentaires. (...) Il est mal vécu et j'imagine que le tribunal de Paris a voulu recadrer les débats sur le droit", a-t-il déclaré.
- "Pas cohérent" -
Depuis le premier procès de "décrocheurs", fin mai à Bourg-en-Bresse, les jugements sont très disparates d'une juridiction à l'autre. Amendes fermes ou avec sursis dans la préfecture de l'Ain, relaxes pour défaut "d'élément intentionnel" à Strasbourg, "état de nécessité" reconnu à Lyon...
"Ce n'est pas vraiment cohérent d'avoir des jugements différents alors que c'est le même acte commis", a réagi une "décrocheuse", Emma Chevallier.
Les 21 et 28 février à Paris, trois portraits présidentiels avaient été dérobés dans les mairies des IIIe, IVe et Ve arrondissements, dans le cadre d'une campagne nationale "Décrochons Macron", menée par le mouvement Action non-violente COP21 (ANV-COP21).
Comme pour les quelque 130 "réquisitions" symboliques revendiquées par le mouvement partout en France, les décrochages s'étaient effectués en quelques minutes, "à visage découvert" et "sans dégradation".
Les activistes avaient expliqué avoir agi par "devoir moral" et parce qu'ils n'avaient "d'autre choix" que la "désobéissance civile non-violente", face à "la menace" du réchauffement climatique et "l'inaction" du gouvernement en la matière.
Le 11 septembre, le parquet de Paris avait requis des peines d'amende de 1.000 euros, dont 500 euros avec sursis, à l'encontre des huit activistes, au casier judiciaire vierge.
La même peine avait été demandée contre un vidéaste de 29 ans, du média associatif "Partager c'est sympa", présent lors d'une des actions parisiennes, "à 100% pour (la) filmer, pas y participer", avait-il assuré à la barre. Le tribunal correctionnel l'a relaxé mercredi.
Les mairies d'arrondissement n'ayant pas porté plainte, "c'est un vol sans victime qui est condamné aujourd'hui", a regretté Me Faro.
Le montant de l'amende est par ailleurs jugé "disproportionné": "On se retrouve collectivement à payer 4.000 euros pour un portrait qui en vaut 9,90", a souligné Cécile Marchand. "Le vrai coupable, c'est le gouvernement qui faillit à sa tâche de protéger la population face à la menace climatique", a insisté la militante.
Selon ANV-COP21, une dizaine d'autres procès de "décrocheurs" sont prévus jusqu'en septembre 2020.