Il y a 70 ans, la “grande scission” CGT-FO

Il y a 70 ans, la “grande scission” CGT-FO

Le 19 décembre 1947, des dirigeants de la CGT quittent la première organisation syndicale française, dénonçant la mainmise du parti communiste...
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Par Bertille OSSEY-WOISARD

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Le 19 décembre 1947, des dirigeants de la CGT quittent la première organisation syndicale française, dénonçant la mainmise du parti communiste et créent Force ouvrière quelques mois plus tard. 70 ans après, FO garde toujours ses distances avec sa soeur ainée.

Cette "grande scission", la troisième à la Confédération générale du travail (CGT) depuis sa création en 1895, aura déchiré le syndicat pendant des années.

Elle entraînera le départ d'entre 1 à 1,7 million de ses adhérents, écrivent Dominique Andolfatto et Dominique Labbé dans l'ouvrage "Histoire des syndicats".

- "Amis de Force ouvrière" -

"La naissance de FO est fondamentalement liée au contexte de la guerre froide", assure l'historien Michel Dreyfus.

Il coupe court à une rumeur bien ancrée selon laquelle ce syndicat aurait été créé avec l'aide des renseignements américains pour affaiblir l'influence communiste en France: "Une légende", "c'est le syndicalisme américain qui a aidé à la création de FO, mais de même que l'Union soviétique a aidé la CGT", pointe l'historien.

Après la Libération, la CGT connaît un pic d'adhésion, en plein élan de la Reconstruction, revendiquant jusqu'à six millions de militants en 1947.

Mais elle est tiraillée entre deux courants. D'un côté les communistes, largement majoritaires à un moment où le PCF apparaît comme un grand parti de la Résistance. De l'autre, les défenseurs d'une indépendance syndicale vis-à-vis des partis (les "confédérés").

Photo non datée d'un discours de Léon Jouhaux
Photo non datée d'un discours de Léon Jouhaux
AFP/Archives

Dès la sortie de la guerre, les "confédérés" préparent l'offensive. Ils changent le titre de leur journal clandestin, fondé en 1943: "Résistance ouvrière" devient "Force ouvrière". Se forment au sein de la CGT des groupes d'"Amis de Force ouvrière" qui donnent des conférences.

Prémices de la future rupture, lors de son premier Congrès post-guerre en 1946, la CGT porte à sa tête un binôme tenant des deux lignes : Benoît Frachon, figure du communisme français, et Léon Jouhaux, futur fondateur de Force ouvrière.

Un an plus tard, les frictions internes se cristallisent autour du plan américain Marshall, d'aide à la reconstruction, refusé par le PCF et la direction de la CGT car posant pour les communistes un problème d'influence américaine. Des grèves à l'automne 1947, organisées avec l'aval du parti communiste, aggravent les dissensions.

Jouhaux, artisan historique de l'édification de la CGT depuis 1909, refusera longtemps toute idée de rupture. "Jusqu'au bout, il aura voulu +sauver les meubles+ (...) Il savait que nous allions perdre énormément, et la CGT aussi", raconte Alain Viot, premier rédacteur en chef de "Force ouvrière".

Mais les tensions sont telles que le co-secrétaire général de la CGT démissionne le 19 décembre 1947 pour "retrouver la force du syndicalisme d'autrefois" grâce à son "indépendance". Quatre mois plus tard, il fonde la CGT-Force Ouvrière.

De 1947 à 1950, la CGT perd la moitié de ses effectifs, mais FO n'en récupère qu'une petite partie, comptant 300.000 adhérents à ses origines, selon "Histoire des syndicats" (500.000 actuellement).

- "Indépendants du parti socialiste" -

Le 28 novembre 1995 à Paris, le secrétaire général de Force Ouvrière Marc Blondel (G) serre la main de son homologue de la CGT Louis Viannet, lors d'une manifestation contre la réforme de la Sécurité sociale
Le 28 novembre 1995 à Paris, le secrétaire général de Force Ouvrière Marc Blondel (G) serre la main de son homologue de la CGT Louis Viannet, lors d'une manifestation contre la réforme de la Sécurité sociale
AFP/Archives

Les relations resteront fraîches avec la CGT.

Il faudra attendre 1994 pour voir Louis Viannet (CGT) et Marc Blondel (FO) battre le pavé ensemble. Mais les espoirs d'une réunification sont vite déçus.

En 2016, les deux soeurs ennemies oublient à nouveau leur rancœur et combattent ensemble la loi travail. Un an plus tard, avec les ordonnances, Philippe Martinez et Jean-Claude Mailly ont repris leurs distances.

En 70 ans, FO n'investira le champ politique qu'une fois, en 1969, en appelant à voter contre le référendum organisé par le général de Gaulle, notamment sur la réforme du Sénat, qui aurait mené à une "voie dangereuse" d'intégration des syndicats "dans l'appareil d'Etat", explique dans ses mémoires André Bergeron, secrétaire général de FO entre 1963 et 1989. Le non l'emporte et De Gaulle démissionne.

FO regroupe en son sein un mélange hétéroclite : trotskistes, socialistes, anarchistes, Républicains mais aussi Frontistes.

Les leaders de FO Jean-Claude Mailly et de la CGT Philippe Martinez lors d'un meeting commun à Nantes, le 7 septembre 2016
Les leaders de FO Jean-Claude Mailly (G) et de la CGT Philippe Martinez lors d'un meeting commun à Nantes, le 7 septembre 2016
AFP/Archives

Toutefois, de Bergeron à Jean-Claude Mailly, en passant par Marc Blondel, ses dirigeants ont toujours revendiqué leur appartenance au PS. Plusieurs fondateurs du syndicats seront des membres actifs de son ancêtre la SFIO.

"Nous étions indépendants du parti socialiste, mais les dirigeants de la SFIO nous soutenaient, prenaient des positions voisines des nôtres", relate Bergeron.

Une tradition que souhaite rompre le candidat déclaré au remplacement de M. Mailly, Pascal Pavageau, qui n'appartient "à aucun parti".

La CGT, qui ne compte plus que 670.000 adhérents, a aussi fait sa mue. En 1996, elle cesse de siéger au bureau du PCF et son actuel numéro un, Philippe Martinez, n'y est pas adhérent, une première.

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