Des lois d'ampleur qui s'enchaînent et des débats "au pas de charge" week-ends compris: face aux protestations croissantes à tous les étages à l'Assemblée, le président François de Rugy a fini mardi par proposer de lever le pied au démarrage d'une 15e journée continue.
Après le projet de loi asile-immigration achevé un dimanche soir après 7 jours et nuits de débat ininterrompus fin avril, les discussions sur les vastes textes touchant l'agriculture puis le logement (en cours) ont contraint les élus à siéger deux week-ends d'affilée.
Du jamais vu au Palais Bourbon, alors que sous la précédente législature, quatre week-ends avaient été travaillés mais pas d'affilée. Et ce alors qu'une troisième réforme importante sur la formation professionnelle arrive le 11 juin, avant celle sur les institutions.
Conséquence: droite comme gauche protestent face à un exécutif qui a promis un rythme "dense jusqu'au bout" pour la "transformation" de la France.
Devant l'accumulation d'amendements -2.500 sur l'agriculture et environ 3.000 sur le logement - à abattre, le "temps législatif programmé" a été dégainé. Mais cette procédure, avec une durée globale et maximale pour un texte, ventilée entre groupes, n'a pas suffi.
"Les gens sont épuisés", a tonné Jean-Luc Mélenchon (LFI) évoquant députés, collaborateurs et personnels du Palais Bourbon. "Charge de travail colossale", selon André Chassaigne (PCF), "travail parlementaire asphyxié" pour Boris Vallaud (PS).
"Il ne s'agit pas de faire pleurer dans les chaumières", a assuré mardi le patron des députés LR, Christian Jacob, mais "ce n'est pas une bonne manière de légiférer".
Deux organisations de collaborateurs parlementaires ont alerté sur des "conséquences sur la santé" ou le risque que "la loi soit mal faite".
- "Guerre d'usure" -
Dénonçant "l'amateurisme" gouvernemental, le chef de file LR a souligné qu'après "trois mois où il n'y avait pas de textes" c'est désormais "un entonnoir", critiques proches de celles de Jean-Christophe Lagarde (UDI-Agir).
Comme les socialistes, pour lesquels l'obstruction n'est "pas le fait des oppositions", Christian Jacob a aussi pointé "une compétition interne ridicule" entre élus LREM "qui déposent des amendements à tour de bras", notamment pour apparaître dans l'hémicycle "plus présents que leur voisin avant le redécoupage des circonscriptions", suppose-t-il.
Même dans la majorité, certains confient qu'"humainement, c'est pas possible". "L'engorgement a commencé avec asile et immigration. Et depuis, ça a créé une tension. Il y a eu un manque d’anticipation", observe un élu.
Critiqué par les oppositions pour son absence dans l'hémicycle ces derniers jours, comme le secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement Christophe Castaner, François de Rugy (LREM) a appelé mardi le gouvernement à "mettre de l'ordre dans l'ordre du jour".
"Nous avons siégé ces dernières semaines 80 heures par semaine", "ce n'est pas le fonctionnement normal d'une Assemblée et cela ne permet plus au bout d'un moment de faire (... ) de bonnes lois en quelque sorte", a-t-il plaidé.
La conférence des présidents, qui rassemble notamment à ses côtés les présidents de groupe, a décidé que l'Assemblée ne siègerait pas un troisième week-end consécutif. M. de Rugy a ensuite affirmé que "l'état d'esprit est le même pour les week-ends suivants".
Mais le président de l'Assemblée a aussi vu "un enjeu de long terme", estimant qu'"il est grand temps de changer notre façon de travailler à l'Assemblée".
Preuve, pour le communiste Sébastien Jumel, des "coups de menton" et "fausses colères" d'un président ayant "dealé un affaiblissement du Parlement", via la réforme institutionnelle.
"Pas besoin de réformer le travail parlementaire, mais d'un gouvernement efficace et d'un ministre des Relations avec le Parlement compétent", a taclé M. Jacob.
François Ruffin (LFI) a, lui, accusé récemment M. de Rugy d'"organiser le sabotage du Parlement", en "porte-flingue" de l'Elysée, avec ces débats "au pas de charge", une "guerre d'usure".
Pour Christophe Castaner, même s'il n'est "pas logique" de mobiliser les parlementaires tous les week-ends, "il y a des temps d'action qui impliquent d'aller vite" et les Français "ne pensent pas qu'il y a surchauffe".
parl-chl/ic/chr/mm