L’Elysée accusé d’intervention dans la succession de Molins au parquet de Paris
Qui succédera à François Molins au poste de procureur de Paris? Des gouvernements se sont déjà vu reprocher des nominations...

L’Elysée accusé d’intervention dans la succession de Molins au parquet de Paris

Qui succédera à François Molins au poste de procureur de Paris? Des gouvernements se sont déjà vu reprocher des nominations...
Public Sénat

Par Caroline TAIX

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Qui succédera à François Molins au poste de procureur de Paris? Des gouvernements se sont déjà vu reprocher des nominations politiques dans la magistrature mais l'Elysée, accusé d'avoir rejeté les candidats retenus par la chancellerie, semble avoir franchi une nouvelle étape.

Arrivé en 2011, François Molins, devenu le visage de l'antiterrorisme français, doit quitter le parquet de Paris en novembre, pour la Cour de cassation.

Début juillet, trois candidats à sa succession, sur une dizaine, ont été reçus par la ministre de la Justice Nicole Belloubet: Maryvonne Caillibotte, avocate générale à Paris, Marie-Suzanne Le Quéau, procureure générale de Douai et Marc Cimamonti, procureur de Lyon. Ce dernier était, de sources concordantes, le candidat favori de Nicole Belloubet.

Selon Le Monde, le premier ministre Edouard Philippe a à son tour reçu ces trois hauts magistrats en juillet, "dans une forme inédite d'examen oral".

Le décret de nomination était attendu fin août, puis mi-septembre. Enfin lundi, la chancellerie a lancé un nouvel appel à candidature pour la succession de François Molins, prenant par surprise le monde de la magistrature. Le même jour, le ministère proposait Marc Cimamonti au poste de procureur général de Versailles, auquel il était candidat, même si le prestigieux parquet de Paris était, selon une source proche, son premier choix.

Pourquoi ce nouvel appel à candidature? Selon le Canard enchaîné publié mercredi, Emmanuel Macron a "biffé les noms des trois candidats au poste de procureur de Paris, poste stratégique s'il en est". "Du jamais vu dans les annales judiciaires", écrit le journal satirique.

"Si le poste a été rouvert aux candidatures, c'est nécessairement une décision du pouvoir exécutif", a dit à l'AFP, sous couvert d'anonymat, l'un des candidats à la succession. "On est dans la logique du statut du parquet tel qu'il est, le principe de la nomination reste à l'exécutif", a ajouté cette source.

Mais pour Nicole Belloubet, le nouvel appel à candidature s'explique notamment par la création d'un procureur national antiterroriste, proposée dans le projet de réforme de la justice qui sera examiné à partir de début octobre au Sénat. "Nous avons fait évoluer les compétences du procureur de Paris" car il s'occupait jusqu'ici de l'antiterrorisme, a-t-elle déclaré sur RTL.

- "Le pouvoir se verticalise" -

Mais cet argument ne convainc pas Katia Dubreuil du Syndicat de la magistrature (SM, gauche). "Il y a toujours eu un regard de l'exécutif, rendu possible par notre Constitution. Mais l'avis du président de la République est plus ou moins appuyé selon les personnes au pouvoir", explique-t-elle à l'AFP. Emmanuel Macron "estime qu'il a toute la légitimité pour intervenir dans ce choix", déplore la magistrate. "L'exercice du pouvoir se verticalise et ça se manifeste dans le choix du procureur de la République de Paris."

Le système judiciaire français fait la distinction entre les magistrats du siège, qui jugent, et ceux du parquet, qui poursuivent. Le gouvernement est tenu de suivre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), pour nommer des juges, mais il peut passer outre pour nommer des procureurs.

La révision de la Constitution, reportée en juillet à cause de l'affaire Benalla, prévoit d'interdire au pouvoir de passer outre l'avis du CSM pour les hauts magistrats du parquet.

En 2007, dix procureurs avaient été nommés contre l'avis du CSM. Mais depuis huit ans, l'exécutif suit l'avis du CSM pour les "parquetiers". Cela ne permet pas cependant d'éviter toute accusation de nomination politique. En particulier au poste de procureur de la République à Paris, un des plus exposés dans la magistrature.

La nomination de François Molins avait d'ailleurs provoqué la consternation en 2011: il était alors directeur de cabinet du garde des Sceaux Michel Mercier, qui avait lui-même proposé son nom pour le parquet de Paris.

Après le parquet de Paris, il faudra aussi trouver un procureur pour le futur parquet national antiterroriste. Ce nouveau parquet sera le deuxième spécialisé après la création en 2013 du parquet national financier (PNF), né du scandale des comptes cachés de l'ex-ministre Jérôme Cahuzac. Et mi-2019, le poste de procureur national financier, sera lui aussi à pourvoir, en remplacement d'Eliane Houlette.

Partager cet article

Dans la même thématique

L’Elysée accusé d’intervention dans la succession de Molins au parquet de Paris
3min

Politique

Airbnb permet « payer les études de mes enfants », se défend cette propriétaire de Cagnes-sur-Mer

La France fait la part belle à Airbnb. La plateforme d’hébergement est désormais présente dans 80% des communes de l’hexagone. Une inflation des locations de courte durée qui a un impact direct sur la crise du logement. Dans certaines villes, le marché est saturé et le prix des loyers n’a jamais été aussi élevé. Mais pour certains propriétaires qui mettent leur bien en location, c’est aussi un revenu d’appoint utile pour entretenir leur patrimoine comme en témoigne Elodie Fakhfakh, face à trois sénatrices dans l’émission Dialogue Citoyen, présentée par Quentin Calmet.

Le

Documentaire Churchill chef de guerre de Peter Bardelhe
3min

Politique

Et si Winston Churchill était le grand perdant de la victoire des alliés en 1945 ?

L’Histoire a retenu de Winston Churchill un héros triomphant au balcon de Buckingham Palace après la capitulation des nazis. Mais proclamer le signe de la victoire avec la main ne suffit pas, encore faut-il en récupérer les bénéfices. A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne a vu son influence dégringoler. Malgré les efforts du Vieux lion, les deux superpuissances, américaine et soviétique, ont imposé un agenda politique au détriment des intérêts britanniques. Le réalisateur Peter Bardelhe a fait le pari d’expliquer cette partie de poker diplomatique entre les vainqueurs de 1945 dans un documentaire Churchill, chef de guerre diffusé sur Public Sénat.

Le

Paris: Gerard Larcher elu President du Senat
3min

Politique

Échec de la CMP sur le budget : Gérard Larcher dénonce le « manque de considération » de Sébastien Lecornu à l’égard du Sénat

Le gouvernement et la majorité sénatoriale se renvoient la responsabilité de l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances 2026. Gérard Larcher répond à Sébastien Lecornu en défendant la position du Sénat pendant l’examen du budget et en dénonçant « le manque de considération » et « les mots excessifs » du Premier ministre.

Le