Fin du décrié "numerus clausus" pour les étudiants en médecine, nouvelle carte hospitalière, effort accru sur le numérique: l'Assemblée nationale se saisit lundi du projet de loi santé, qui ne suscite pas l'enthousiasme des oppositions.
Le texte relatif à "l'organisation et à la transformation du système de santé" entend permettre un "meilleur accès aux soins sur le territoire", selon la ministre de la Santé Agnès Buzyn.
Il traduit une partie des mesures du plan "Ma Santé 2022", détaillées en septembre par Emmanuel Macron, et entend notamment répondre au vieillissement de la population, à l'augmentation des maladies chroniques, ou encore tenir compte des évolutions technologiques.
Signe de l'intérêt suscité, alors que les services publics et les soins sont des thèmes récurrents du grand débat national, le grand nombre d'amendements au menu des députés pour toute la semaine, avant un vote solennel en première lecture mardi 26 mars: le rapporteur Thomas Mesnier (LREM) en attend "entre 2.500 et 3.000".
Sans forcément partager le même constat sur le fond, les oppositions de droite comme de gauche s'accordent pour dénoncer l'habilitation à procéder par ordonnances sur plusieurs sujets, en particulier la révision de la carte hospitalière, avec des missions redéfinies pour les "hôpitaux de proximité".
Jean-Pierre Door (LR) a ainsi critiqué en commission un texte "rédigé de façon précipitée" et qui "reste quand même assez flou", tandis que Paul Christophe (UDI-Agir) a dit sa "frustration" face à un projet qui "fait l'impasse sur le débat parlementaire" pour "près du tiers" du texte.
La ministre s'est engagée à associer "étroitement" les parlementaires aux ordonnances.
L'une des mesures phare semble faire relativement consensus: la suppression du "numerus clausus" et du redoutable concours limitant le nombre d'étudiants admis en deuxième année d'études de médecine, sages-femmes, dentaire ou pharmacie.
Un carcan censé disparaître à la rentrée 2020, ce qui permettra d'"augmenter de 20% à peu près le nombre de médecins formés", selon Mme Buzyn.
- "Esbroufe" -
Certains députés ont tout de même formulé des réserves, à l'instar du PCF qui craint des résultats "décevants" faute de moyens, ou de la droite, inquiète de la capacité à faire face à "l'afflux supplémentaire" d'étudiants.
Les mesures coercitives devraient également faire débat. M. Mesnier compte notamment revenir sur le stage obligatoire dans des "déserts médicaux" pour les étudiants en médecine, introduit en commission par des élus LREM.
La gauche déplore globalement les "absences" de mesures en matière de prévention, sur le handicap, les établissements psychiatriques ou encore les Ehpad. Le projet de loi est "un cache-misère" selon Caroline Fiat (LFI), pour un secteur en "crise" d'après Pierre Dharréville (PCF), tandis que Joël Aviragnet (PS) dénonce un projet plein d'"esbroufe, dédain et omissions" et qui "déçoit profondément".
Un responsable LREM a formulé par avance des craintes que le texte n'"hystérise". Il s'attend notamment à "un vrai débat" sur les aspects territoriaux, alors que le projet de loi doit aboutir à labelliser entre 500 à 600 "hôpitaux de proximité" d'ici 2022, sans chirurgie ni maternité.
Les Républicains plaident pour que la cartographie de ces établissements soit définie avec les collectivités - qui ont accueilli fraîchement le projet.
"La refonte de la carte hospitalière sera décidée dans les cabinets du ministère", craignent aussi les communistes.
D'autres sujets se sont ajoutés en commission: les députés ont notamment autorisé les pharmaciens à délivrer dans certaines conditions des médicaments normalement sous ordonnance pour des pathologies bénignes, malgré les "réserves" de la ministre.
Le projet prévoit en outre des mesures pour régulariser les médecins étrangers (Padhue) ou un statut unique de praticien hospitalier, qui doit être créé par ordonnance.
En matière numérique, un "espace numérique de santé", regroupant toutes les données du patient, doit voir le jour à l'horizon 2022, accompagné d'un développement du "télésoin". Le rapporteur s'attend à des débats nourris sur l'accès aux données de santé.