Les coulisses suspectes du financement du FN devant le tribunal correctionnel de Paris
Le FN et son entourage ont-ils financé leurs campagnes électorales entre 2012 et 2015 grâce à des escroqueries au préjudice de l'Etat ? Sept...

Les coulisses suspectes du financement du FN devant le tribunal correctionnel de Paris

Le FN et son entourage ont-ils financé leurs campagnes électorales entre 2012 et 2015 grâce à des escroqueries au préjudice de l'Etat ? Sept...
Public Sénat

Par Benjamin LEGENDRE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le FN et son entourage ont-ils financé leurs campagnes électorales entre 2012 et 2015 grâce à des escroqueries au préjudice de l'Etat ? Sept protagonistes de l'affaire, dont deux cadres du parti, comparaissent depuis mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris.

Le FN, devenu Rassemblement national l'an dernier, est jugé jusqu'au 29 novembre pour "complicité" des escroqueries dont sont accusés les dirigeants du mouvement Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et la société de communication Riwal, fondée par un de ses proches conseillers, Frédéric Chatillon, lors des élections législatives de 2012.

A l'exception de la compagne de M. Chatillon, Sighild Blanc, tous les prévenus étaient présents mercredi matin à l'ouverture du procès, qui a débuté par des interventions de la défense sur des irrégularités de procédure.

En l'absence de Marine Le Pen, ni prévenue ni témoin, les principaux protagonistes sont l'eurodéputé Jean-François Jalkh et le trésorier du RN Wallerand de Saint-Just, aux côtés de M. Chatillon, principal artisan des montages suspects soumis à l'examen du tribunal.

L'affaire se concentre en particulier sur les "kits" de campagne standardisés - tracts, affiches, site internet - imposés par le FN à 525 candidats aux législatives et fournis par Riwal au prix de 16.650 euros.

Pour les juges d'instruction, saisis en 2014, ce système cachaient des prestations "très largement surévaluées", destinée à abuser l'Etat, qui rembourse les dépenses de campagne des candidats dépassant 5% des voix.

Jeanne prêtait le montant du kit et les intérêts aux candidats qui lui rendaient immédiatement l'argent en achetant le matériel. Cet "aller-retour comptable" permettait à Jeanne, quasiment dénué de fonds propres, d'avancer presque 9 millions d'euros. Le micro-parti attendait ensuite que les candidats soient remboursés par l'Etat pour obtenir de quoi payer Riwal, unique intermédiaire entre le FN et ses fournisseurs.

Pour la défense, ce mécanisme, original mais légal, servait à pallier les difficultés récurrentes de financement du parti d'extrême droite, rejeté par les banques françaises.

Frederic Chatillon (au centre) lors d'un meeting du FN en avril 2017
Frederic Chatillon (au centre) lors d'un meeting du FN en avril 2017
AFP/Archives

Juriste historique du parti frontiste, M. Jalkh, est soupçonné d'avoir imaginé ce système. Il est poursuivi pour "escroquerie", "abus de confiance" et "recel d'abus de bien sociaux".

M. de Saint-Just, renvoyé pour "recel d'abus de bien sociaux", se voit reprocher d'avoir accepté que le FN bénéficie de crédits et de dépenses assumées par Riwal à sa place.

- Marges conséquentes -

Pour les magistrats instructeurs, Jeanne n'était qu'un faux-nez de Riwal, destiné à masquer le financement du FN par une personne morale: le FN se voit ainsi reprocher d'avoir obtenu de Riwal un crédit-fournisseur illégal de quelque 950.000 euros et de lui avoir facturé frauduleusement 412.000 euros d'impressions "largement surévaluées" liées à la présidentielle de 2012.

L'enquête a par ailleurs relevé les marges conséquentes réalisées par Riwal et son patron Frédéric Chatillon. Accusé d'en avoir tiré profit, cet ancien chef du Gud, le syndicat étudiant d'extrême droite, est aussi jugé pour une longue série d'"abus de biens sociaux" au détriment de sa société.

Sa compagne Sighild Blanc, les comptables Olivier Duguet et Nicolas Crochet ainsi que son associé Axel Loustau, autre ancien du Gud et conseiller régional RN d'Ile-de-France, complètent le banc des prévenus, pour leur rôle dans la fraude présumée et pour en avoir tiré profit.

Dans un second volet, fruit d'une enquête ouverte en 2016, le tribunal correctionnel doit aussi examiner des montages douteux mis en place par Jeanne, Jean-François Jalkh et Frédéric Chatillon, cette fois à l'époque des municipales et des européennes de 2014 ainsi que des départementales de 2015.

"Nous allons contester avec virulence ces accusations infâmantes", a déclaré à l'AFP l'avocat du parti, Me David Dassa-Le Deist. "Il est sidérant qu'après cinq ans d'instruction, l'accusation ne soit pas en mesure de chiffrer cette allégation de surfacturation", a-t-il expliqué, soulignant qu'"aucun texte ne fixe de tarif".

Pour l'avocat de M. Chatillon et de Riwal, Me Alexandre Varaut, "il s'agit de relations commerciales ordinaires dans le monde extraordinaire de la politique". Il entend démontrer que les tarifs de Riwal ne s'éloignent pas de ceux pratiqués par d'autres partis.

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01059366_000001
7min

Politique

Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : « Ce n’est pas la gauche contre la droite, mais un modèle démocratique contre un modèle illibéral »

Le paysage audiovisuel français est en train de se fracturer en deux blocs. L’animateur vedette, Pascal Praud a accusé la patronne de France Télévision, Delphine Ernotte de mettre « une cible » sur les journalistes sa chaîne, après que cette dernière a qualifié CNews de « chaîne d’extrême droite ». A moins de deux ans de l’élection présidentielle, l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, subit une pression inédite. Son président, Martin Ajdari sera, auditionné dans quelques jours au Sénat.

Le

Les coulisses suspectes du financement du FN devant le tribunal correctionnel de Paris
5min

Politique

Mobilisation du 18 septembre : « Soit une politique de rupture est menée, soit on continue à mettre la pression »

A l’appel de l’intersyndicale, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue partout en France pour protester contre le projet de budget pour 2026. Dans le cortège parisien, les manifestants, pas convaincus par la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, sont déterminés à maintenir la pression sur l’exécutif. Reportage.

Le

SIPA_01229633_000009
1min

Politique

Info Public Sénat. Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : une délégation de sénateurs LR reçue à Radio France le 30 septembre

Alors que le ton se durcit entre les dirigeants de l’audiovisuel public et la chaîne CNews de Vincent Bolloré, qualifiée « d’extrême droite » par Delphine Ernotte, une délégation de sénateurs LR sera reçue par la patronne de Radio France Sibyle Veil le 30 septembre. Le 1er octobre, le président de l’Arcom, Martin Ajdari sera, lui, auditionné par la commission de la culture et de la communication de la chambre haute.

Le