Les terres agricoles, enjeu oublié des municipales
Comme des centaines d'agriculteurs en France et dans une quasi-indifférence à l'approche des municipales, Philippe Robert lutte contre le...

Les terres agricoles, enjeu oublié des municipales

Comme des centaines d'agriculteurs en France et dans une quasi-indifférence à l'approche des municipales, Philippe Robert lutte contre le...
Public Sénat

Par Francois BECKER

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Comme des centaines d'agriculteurs en France et dans une quasi-indifférence à l'approche des municipales, Philippe Robert lutte contre le bétonnage pour conserver ses champs près d'Aix-en-Provence, un demi-siècle après avoir vu ses propres parents expropriés.

"Que les terres des agriculteurs deviennent un enjeu électoral ? C'est pas gagné...", grimace M. Robert, un an après l'objectif "zéro artificialisation nette de sols agricoles" proclamé par Emmanuel Macron. Depuis son installation entre Aix-en-Provence et Pertuis (Vaucluse), l'agriculteur a vu ses champs grignotés hectare par hectare: six sacrifiés pour une autoroute, trois autres pour une route, dix inclus dans une zone d'aménagement différée (ZAD)...

Entre montagne Sainte-Victoire et Luberon, la plaine où cet agriculteur bio cultive céréales et pommes de terre est un rêve d'agriculteur: soleil de Provence, irrigation garantie par des canaux et la Durance, accès à la deuxième métropole de France, Aix-Marseille.

"Ici, c'est tout plat. Alors c'est facile d'urbaniser", résume l'agriculteur, attablé devant un plan de Pertuis: une "zone agricole protégée" a été dessinée en 2016, mais M. Robert s'inquiète que la zone d'activités qui la coupe en deux ne s'étende.

Un collectif a pu rassembler 300 personnes lors d'une manifestation. Un signe modeste rapporté à l'ampleur du phénomène : la France a perdu 5 millions d'hectares de terres agricoles en 40 ans. Dans la métropole marseillaise, où la spéculation et l'urbanisation font rage, 900 hectares s'évanouissent chaque année.

L'artificialisation des sols
Evolution, en % et en hectares, des surfaces naturelle, agricole ou forestière transformées en occupation urbanisée entre 2009 et 2017
AFP

C'est ainsi qu'à Pertuis, le village a débordé du coteau vers la vallée en contrebas, près de la sortie d'autoroute. Une enfilade de supermarchés, de pompes à essence et de rond-points est née, qui grignote sur de précieuses terres arables.

"On a beau interpeller, ce n'est pas un sujet central", regrette M. Robert. Qui ne sait plus s'il faut désespérer ou se réjouir lorsqu'une inondation fait enfin "réfléchir les gens": l'eau n'est plus absorbée par la terre, aggravant les dégâts.

Un peu partout toutefois, les discours des élus locaux, qui ont les clés des plans d'urbanisme, évoluent et des initiatives émergent. La métropole marseillaise, par exemple, veut encourager l'agriculture locale et les circuits courts, et aide financièrement les propriétaires qui acceptent de retirer leurs terres agricoles de la vente.

- Urbanisation galopante -

Mais "l'urbanisation galopante, la création de zones d'activités ou l'élargissement de voies routières" se poursuit, s'alarme l'association France Nature Environnement (FNE). Dans les Bouches-du-Rhône, elle a répertorié 3.000 hectares en danger: 75 hectares menacés par un projet de logements à Istres, 8 hectares d'oliviers par un programme immobilier à Marseille, ou encore 15 hectares de blé dur et pois chiche sacrifiés pour une carrière à Arles...

"Il y a une prise de conscience au plus haut niveau de l'Etat et parmi les citoyens, mais au niveau des communes, ça bloque", analyse Jean-Luc Moya, de FNE Paca. "Il y a une primauté des problématiques d'emploi, les maires veulent tout faire pour développer le +business+", au détriment des terres agricoles.

Certaines communes s'y attaquent toutefois, comme Gignac-la-Nerthe, qui n'a pourtant rien d'une cité champêtre, avec sa vue sur l'aéroport de Marignane et la zone industrielle de l'Etang de Berre.

Caroline et Thibaud Beysson à Gignac-la-Nerthe dans les Bouches-du-Rhône, le 5 février 2020
Caroline et Thibaud Beysson à Gignac-la-Nerthe dans les Bouches-du-Rhône, le 5 février 2020
AFP

Le maire Christian Amiraty, candidat à sa réélection, plaide pour "une loi qui oblige tous les maires à établir un +projet agricole communal+" pour prendre en compte l'enjeu. Sa commune a protégé l'ensemble des terres et n'hésite pas à en préempter, sur lesquelles elle installe des agriculteurs.

Thibaud Beysson et son épouse cultivent ainsi un terrain acheté par la mairie au bout d'un chemin de terre, après la sortie d'autoroute et constructions sauvages. Une carcasse de voiture rappelle que le terrain était en friche, jonché de déchets.

Comme beaucoup, M. Beysson ne trouvait pas de propriétaire "réglo": il fallait se contenter d'un bail précaire ou s'installer sur des terres trop morcelées ou infertiles. "J'ai été voir des maires, mais ils ne veulent pas se mouiller et bloquer" des terres qu'ils pourraient rendre constructibles, raconte-t-il.

La mairie de Gignac, elle, a signé pour neuf ans, et ce fils d'agriculteur de 35 ans a pu planter sereinement asperges, artichauts, blettes et chou kale, qu'il vend localement.

Dans la même thématique

Les terres agricoles, enjeu oublié des municipales
3min

Politique

Un an après la dissolution : « Les Français ont le sentiment que la France fait la planche » selon le politologue Brice Teinturier

Un an après la dissolution voulue par Emmanuel Macron, le paysage politique français semble avoir évolué vers un blocage institutionnel. A l’Assemblée, l’absence de majorité empêche les textes d’être votés. Pire, des motions permettent d’enjamber l’examen à l’Assemblée pour que le débat soit tranché en commission mixte paritaire. Comment la dissolution a-t-elle modifié le fonctionnement des institutions ? C’est la question à laquelle répondent les invités de Rebecca Fitoussi et Jean-Pierre Gratien dans cette émission spéciale sur la dissolution, un an après.

Le

Les terres agricoles, enjeu oublié des municipales
4min

Politique

Un an après la dissolution, Gérard Larcher estime que « c'est la présidentielle qui redonnera le nouveau souffle dont nous avons besoin »

Invité de Public Sénat ce vendredi 6 juin, le président du Sénat est longuement revenu sur la situation du pays. À ses yeux, seule la prochaine présidentielle permettra de mettre fin au blocage politique lié à la dissolution. Evoquant également l’urgence budgétaire, il estime que « l’année blanche est une piste sérieuse ».

Le

SIPA_01204192_000001
6min

Politique

Olivier Faure à la tête du PS : « Ce que va montrer le congrès de Nancy, c’est la faiblesse du parti »

Après sa réélection de justesse à la tête du PS, le plus dur commence pour Olivier Faure. Le premier secrétaire va avoir la lourde tâche d’unir un parti divisé, de conserver ses principaux bastions socialistes aux prochaines municipales ou encore de fixer une stratégie pour une candidature crédible à la prochaine présidentielle. Analyse du politiste Pierre-Nicolas Baudot et de l’historien, Alain Bergougnioux.

Le