Organisation de l’islam de France : une demande ancienne du Sénat

Organisation de l’islam de France : une demande ancienne du Sénat

Au moment où la loi sur les séparatismes démarre son examen en commission à l’Assemblée nationale, le Conseil français du culte musulman adopte une « charte des principes » de l’islam de France. Un texte qui doit servir de référence au futur Conseil national des imams (CNI), chargé de former les imams sur le territoire français. Une mesure préconisée dans un rapport du Sénat en 2016 sur l’organisation de l’islam de France.
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« Ce pas historique que vient de franchir l’islam de France doit permettre à l’ensemble des Français de confession musulmane de vivre leur spiritualité, leur religion, en harmonie avec leur citoyenneté pleine et entière ». C’est le vœu formulé par Mohammed Moussaoui, ce lundi, à la sortie de l’Elysée ou il était venu présenter la « charte des principes » adoptée par le Conseil français du culte musulman (CFCM).

« La compatibilité de la foi musulmane avec les principes de la République »

Le texte fruit d’âpres négociations entre les fédérations est le prélude d’une restructuration de la deuxième religion de France. Le texte d’une petite dizaine de pages « réaffirme la compatibilité de la foi musulmane avec les principes de la République, dont la laïcité, et l’attachement des musulmans de France à leur citoyenneté pleine et entière. Elle rejette l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques ainsi que l’ingérence des Etats dans l’exercice du culte musulman », selon le communiqué publié sur le site du CFCM. La charte réaffirme également le « principe d’égale dignité humaine dont découle l’égalité Femme Homme », « la liberté de conscience et de religion, l’attachement à la raison et au libre arbitre, le rejet de toutes les formes de discrimination et de la haine de l’autre » et rappelle que les actes hostiles aux musulmans de France et aux symboles de leur foi sont l’œuvre d’une minorité extrémiste qui ne saurait être confondue, ni avec l’État, ni avec le peuple français.

Ce texte constitue surtout une base pour la création prochaine d’un Conseil national des imams (CNI), qui sera chargé de « labelliser » les imams exerçant en France. Le 2 octobre dernier, Emmanuel Macron avait donné 6 mois au CFCM pour organiser la formation des imams, de façon à mettre un terme à la pratique des imams détachés par la Turquie, le Maroc et l’Algérie.

301 imams détachés en France

En 2016, le rapport d’information du Sénat intitulé « De l’Islam en France à un Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés », préconisait déjà la formation des imams sur le territoire national. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur recueillis pas la mission d’information à l’époque, 301 imams (sur 2 500 lieux de culte en France) étaient financés par des États étrangers dans le cadre d’accord bilatéraux (151 pour la Turquie, 121 pour l’Algérie et 30 pour le Maroc). « Cette pratique des imams détachés illustre la « double sincérité » du discours officiel sur la nécessité de limiter l’influence des pays d’origine quand, dans le même temps, le ministère de l’Intérieur et le ministère des Affaires étrangères passent des accords avec plusieurs d’entre eux pour leur déléguer la formation des imams devant exercer en France », notaient les sénateurs.

La rapporteure de la mission d’information, la sénatrice centriste de l’Orne, Nathalie Goulet se félicite de la fin annoncée des imams détachés mais dénonce « une ambiguïté dans le discours du président de la République. En effet, pour financer cette formation, l’exécutif a prévu la mise en place d’une redevance sur le prix des voyages pour le pèlerinage du hajj, à La Mecque. « Nous avons conduit un très gros travail avec l’Arabie saoudite pour réglementer celui-ci », s’était félicité Emmanuel Macron lors de son discours des Mureaux, à l’automne. « Je suis très hostile à cette mesure qui crée un rapport de dépendance avec l’Arabie saoudite » relève Nathalie Goulet, qui comme dans son rapport, préconise à la place une redevance sur le halal. « La filière halal représente 6 milliards d’euros. Il y a une très grande opacité dans ce secteur. A titre de comparaison la filière casher représente 30 à 40 % des revenus du Consistoire, c’est un mode de financement qui fonctionne » appuie-t-elle.

Devant la presse, Mohammed Moussaoui ne cachait pas un certain soulagement d’avoir vu aboutir in extremis ce texte. Ce n’est qu’après deux mois de négociations que les fédérations qui composent le Conseil Français du culte musulman sont parvenues dimanche à se mettre d’accord sur une charte des principes. Il y a quelques jours, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la grande mosquée de Paris avait même claqué la porte des négociations expliquant ne pas vouloir travailler « avec des gens qui ne respectent pas la République. ». « Cinq fédérations sur huit » ont pour le moment signé la charte a confirmé le président du CFCM qui préfère mettre en avant « un accord général » sur « les grands axes » du texte.

« Des organisations islamistes qui ne respectent pas les lois de la République »

« Nous sommes face à des organisations islamistes qui ne respectent pas les lois de la République. Quelle est leur place au sein du CFCM ? », s’interroge la sénatrice LR, Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste. Dans son viseur, Musulmans de France (ex UOIF) ou encore le Milli Görüs, d’obédience turque. « Quand le président de la République accueille à l’Elysée des gens proches des Frères musulmans ou d’Erdogan, il faut se poser la question de l’utilité de cette charte » pointe-t-elle.

« Il faut que le mouvement s’initie d’en bas »

L’assassinat de Samuel Paty et l’attentat de basilique Notre-Dame de Nice avaient conduit à une pression plus accrue du chef de l’Etat sur le CFCM. « Si certains ne signent pas cette charte, nous en tirerons les conséquences », avait-il averti. « C’est très napoléonien c’est volonté de réformer une religion par le haut », relève la vice-présidente du groupe écologiste du Sénat et historienne des religions, Esther Benbassa. « Il ne faut pas oublier que la religion est devenue un référent identitaire, il doit s’accompagner d’un travail de persuasion plutôt que du chantage. Il faut que le mouvement s’initie d’en bas et ça ne prendra pas 6 mois. Et ce n’est pas très heureux que la présentation de cette charte intervienne au moment où on examine à l’Assemblée une loi contre les séparatismes qui vise les musulmans », poursuit la sénatrice qui s’inquiète de voir une nouvelle fois fleurir « les amalgames : islam, islamisme, terrorisme ».

Actuellement en examen en commission à l’Assemblée nationale, le projet de loi sur les séparatismes connaît déjà un emballement médiatique autour d’un amendement de la députée LREM, Aurore Bergé, visant à interdire le port du voile pour les petites filles. L’amendement a été jugé irrecevable en commission. « Il ne faudrait pas qu’un énième débat sur le port du voile vienne polluer le projet de loi. Même si nous sommes contre le port du voile pour les fillettes […] Le fait de combattre cette pratique ne doit pas forcément passer par une interdiction mais par une autre mesure qui est inscrite dans le projet de loi qui est de permettre à chaque enfant de la République d’avoir un cadre d’enseignement sain », a réagi Mohammed Moussaoui en marge de la présentation de la charte.

 

 

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