« Rattrapé par le sanitaire », le gouvernement peut-il encore réformer malgré le Covid-19 ?

« Rattrapé par le sanitaire », le gouvernement peut-il encore réformer malgré le Covid-19 ?

Le gouvernement se rassemble en séminaire pour définir l’agenda des mois à venir, qui devrait lui permettre de sortir de la gestion de crise. Face aux difficultés économiques, la question sociale pourrait avoir sa place. « Il peut y avoir une loi d’égalité sociale » selon François Patriat, à la tête des sénateurs LREM.
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Sortir la tête de l’eau et de la gestion de crise. Après une année 2020 occupée pour une bonne partie par la crise sanitaire, le gouvernement rêve de retour à la normale. Avec une question : quelles dernières réformes pour la dernière ligne droite du quinquennat ? C’est l’enjeu du séminaire gouvernemental de rentrée, qui se tient ce mercredi, en présence d’Emmanuel Macron, qui devait introduire la réunion.

« C’est un impératif de sortir de la gestion de crise »

« C’est un impératif de sortir de la gestion de crise », exhorte un dirigeant de la majorité, même si « la gestion de crise sanitaire sera notre quotidien pour les 7 à 8 mois qui viennent… » « Le phénomène sanitaire va peser sur toute l’année. A chaque fois, on est rattrapés par le sanitaire. Mais il y a une nécessité, clairement exprimée par le Président, de poursuivre les réformes », glisse un autre responsable de la majorité présidentielle. Mais « il va y avoir un embouteillage sur les textes. Il faut savoir quel texte est priorisé ». Le séminaire devrait permettre d’y voir un peu plus clair.

Il rassemble tout le gouvernement. Du moins les seuls ministres, physiquement. Les ministres délégués et secrétaires d’Etat ont été renvoyés au dernier moment derrière leurs écrans d’ordinateur en visioconférence. Possible que certains ministres « qui aiment à se pousser du col » aient moins aimé…

Après un point sur la gestion des crises, avec le premier ministre, et les ministres Olivier Véran, Bruno Le Maire et Elisabeth Borne, l’agenda des réformes en cours et programmées devait être balayé. Avant d’évoquer la question de « l’égalité des chances et la politique d’émancipation », précise un conseiller ministériel. Accusé pendant de long mois de ne mener qu’une politique de droite, la crise économique contraint et permet ainsi au gouvernement de montrer que sa jambe gauche frétille encore un peu.

« Il y a beaucoup de sujets sociaux qui peuvent venir » selon François Patriat

« Après la loi sur le séparatisme et celle issue de la Convention climat, ça laisse la place à une ou deux lois supplémentaires. Le gouvernement déterminera lesquelles. Il y a beaucoup de sujets sociaux qui peuvent venir. Une ou deux lois doivent être choisies. Il peut y avoir une loi d’égalité sociale » soutient le président du groupe RDPI (LREM), François Patriat, sur Public Sénat. Il sera ce soir, avec les autres présidents de groupes de la majorité, présents pour la suite du séminaire.

« La première préoccupation des Français, c’est évidemment le sanitaire. Mais pendant la crise, la vie continue et les angoisses montent sur le plan économique et social. La séance des questions d’actualité au gouvernement hier était très révélatrice avec la moitié des questions sur les étudiants. Toute une génération de jeunes est touchée » note auprès de pubicsenat.fr Patrick Mignola, président du groupe Modem de l’Assemblée. « Soutien loyal de la majorité », il n’en reste pas moins « les yeux ouverts » et compte faire « un certain nombre de propositions au premier ministre ce soir. Dans l’air du temps ou pas ».

« Les Français attendent de nous qu’on réforme jusqu’au bout »

L’aile gauche de la majorité pousse évidemment vers plus de social. « J’attends qu’on puisse faire des réformes qui soient beaucoup plus basées sur le social, l’accompagnement des plus fragiles. On a besoin de ces réformes sociales », soutient le sénateur LREM Xavier Iacovelli, secrétaire général de Territoire de progrès, qui rassemble d’anciens socialistes passés chez LREM. Les mois à venir doivent être des mois utiles selon le sénateur des Hauts-de-Seine : « Je pense que les Français attendent de nous qu’on réforme jusqu’au bout. On ne doit pas réduire ce temps de débat parlementaire sous prétexte qu’il y aura une campagne présidentielle dans 16 mois ». Regardez (images de Jonathan Dupriez) :

Pour un responsable de la majorité, l’exécutif est surtout et avant tout contraint d’être « dans un pragmatisme politique », qui mène à « agir sur tous les champs à la fois » :

C’est une situation inédite, extrêmement difficile. Le matin on fait la guerre, le midi on fait la guerre, le soir on fait la guerre. Et pendant qu’on fait ça, on fait aussi de la relance et du soutien social. Il n’y a pas le choix.

Certains au gouvernement ne veulent pas tout mettre en pause. Mais sans y aller trop fort. « Faire des réformes, ce n’est pas forcément créer des crispations. Par exemple, la réforme de l’assurance chômage, il faut la continuer. Mais il faut faire une réforme qui ne soit pas trop brutale » plaidait avant les fêtes de fin d’année une ministre. La même ajoutait :

Réformer d’ici 2022, c’est possible. (une ministre)

« Pour le premier semestre, les choses sont assez avancées : campagne de vaccination, plan de relance avec son volet économique et social. Il y a la pauvreté, les étudiants » note pour sa part le député LREM Sacha Houlié, qui ajoute « deux thèmes : le régalien avec la loi sur la sécurité globale et celle sur les principes républicains, qui devraient être complétées par le Beauvau de la sécurité, avec un volet lutte contre les discriminations et égalité des chances. Et le volet environnemental, qui comprend le référendum ». Sur ce dernier point le député plaide pour avancer, même si l’accord indispensable avec les sénateurs n’est pas évident. « Il faut le faire. Je suis intransigeant sur ce point. Et mettre les sénateurs face à deux écueils qu’ils devront assumer : vont-ils faire échec à un projet qui contraint notre édifice normatif à respecter des contraintes environnementales ? Et vont-ils accepter de dire aux Français qu’ils ne leur font pas confiance pour s’exprimer ? » demande Sacha Houlié. Pour le reste, il faudra arbitrer sur « la loi sur le grand âge » et la « loi 4D » sur la décentralisation, en gestation depuis des mois, mais qui ne semble plus une priorité aux yeux de certains.

Quant à la réforme des retraites, que Bruno Le Maire espère reprendre quand la crise sanitaire sera terminée, le député LREM de la Vienne pense que « la question est vite traitée. Ce ne sera pas avant juin dans ce cas. Après, a-t-on assez de temps législatif pour le faire ? Je n’en suis pas certain ». « Dire que la réforme est une façon d’éponger la dette Covid, ce n’est pas la bonne façon d’en parler » glisse-t-on au gouvernement.

« Castex est très utile, même plus utile qu’Edouard Philippe car il accepte de prendre tous les coups »

Et pour diriger la barque gouvernementale, Jean Castex, critiqué ces derniers mois, est-il toujours la bonne personne ? Certains louent au contraire sa loyauté. « C’est quelqu’un d’extrêmement solide, très courageux. Il a le cuir épais » dit un ministre, « il joue bien son rôle de protection du Président ». « Il est très utile. Même plus utile qu’Edouard Philippe car il accepte de prendre tous les coups. Il les prend bien volontiers », confirme un parlementaire LREM. De toute façon, ce n’est pas le moment de se poser ce genre de question, estime un autre : « Dans une tempête, vous ne dissertez pas sur les mérites comparés de capitaines potentiels ».

Reste que toutes les perspectives de réformes sont menacées par une épée de Damoclès qui s’appelle Covid-19. On l’a déjà vu ces derniers mois : quand l’exécutif tente d’avancer ses sujets sur l’agenda politique, le sanitaire le rattrape par le col. Dans ces conditions, la majorité peut-elle encore faire de la politique ? « Au moment où les oppositions font plus que jamais de la politique, il faut en faire nous aussi » plaident certains dans le camp macroniste. Les textes sur le régalien peuvent ainsi permettre de continuer à « fracturer la droite sur le régalien. Et aussi une partie de la gauche. Et sur le référendum sur l’environnement, on divise la gauche aussi », calcule un parlementaire.

« On est dans une année pré-présidentielle, on entre dans l’heure du bilan »

L’opposition, justement, ne va pas lâcher Emmanuel Macron. La droite pourra l’accuser de laisser filer les réformes et les déficits. Le sénateur LR Philippe Dallier craint ainsi que le gouvernement « attende après 2022 pour engager les réformes. Le quoi qu’il en coûte, ça peut devenir dramatique sur les finances publiques. Donc on a besoin de poursuivre les réformes maintenant ». Attendre sur les retraites serait « irresponsable » à ses yeux. A gauche, on freine à l’inverse des quatre fers sur la réforme qui avait bloqué le pays. « Le pays est à cran. Faire la réforme des retraites aujourd’hui, ce n’est pas souhaitable » dit sur Public Sénat le sénateur PS Jérôme Durain. « La réforme de retraites est vraiment un emblème de ce quinquennat Macron, avec une volonté d’avancer dans un sens plus libéral » dénonce aussi le sénateur communiste Eric Bocquet, « on veut aller vers des retraites par capitalisation ». Quant à la réforme de l’assurance chômage, « ce n’est vraiment pas le moment » ajoute le sénateur PCF.

Pour le gouvernement, il reste en réalité assez peu de grains à moudre d’ici la fin du quinquennat. Et le bilan s’esquisse déjà. La dernière partie du séminaire est d’ailleurs consacrée au baromètre des réformes, mis en place par la ministre Amélie de Montchalin. Le Président a mis « une énorme pression pour que ça avance » confie un membre du gouvernement. Ce baromètre permet de voir l’avancement chiffré des réformes par département. « Ce sont de choses concrètes. Il y a plein de choses dont personne n’a entendu parler » défend un ministre, qui en reconnaît l’aspect « politique », avant d’ajouter : « Bien sûr, le baromètre des réformes a un lien avec 2022. Mais on l’assume totalement ».

« Le gouvernement cherche par tous les moyens à mettre en avant ce qu’il a réalisé. C’est de bonne guerre. On est dans une année pré-présidentielle, on entre dans l’heure du bilan. Cela dit, ça peut encore être une année utile », souligne le sénateur LR Philippe Dallier. « Ce baromètre montre combien les réformes ont été ambitieuses » se réjouit François Patriat. De quoi préparer la rampe de lancement du futur candidat Macron de 2022 ? « Il faut déjà faire le job » tempère un responsable de la majorité, « sinon, la question ne se posera même pas. On a fort à faire ».

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