Edouard Philippe reçoit lundi soir le tandem exécutif corse, Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni, pour leur présenter la forme que doit prendre la promesse d'Emmanuel Macron d'inscrire la Corse dans son projet de révision constitutionnelle.
Si le Premier ministre a commencé depuis une semaine à présenter le projet en trois volets (projets de loi constitutionnelle, organique et ordinaire) préparé par l'exécutif, il est resté volontairement vague devant ses interlocuteurs sur le volet corse, afin d'en laisser la primeur à MM. Simeoni et Talamoni, trois mois après la victoire des nationalistes aux élections territoriales.
Les deux hommes sont attendus à Matignon à 18H30.
Conformément à l'engagement d'Emmanuel Macron lors de sa visite dans l'île début février, il y aura bien "une mention" de la Corse dans la Constitution: c'est une des rares revendications nationalistes que le président de la République, dans un discours ferme, avait accordées le 7 février à Bastia.
M. Macron avait alors déjà laissé entendre que seraient déçus les espoirs du camp nationaliste de voir la Corse inscrite dans un cadre similaire à celui de l'article 74 du texte fondamental de la Ve République. Ce dernier est celui qui accorde le plus d'autonomie dans le cadre républicain aux collectivités d'outre-mer (ex-TOM) et à la Nouvelle-Calédonie.
"Penser que la mère des batailles est de négocier de nouvelles évolutions institutionnelles, avant d’avoir exercé les responsabilités qu’on a [déjà], je ne saurais vous y encourager", avait lancé le président.
Qu'elle soit dans un nouvel article distinct ou plus probablement dans un nouvel alinéa de l'article 72, la "mention" définirait les adaptations législatives et réglementaires possibles sur l'île.
Ces "habilitations" sont au cœur du débat. Gilles Simeoni, président autonomiste de la collectivité, a fait adopter jeudi par l'Assemblée de Corse une résolution demandant des habilitations "permanentes", qui concernent des volets comme "la protection du patrimoine foncier, les particularités linguistiques et culturelles de l'île, le développement économique et social, l'emploi"...
- Permanentes contre "pérennes" -
Selon une source gouvernementale, l'exécutif s'oriente vers des habilitations "pérennes" qui resteraient limitées dans le temps (5 à 10 ans). Quant au périmètre, il continuait à faire l'objet de discussions au sein de l'exécutif la semaine dernière.
Ce mouvement concernant la Corse se ferait en parallèle du volet de la réforme constitutionnelle qui va étendre le droit d'expérimentation des collectivités territoriales.
"L’exécutif nous parle d’habilitations +larges et pérennes+, nous aurions préféré entendre +générales et permanentes+", a déjà déploré dans Libération M. Talamoni.
Ce volet corse de la réforme des institutions voulue par M. Macron (réduction du nombre des parlementaires, dose de proportionnelle, accélération du rythme parlementaire) est un des points particulièrement scrutés dans ce jeu délicat de négociation multipartites dans lequel l'exécutif s'est lancé.
La droite sénatoriale, dont l'appui sur le volet constitutionnel est décisif pour éviter un référendum, a exprimé ses réticences par la voix du président du Sénat Gérard Larcher, qui a dit ne pas vouloir faire du texte de 1958 "une auberge espagnole".
Outre la tiédeur gouvernementale, c'est le peu d'allant de M. Larcher à soutenir ses revendications qui avait poussé M. Simeoni à annoncer une manifestation le 3 février.
Le président LR du Sénat sera lui reçu mercredi, dernier jour fixé par Edouard Philippe pour sa consultation des responsables parlementaires. Seront également reçus ce jour-là les chefs de file du parti Les Républicains à l'Assemblée et au Sénat, Christian Jacob et Bruno Retailleau, ainsi que le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy (LREM).
Surprise de cette réforme des institutions, la volonté de l'exécutif de limiter le nombre d'amendements des groupes parlementaires a suscité inquiétudes et polémique chez les reçus la semaine dernière.
M. de Rugy a dit samedi n'y être "pas favorable", appelant le gouvernement à "davantage respecter" le Parlement.