Ses propos avaient suscité l’inquiétude des élus locaux pour leurs finances. D’emblée, Sébastien Lecornu est revenu sur son interview donnée fin mars à la Gazette des communes. « Il n’y aura pas d’argent magique » disait alors le Ministre en charge des collectivités territoriales, « tout le monde devra faire des efforts, y compris les collectivités ». Devant les sénateurs, il a donc tenu à préciser : « Je ne parlais pas d’un effort que l’État va leur demander, mais des efforts que la crise va leur imposer ».
Pas de baisse des dotations
Sébastien Lecornu a confirmé que l’État ne baisserait pas le montant de ses dotations aux collectivités, malgré la crise. La Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) – soit une enveloppe de près de 27 milliards d’euros pour 2020 - sera donc maintenue. « Ce n’est pas au moment où les collectivités ont besoin d’accompagnement financier qu’on va commencer à réduire la voilure » a précisé le Ministre.
« L’État absorbera le choc »
Interrogé par le sénateur Charles Guené, Sébastien Lecornu a également assuré que la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises serait bien versée en 2020. Cet impôt, appelé CVAE, est prélevé aux entreprises par l’État, qui la reverse ensuite aux collectivités. Mais en raison de la crise, le prélèvement de la CVAE a été suspendu – comme d’autres charges - pour les entreprises en difficulté. Face à la baisse des recettes, « c’est l’État qui absorbera le choc, il n’y aura pas de panne pour l’année 2020 » a promis Sébastien Lecornu.
Avances de trésorerie
Dans l’immédiat, certaines communes verront tout de même leurs recettes diminuer. Car le confinement les prive de certaines ressources comme la taxe de séjour par exemple. Pour les plus en difficulté, le gouvernement envisage des avances de trésorerie. « On ne laissera tomber personne » a assuré Sébastien Lecornu.
Aide à l’investissement local
Sénateur du Gers, Franck Montaugé a interpellé le Ministre sur le risque de baisse de la commande publique. Les collectivités locales assurent 70% de l’investissement public. Pour s’appuyer sur ce levier de relance après la crise, le gouvernement envisage d’augmenter la dotation aux investissements versée aux collectivités, actuellement fixée à 2 milliards d’euros.
Prime aux agents des collectivités
« Nous sommes très souvent interpellés sur la prime de 1000 euros défiscalisée, peut-elle être envisagée pour les collectivités territoriales ? » a demandé le sénateur Mathieu Darnaud. Ce dispositif a été pensé pour encourager les salariés des entreprises qui continuent d’aller travailler. Les maires souhaitent en faire bénéficier leurs agents. « On y travaille » a assuré Sébastien Lecornu, précisant que cela resterait facultatif, en fonction du choix de chaque élu.
Installer « dès que possible » les conseils municipaux
Après les finances, le fonctionnement des mairies était l’autre grande préoccupation des sénateurs au cours de cette audition. Inquiets des tensions naissantes entre les équipes sortantes et les nouveaux élus, beaucoup ont demandé quand pourrait se faire l’installation des conseils municipaux élus au 1er tour. « Dès que possible » a assuré le Ministre en charge des collectivités territoriales. Mais pour l’instant, les conditions sanitaires ne sont pas réunies, a-t-il rappelé. Et l’élection d’un conseil municipal ne peut pas se faire par visio-conférence, car cela nécessite un vote à bulletin secret, a expliqué Sébastien Lecornu.
La question se corse s’agissant des intercommunalités. Dans certaines, une partie des conseillers a été réélue dès le 15 mars, et l’autre pas. Faudra-t-il prolonger le mandat de ceux qui ont été battus si le second tour est repoussé après l’été? Sébastien Lecornu n’y est pas favorable, mais « la question reste ouverte » assure-t-il. La décision reviendra au parlement.
Sentiment d’impuissance des départements
La crise ne change rien aux prérogatives des élus. Même les sortants qui ont été battus et dont le mandat est prolongé ont « la pleine compétence » a rappelé Sébastien Lecornu. Le Ministre ne souhaite pas ouvrir dans l’urgence le débat sur la redéfinition des compétences, ni des élus, ni des collectivités. Plusieurs sénateurs l’ont pourtant interpellé sur les départements. « Le Conseil départemental du Calvados est en mesure de débloquer 10 millions d’euros de fonds pour aider les entreprises, mais le cadre juridique ne leur permet pas » a regretté Sonia de la Provôté. En effet, l’économie ne rentre pas dans le champ d’action confié aux départements.
Pas de retour de la clause générale de compétences
La Sénatrice normande suggère donc de rétablir la clause générale de compétence. Les départements l’ont perdue en 2015, avec l’adoption de la loi Notre. Cette clause donne aux collectivités qui en bénéficient, comme les communes, une capacité d’intervention générale dans tous les domaines. Sébastien Lecornu ne souhaite pas changer les règles dans un contexte d’urgence. « Rétablir à coup de baguette magique la clause de compétence générale, ça ne serait pas rendre service aux départements » a-t-il argumenté. Le Ministre a rappelé que si le Calvados voulait verser 10 millions d’euros d’aides aux entreprises, il pouvait toujours abonder le Fonds national de solidarité. Mais « attention à ne pas délaisser les compétences essentielles, comme l’action sociale » a prévenu Sébastien Lecornu.
Certaines questions sont restées en suspens. Elles seront sans doute abordées lors de la prochaine audition de la Ministre Jacqueline Gourault devant la Délégation aux collectivités territoriales, dont la date n’est pas encore connue.