Streaming sportif illégal : Face à une menace « protéiforme », la loi contre le piratage « devra s’adapter »

Streaming sportif illégal : Face à une menace « protéiforme », la loi contre le piratage « devra s’adapter »

La commission de la culture du Sénat a organisé mercredi 26 octobre une table ronde pour discuter du bilan de la loi votée en 2021 relative à la protection de l’accès aux œuvres culturelles, dont les rencontres sportives. Si depuis son adoption, le streaming illégal tend à diminuer, les pirates continuent de développer de nouvelles stratégies pour contourner la loi.
Public Sénat

Par Emo Touré

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« Le plus grand concurrent de Canal +, c’est le piratage ! » , a déclaré Maxime Saada, CEO de la chaîne aux nombreux programmes sportifs lors d’une table ronde organisée ce mercredi 26 octobre, soit presque un an après le vote de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. La commission de la culture du Sénat a ainsi interrogé plusieurs représentants de chaînes sportives, des télécoms et de ligues de football professionnel pour faire un premier bilan de l’application de la législation.

La veille, l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) avait publié un rapport sur le blocage de sites diffusant illégalement des compétitions sportives. Avec « plus de 800 sites illégaux » bloqués, la législation a réduit le nombre de consommateurs de live streaming sportif de 47 %, entre le premier semestre 2021 et celui de 2022. Encore plus réjouissant pour les diffuseurs de contenus sportifs premiums, « près de 15 % des utilisateurs qui font face à un blocage d’un site pirate se tournent vers l’offre légale », selon le membre du collège de l’Arcom, Denis Rapone.

Depuis la loi de 2021, les ayants droit comme les chaînes de télévision, les fédérations ou les ligues sportives peuvent saisir le juge pour demander le blocage d’un site diffusant du contenu sportif illégalement. L’intervention du juge est suivie de celle de l’Arcom. Cette dernière s’adressera aux fournisseurs d’Internet pour effectuer le blocage des pages proposant du contenu illégal.

 

Lire notre article - Piratage des retransmissions sportives : « Est-ce que le système n’a pas généré sa fragilité, en étant trop cher et en allant pomper trop de fric ? »

Le blocage IP, une solution miracle pour lutter contre les abonnements IPTV ?

 

Pour faire face aux blocages de plus en plus nombreux des sites de visionnage illégaux, les pirates informatiques ont déjà une solution toute trouvée : la télévision IP, aussi appelée IPTV. Cette dernière fonctionne sur un système d’abonnement illégal et permet l’accès à un large nombre de chaînes pour un prix cassé. « 9 % des internautes utilisent l’IPTV » selon Maxime Saada. Il affirme que les fournisseurs ont parfois vu leur nombre d’abonnements quadrupler, « passant de 50.000 à 200.000 utilisateurs en quelques mois. »

Devant cette forme de piratage grandissante, la secrétaire générale adjointe de beIN media group, Caroline Guenneteau, a plaidé pour un « blocage IP ». Le système est déjà utilisé au Royaume-Uni, en l’Italie, et au Portugal. Aujourd’hui, le blocage DNS empêche les utilisateurs d’accéder aux serveurs des sites de streaming. Cependant, de nombreuses alternatives « comme les VPN, ou des réseaux comme Twitter et Telegram » permettent de contourner cette limitation. « Tout le monde est concerné […] le piratage, ce sont des milliards d’euros qui échappent à tout contrôle », a ajouté Mathieu Ficot, directeur général adjoint de la Ligue de football professionnel (LFP). Les pertes dues au piratage sont estimées à un milliard d’euros par an pour les retransmissions sportives.

Du côté des télécoms, la question du partage des frais pour lutter contre le piratage et l’automatisation du blocage des pages font partie des priorités. Pour Liza Belullo, présidente de la Fédération française des télécoms (FFT), le système actuel est « précaire », et doit être « industrialisé ». Sceptique quant à l’utilisation du blocage IP, parfois responsable de « surblocage » - le blocage de sites légaux par accident -, la FFT a rappelé le but de la gestion d’Internet pour les télécoms : augmenter la « fluidité » et non pas en « bloquer » l’accès.

 

« Comment faire pour que l’accès au sport ne devienne pas comme l’opéra ? », s’est interrogé le sénateur socialiste David Assouline

 

Devant une discussion technique, les sénateurs se sont eux concentrés sur l’aspect social et aux conditions d’accès légales des rencontres sportives. Plusieurs sénateurs socialistes ont ainsi pointé du doigt le prix de l’accès aux diffusions sportives comme possible cause du piratage. Demandant « un modèle plus lisible » en termes d’offres de diffusion de football - qui représente 75 % des contenus piratés -, et des autres sports, Jean-Jacques Lozach a proposé « d’organiser un service minimum » en permettant « la diffusion d’un match en clair de Ligue 1 par semaine » ou d’un bouquet de vidéos avec « les temps forts des matchs » . David Assouline a plaidé pour un modèle permettant « aux plus pauvres l’accès à la culture (sportive) ».

« La place de cinéma coûte aujourd’hui 15 euros au Gaumont Beaugrenelle, le même prix qu’une offre beIn », leur a répondu Caroline Guenneteau. Même son de cloche chez Canal + qui y voit un « paradoxe ». En effet, longtemps critiqué pour son monopole sur les diffusions sportives, le président du directoire de l’entreprise audiovisuelle a aussi défendu le modèle de diffusion payante : « Quand on a des matchs en clair, on fait baisser la valeur globale de la compétition. »

 

À moins d’un mois de la Coupe du Monde de foot au Qatar, les ayants droit se tiennent déjà sur leur garde. Plusieurs injonctions ont déjà été réclamées par ces derniers contre des sites pirates. Leur nombre devrait se multiplier comme pour tous les événements sportifs dans le passé.

 

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