En déplacement au Salon de l’élevage à Cournon d’Auvergne (Puy-de-Dôme), Michel Barnier a annoncé une aide de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis victimes de la fièvre catarrhale ovine et des prêts garantis par l’Etat pour les exploitations en difficulté. Des mesures bienvenues pour les agriculteurs qui ne calment pas pour autant leur colère.
Tempête Alex : le TER Nice-Tende, « la ligne de vie » de la Roya
Par Jonathan Dupriez
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Accroché à flanc de falaise, le village de Tende, 2300 habitants, était un joyau connu du Parc national du Mercantour. Un joyau désormais méconnaissable. « C’était la plus belle commune de France » lance dans un cri du cœur, Jean-Pierre Vassollo, maire (sans étiquette) de Tende, sillonnant les décombres au volant de son pick-up municipal. La commune, la plus étendue des Alpes-Maritimes a payé un lourd tribut à la tempête Alex : un mort, onze maisons emportées, des ponts détruits et certains hameaux qui lui sont rattachés quasi rasés, comme Vievola, qui jouxte la frontière italienne. « On n’aurait pas pu imaginer cela » souffle l’édile devant un tronçon de départementale en miettes. « Il y a des pans entiers de montagne qui se sont décrochés », ajoute-t-il sans vraiment croire lui-même, au paysage qui s’offre à lui. Selon lui, « la montagne s’est déshabillée » au niveau du Col de Tende, toujours impraticable.
« On est vraiment coupés du monde »
En l’absence de 50km de route départementale emportés par les flots, le village de Tende était presque coupé du monde, sans électricité pendant 48h, et sans eau courante pendant un mois et demi. « On est vraiment coupés du monde, parce qu’on n’a plus de routes, ni vers l’Italie, ni vers la France » relève Patricia Alunno, bénévole au Secours populaire et conseillère municipale (PCF) à Tende.
Nombreux sont ceux qui ont préféré quitter le village, en attendant qu’il redevienne « vivable ». Tende, s’est vidé d’un quart de ses habitants, près de 500 sont partis dans les jours suivant la tempête. « Provisoirement espérons » tente de se convaincre Jean-Pierre Vassallo. Pour accéder au village, habitants et secours n’ont eu d’autre choix que d’emprunter les hélicoptères ou le « Train des Merveilles » depuis Nice, en passant par Breil-sur-Roya. Si la ligne TER a pu continuer à fonctionner, elle n’est toujours en mesure d’amener les passagers jusqu’à la gare de Tende. A cause de dégâts importants sur les voies, le TER a pour terminus le quai provisoire de Saint-Dalmas de Tende, 4 km plus bas. Pour rejoindre Tende, il faut emprunter des portions de routes accidentées, des gués de fortune, et des pistes en terre. SNCF réseau, en charge des travaux sur la ligne, prévoit un retour à la normale au 18 janvier. « Ça a été un peu dur à démarrer, mais la SNCF s’est mise en marche » reconnaît le maire de Tende, confiant en l’action de la compagnie et des pouvoirs publics pour désenclaver au plus vite son village.
« J’avais peur qu’on nous oublie »
Cette date, les habitants de la Haute-Roya la trouvent tardive à l’heure où ils continuent à manquer de tout et que l’hiver approche. D’autant que le sentiment d’abandon est grand depuis le début des événements et malgré la venue d’Emmanuel Macron. « J’avais peur qu’on nous oublie, parce qu’on est au bout du bout » confie Jean-Pierre Vassallo. Le maire, comme nombre de ses administrés, a le sentiment que la Tinée, et la Vésubie, deux autres vallées sinistrées, ont bénéficié d’une aide plus rapide et de plus de moyens que ceux alloués à la Roya.
« On adore notre vallée et notre village, on va tenir, mais c’est très compliqué »
Seul lien entre les habitants avec l’extérieur jusqu’à présent, la ligne TER Nice-Tende représente surtout le seul espoir de relever la commune. Notamment pour les commerçants, à l’approche de Noël et de la saison de sports d’hiver. Luc Fioretti, commerçant et directeur de l’ESF de Tende/Castérino – la station la plus proche, ndlr – attend le retour de la liaison ferroviaire comme le messie. « On adore notre vallée et notre village, on va tenir, mais c’est très compliqué » se désole ce montagnard de 55 ans, qui a investi 18 ans de sa vie et ses économies dans sa boutique d’accessoires techniques de montagne. « Je crois que si l’on n’a pas le train avant Noël, je crois que le tissu économique va avoir vraiment du mal à tenir, on a besoin du train, il faut que le train arrive très vite » ajoute-t-il, désespéré. Pour l’heure, quasi aucuns commerces ne fonctionnent à Tende, hormis le boulanger, et deux bouchers et la pizzeria où, grâce à une tolérance du préfet face aux mesures sanitaires, les clients peuvent y manger « comme si de rien n’était. »
La ligne Nice-Tende « est sauvée »
Paradoxe de la crise, la ligne TER menacée de mort semble avoir sauvé son existence. Le sénateur (LR) des Alpes-Maritimes, Philippe Tabarot, assure même sans retenue sur Public Sénat, que « la ligne est sauvée. » « Nous, ça fait dix ans qu’on se bagarre pour cette ligne » relève Patricia Alunno, également présidente du Comité de défense de la ligne Nice-Tende-Cunéo. « On a demandé au préfet que les horaires de la ligne soient adaptés pour les employés » ajoute-t-elle, en faisant référence à la réouverture du 18 janvier. Jusqu’à présent, le premier train vers Nice partait à 9 h de Tende, faisant arriver les usagers vers 11 h 30 à Nice. Impossible donc de se rendre sur la côte en train, pour travailler. Idem pour aller faire des courses, ou consulter un médecin, il faut la journée pour faire l’aller-retour de la Riviera, à la vallée de la Roya.
La « ligne de vie »
La liaison Nice-Tende avait pourtant été étrillée par la Chambre régionale des comptes en 2019 pour le faible taux de remplissage de ses rames, à peine 15 % et son coût exorbitant, 38,80 euros au kilomètre pour la Région Sud. La Chambre régionale taclait ainsi « la pertinence de consacrer des financements publics conséquents à certaines lignes de TER peu fréquentées alors même que les conditions de transport des usagers de lignes très fréquentées sont loin de pouvoir être qualifiées d’optimales. » La tempête Alex semble toutefois avoir rebattu les cartes, montrant plus que jamais, l’utilité de cette liaison, décrite par les habitants comme la « ligne de vie » de la Roya.