Covid-19 : le « protocole de réouverture des restaurants » passera par un « QR code »

Covid-19 : le « protocole de réouverture des restaurants » passera par un « QR code »

L’application TousAntiCovid va permettre d’utiliser des QR codes pour tracer les cas contact dans les restaurants ou les bars. Si la fonction ne semble pas obligatoire, « on veut faire en sorte de systématiser le fait qu’il y ait un QR code », affirme cependant le secrétaire d’Etat, Cédric O. Le sénateur PS Jérôme Durain réclame « des garanties ». « Si c’est obligatoire, ça porte atteinte aux libertés publiques », alerte le centriste Loïc Hervé.
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C’est un décret du 12 février dernier et publié discrètement, deux jours après, au Journal officiel. Ce décret vise à compléter TousAntiCovid, l’application pour smartphone de traçage des cas contacts, développée par le gouvernement. Il prévoit la mise en place de code QR à l’entrée des établissements recevant du public, comme les restaurants, les bars ou les salles de sport, lors de leur réouverture. L’appli, téléchargée 13 millions de fois, a permis de notifier 80.000 personnes. Avec cette nouvelle fonction, l’idée est de flasher le code à l’entrée ou à l’intérieur du restaurant, pour être ensuite averti si une personne positive au covid-19 s’y trouvait au même moment. Il faudrait alors se faire tester, voire s’isoler, selon le niveau d’exposition au virus.

« Mieux sécuriser la réouverture des restaurants »

Invité la semaine dernière de Public Sénat, le 19 février, le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Cédric O, avait évoqué cette nouveauté comme « une option ». Ce qu’il ne disait pas, c’est que le décret avait pourtant déjà été pris sept jours plus tôt… Il est en préparation depuis plusieurs semaines. En janvier, la presse spécialisée avait révélé ce projet.

« Il y a une étude qui a montré que la fonctionnalité des QR codes, dans les restaurants, qui remplaçaient les cahiers de rappels en Angleterre, a permis d’éviter 600.000 contaminations. […] Cela fait partie des options sur lesquelles nous travaillons pour faire en sorte de mieux sécuriser la réouverture des restaurants », expliquait Cédric O. Regardez (à partir de 39 min) :

Faudra-t-il avoir forcément téléchargé TousAntiCovid pour rentrer dans un restaurant, à l’avenir ? « Non. Vous aurez toujours l’option de passer par un cahier de rappel », assurait le secrétaire d’Etat, avant d’ajouter aussitôt : « Mais on veut faire en sorte de systématiser le fait qu’il y ait un QR code. C’est plus simple, ça va plus vite. C’est plus simple pour le restaurateur. C’est plus protecteur de la vie privée. Vous flashez le code à l’entrée du restaurant, et si une personne qui était là sur la même heure que vous, se signale (comme positive), vous serez automatiquement prévenu, ce qui permet de mieux sécuriser les restaurants ». Il ajoutait : « Ça fera partie du protocole de réouverture des restaurants, a priori. […] Demain, il y aura cette fonctionnalité QR code restaurant »

Dans Le Figaro, le 20 janvier dernier, le cabinet du secrétariat d’Etat ne parlait pourtant pas d’un système optionnel. « Nous n’excluons pas de mener des expérimentations avec d’autres lieux volontaires, mais le caractère obligatoire du dispositif de traçage sera réservé aux bars, restaurants et salles de sport », expliquait-on. Mais si Cédric O s’en tient finalement à une non-obligation, ce sera peut-être pour tenir compte des observations de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés).

Macron annonce un « pass sanitaire » en vue de la réouverture des lieux culturels et des restaurants

Jeudi, le chef de l’Etat a donné quelques éléments nouveaux. En fin de journée, à l’issue d’un sommet européen, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un « pass sanitaire », en vue de la réouverture des lieux culturels et des restaurants. Sa mise en place « va poser beaucoup de questions techniques, de respect des données individuelles, d’organisation de nos libertés », a-t-il reconnu. « Il faut (le) préparer dès maintenant techniquement, politiquement, juridiquement ».

Ce pass sanitaire « ne sera pas uniquement lié à la vaccination », a tenu a précisé Emmanuel Macron, car « si on arrive à rouvrir certains lieux, nous ne saurions conditionner leur accès à une vaccination, alors même que nous n’aurions même pas ouvert la vaccination aux plus jeunes ».

La Cnil valide le système mais avec des réserves

La Cnil a donné son avis sur l’usage du Code QR dès le 17 décembre dernier. Selon cet avis, rendu public le 15 février, la Cnil valide le système. Il respecte les règles de la protection des données personnelles. Mais elle exprime quelques réserves. « Le traitement de ces informations, et en l’espèce par les pouvoirs publics, doit faire l’objet de la plus grande vigilance », peut-on lire dans l’avis. La Cnil relève surtout que le gouvernement ne lui a pas donné tous les éléments, « sur la liste précise des ERP (établissements recevant du public) concernés, sur le caractère obligatoire ou non, pour ces établissements, de mettre à disposition un code-QR, ou encore sur l’obligation faite aux personnes concernées d’enregistrer leurs visites afin que celles-ci puissent être alertées en cas de risque de contamination ». Elle préconise aussi qu’un cahier de rappel soit prévu, en plus de l’usage du QR code. Ce que prévoit bien le gouvernement.

La Cnil « appelle en outre à la plus grande vigilance » pour « les lieux de culte ou les lieux de réunion syndicale ou politique. Elle recommande que le dispositif ne soit pas rendu obligatoire dans ces lieux ».

« C’est complètement « Le meilleur des mondes ». Il y a un côté hyper intrusif »

Au Sénat, cette idée des QR codes interroge. Déjà sur la méthode. « Que tout ça se fasse à bas bruit, loin de la représentation nationale, n’est pas sain », estime le sénateur PS Jérôme Durain. Il reste sur ses gardes. « Au moment où on voit des fuites massives de données médicales, la question du traçage numérique des populations mérite quand même des garanties. Or on est dans une période où les questions de garantie passent au second plan. On est sur le registre de l’efficacité immédiate, sans se poser la question des libertés individuelles et des droits fondamentaux », estime Jérôme Durain.

Au premier abord, le sénateur UDI Loïc Hervé, membre de la Cnil en tant que parlementaire, est plus ouvert. « Sur l’utilisation du QR code pour la prévention des cas contacts, dans la mesure où il y a possibilité de laisser les coordonnées à la main, sur un cahier, et si ça reste non obligatoire, je ne vois pas de difficulté », affirme le sénateur de la Haute-Savoie.

En revanche, il s’oppose avec force à tout caractère obligatoire. « Si c’est coercitif, il faudrait a minima une loi, pour que ce soit soumis au contrôle du Parlement et du Conseil constitutionnel. Et si c’est obligatoire, ça contrevient à la liberté d’aller et venir. Ça porte atteinte aux libertés publiques », met-il en garde. Il continue : « Vous n’allez pas obliger les gens à avoir des smartphones. Et quelqu’un comme moi, qui refuse de télécharger TousAntiCovid, vous n’allez pas le forcer ! Je ne l’ai pas et je ne l’aurai pas. C’est la première fois que la France, l’Etat, collecte massivement des données personnelles. C’est un préalable », s’inquiète ce membre de la Cnil, « c’est complètement « Le meilleur des mondes ». Il y a un côté hyper intrusif ». Globalement, Loïc Hervé s’inquiète de la tournure des choses :

Depuis un an, on a un peu porté atteinte à toutes les grandes libertés constitutionnelles. Après on peut continuer…

« On met la charrue avant les bœufs »

Cet usage des QR codes ne se limite pas, potentiellement, à l’information en cas de contact avec le covid-19. Il ouvre aussi la porte à un sujet encore plus polémique : le passeport vaccinal. Il pourrait théoriquement être intégré à l’application. Pas de quoi, là non plus, rassurer les sénateurs. « On ne peut pas poser la question, alors qu’on n’est pas fichu de vacciner les gens », s’agace le socialiste Jérôme Durain, « déjà il faut parfaire la vaccination, plutôt que de s’égarer sur des outils de QR code. On amuse un peu la galerie. On met la charrue avant les bœufs ».

Loïc Hervé craint lui que « la mise en place d’un passeport vaccinal crée une discrimination extrêmement forte » entre les vaccinés et ceux qui ne le sont pas. Le sénateur souligne qu’il y aura toujours une part de personnes non-vaccinées, même quand tout le monde aura accès au vaccin. « Et vous allez permettre à la police de contrôler ça ? Ce sont des données de santé, qui sont très protégées… », ajoute Loïc Hervé, qui prévient :

Il est hors de question de rentrer dans toute idée de passeport vaccinal. Pour moi, c’est une croisade.

Cédric O « ne ferme aucune porte » sur le passeport vaccinal

Pas sûr que le centriste soit entendu. Si l’exécutif se montre très prudent sur le sujet, surtout après l’abandon en décembre du projet de loi qui conditionnait certaines activités « au suivi d’un traitement préventif, y compris à l’administration d’un vaccin », il ne l’écarte pas non plus. Le secrétaire d’Etat au Numérique le reconnaît lui-même. « Comment ensuite on présentera le passeport vaccinal ? Je ne ferme aucune porte. Mais à ce stade, ce n’est pas dans les discussions » affirmait la semaine dernière Cédric O sur Public Sénat, avant d’ajouter : « Dès lors qu’on aura la certitude qu’on peut proposer la vaccination à tous les Français, on pourra discuter des moyens de présenter le passeport vaccinal. Aujourd’hui, ce n’est pas d’actualité ». Mais demain… Sur ces enjeux, Loïc Hervé aime citer Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux ».

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