Audition de Christophe Castaner : ce qu’il faut savoir sur la délégation parlementaire au renseignement
La délégation parlementaire au renseignement va auditionner le ministre de l’Intérieur, après l’attaque au couteau le 3 octobre à la préfecture de police de Paris. Focus sur une instance installée depuis douze ans, qui travaille dans la plus grande discrétion.

Audition de Christophe Castaner : ce qu’il faut savoir sur la délégation parlementaire au renseignement

La délégation parlementaire au renseignement va auditionner le ministre de l’Intérieur, après l’attaque au couteau le 3 octobre à la préfecture de police de Paris. Focus sur une instance installée depuis douze ans, qui travaille dans la plus grande discrétion.
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La délégation parlementaire au renseignement (DPR) occupe une place à part dans la famille des organes de contrôle parlementaire. C’est cette structure, composée à parts égales de sénateurs et de députés, qui auditionnera ce mardi 8 octobre le ministre l’Intérieur, Christophe Castaner, après le quadruple assassinat dans l’enceinte de la préfecture de police, le 3 octobre, par l’un de ses agents, radicalisé. L’homme était chargé de la maintenance informatique au sein de la direction du Renseignement de la préfecture de police de Paris. Les interrogations sur son degré d’habilitation à des données ultrasensibles, et sur l’absence de signalement après des alertes sur son comportement, seront au cœur de l’audition. D’autres personnes pourraient ensuite être entendues, en fonction des réponses du ministre.

La confidentialité au cœur du travail de la délégation

La particularité de cette délégation parlementaire tient avant tout au caractère sensible – et donc confidentiel – de la matière traitée : le renseignement. L’échange aura donc lieu à huis clos. Et aucune communication n’aura lieu à l’issue, là où d’autres travaux de commissions peuvent donner lieu d’ordinaire à des comptes rendus. « Il y a des règles très strictes de confidentialité, nous sommes tenus au secret-défense », expliquait ce week-end le sénateur (LR) Christian Cambon, qui préside cette année la DPR. Dans les documents auxquels a accès le public, un exemple témoigne de ce besoin permanent de discrétion : certains passages des rapports remis par la DPR  sont entièrement caviardés.

« C’est parce qu’il y a la confidentialité que nous attendons des éléments de réponse avec franchise » (Cambon)
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« C’est parce qu’il y a la confidentialité que nous attendons de l'audition du ministre, demain, qu'elle apporte des éléments de réponse – sûrement, il ne les aura pas tous – en tous les cas, des éléments de réponse cartes sur table, avec franchise, et dans la volonté de faire avancer les choses », déclare Christian Cambon (extrait de l'émission Allons Plus Loin).

Pour assumer ses fonctions, la DPR dispose de moyens à la hauteur de ses travaux pas comme les autres. Dans un rapport de 2014, on apprend qu’elle dispose d’une salle à l’Assemblée nationale qui n’est reliée à aucun réseau téléphonique ou audiovisuel, et qui est dépourvue de toute fenêtre donnant sur l’extérieur. Une deuxième salle, sécurisée en permanence par les services de l’Assemblée et la Garde républicaine, accueille du matériel informatique, dont un « photocopieur qui n’est relié à aucun réseau », ainsi que des archives conservées dans un coffre-fort.

Ce mardi, à 8h30, l’audition de Christophe Castaner aura néanmoins lieu dans une salle du Sénat. Toutes les précautions ont été prises pour garantir la confidentialité des propos qui seront tenus. Les participants devront laisser leur téléphone portable à l’entrée.

Huit parlementaires dans cette délégation

Autre subtilité, cette délégation paritaire (entre l’Assemblée nationale et le Sénat) est resserrée dans sa composition. Elle compte au total huit membres. Quatre sont membres de droit : il s’agit des présidents de la commission des Lois et de la commission de la Défense et des Forces armées des deux chambres (Philippe Bas et Christian Cambon au Sénat). La présidence est assurée alternativement chaque année par un député ou un sénateur membre de droit.

Deux députés et deux sénateurs complètent l’équipe, nommés par les deux présidents des assemblées parlementaires après les législatives ou les sénatoriales. François-Noël Buffet (LR) et Michel Boutant (PS) siègent pour la Haute assemblée. L’idée est de garantir le pluralisme, avec la présence d’un parlementaire issu du premier groupe de l’opposition. Côté Assemblée nationale, on compte un député La République en marche et un député Les Républicains.

La décision de convoquer Christophe Castaner ce mardi n’a d’ailleurs pas été prise de manière isolée. Christian Cambon a précisé que ce choix s’était fait « en accord » avec les parlementaires membres de la délégation et les présidents des deux assemblées, Richard Ferrand et Gérard Larcher.

Une loi de 2007 à l’origine de sa création

L’acte naissance de la DPR lui donne également un caractère unique. Les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement sont fixées dans la loi du 9 octobre 2007, à l’origine de sa création. L’ordonnance précise que cette délégation a pour mission de suivre l’activité générale des services de renseignement et les moyens dédiés aux services. Au niveau budgétaire, le contrôle du Parlement sur le gouvernement doit également respecter le caractère confidentiel de ces missions. La commission de vérification des fonds spéciaux repose sur quatre membres de la DPR chargés de scruter les moyens dévolus aux services de renseignement.

La loi de programmation militaire de 2013 est venue renforcer les compétences de la DPR. Cette dernière est aussi chargée depuis cette date « d’exercer le contrôle parlementaire de l'action du gouvernement en matière de renseignement » et « d’évaluer la politique publique en ce domaine ».

Parmi ses pouvoirs, la délégation peut auditionner tous les ministres qui entrent dans le champ de la sécurité intérieure et de la défense, y compris le Premier ministre et les ministres de l’Économie et du Budget.

Chaque année, les travaux de la DPR font l’objet d’un rapport annuel, dans lequel elle peut formuler des recommandations et des observations au président de la République (chef des armées) et au Premier ministre. Ce document est remis à chaque président d’assemblée. Hasard du calendrier, ce rapport sera remis à Emmanuel Macron ce mardi 8 octobre, le même jour que l’audition de Christophe Castaner.

Adaptation des services à l’évolution de la menace terroriste, et Brexit au menu des précédents travaux

Selon le dernier rapport sur son activité annuelle, cette délégation s’est réunie ou s’est déplacée sur le terrain à 15 reprises de mai 2018 à avril 2019. Au cours de cette période de douze mois, trois sujets d’actualité ont animé de manière approfondie ses travaux. Sans surprise, les membres de la délégation ont travaillé sur l’adaptation des services de renseignement à l’évolution de la menace terroriste et à la lutte contre la radicalisation.

Il a également été question des « enjeux stratégiques » autour de la gestion des ressources humaines dans le renseignement. À trois semaines de la date (théorique) de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, il est bon de rappeler que la DPR s’est aussi penchée sur l’avenir de l’Europe du renseignement après le Brexit.

Les parlementaires de la DPR ne seront pas les seuls à établir un état des lieux du renseignement, après le drame qui s’est joué à la préfecture de police. Le Premier ministre a annoncé, de son côté, le lancement de deux missions sur la détection d'éventuels signes de radicalisation d'agents chargés de la lutte antiterroriste.

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