Budget : les sénateurs veulent créer une taxe Amazon pour aider les petits commerces

Budget : les sénateurs veulent créer une taxe Amazon pour aider les petits commerces

Le rapporteur LR du budget au Sénat, Jean-François Husson, défend des taxes sur la vente en ligne et les assurances pour aider les petits commerces. Il entend aussi étaler sur 5 ans la hausse de la taxe sur les émissions de CO2 des véhicules neufs. Il y voit un parallèle avec la taxe sur les carburants, étincelle qui a déclenché les gilets jaunes.
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Le budget 2021 est unique à plus d’un titre. Ce projet de loi de finances (PLF) 2021 est en effet marqué par la pire crise économique depuis 1945, conséquence de l’épidémie de Covid-19 et de deux confinements. S’ils sont nécessaires pour faire face au virus, ils sont mortels pour l’économie.

C’est dans ce contexte que les sénateurs, après les députés, abordent ce PLF atypique. La commission des finances du Sénat a examiné ce jeudi matin les amendements du nouveau rapporteur général du budget, le sénateur LR Jean-François Husson. La commission avait déjà examiné les grands équilibres macroéconomiques (déficit, dettes, etc..) la semaine dernière. Les budgets des différents ministères viendront ensuite.

Véhicules neufs : hausse de la taxe CO2 étalée sur 5 ans

Lors de la séance, qui commencera le jeudi 19 novembre pour près de trois semaines de marathon budgétaire, le rapporteur entend présenter un amendement qui concerne de nombreux Français (sur le PLF, on examine en séance le texte transmis par l’Assemblée et non celui de la commission). Il porte sur un sujet potentiellement sensible : la taxe sur les émissions de CO2 des véhicules. Ce malus écologique vise tous les véhicules neufs, mais aussi dans une moindre mesure ceux d’occasion, selon leurs émissions de CO2. Il s’agit d’une idée issue de la Convention citoyenne. Le gouvernement voulait « augmenter sensiblement la taxe sur 2 ans », souligne le rapporteur, qui met en garde :

Si les gens voient ça, ils sont dans la rue tout de suite à mon avis !

Les députés ont déjà décidé de modifier en partie le texte. Ils ont étalé la hausse des taxes sur 3 ans, sachant qu’en séance, le gouvernement a aussi ajouté un malus sur le poids du véhicule. Le montant minimum de la taxe sur les émissions de CO2 est de seulement 50 euros pour les voitures les moins polluantes. Quant au plafond du montant de la taxe, il sera en 2022 de 40.000 euros pour les véhicules les plus polluants (voitures de luxe ou sportives), puis de 50.000 euros en 2023 (voir ici page 92 et suivantes pour le détail).

Cette hausse des taxes n’est pas sans rappeler l’histoire (très) récente, qui a commencé sur des ronds-points avec des gilets de sécurité… jaunes. Même cause, même effet ? C’est la crainte de Jean-François Husson. En 2017, un an avant la crise des gilets jaunes, il avait déjà alerté le gouvernement, tout comme le sénateur écologiste Ronan Dantec, sur le risque de fronde sociale face à la hausse des taxes sur le carburant.

Jean-François Husson se souvient : « Dès 2015, j’avais proposé une convergence des taxes entre l’essence et le diesel sur 5 ans. Le gouvernement avait commencé la trajectoire, mais Emmanuel Macron a ensuite dit que ça n’allait pas assez vite. Ils ont accentué la pente de l’augmentation… Ça a donné les gilets jaunes, comme je l’avais dit » souligne le sénateur de Meurthe-et-Moselle.

C’est pourquoi Jean-François Husson propose dans ce PLF « que la hausse de la taxe CO2 soit étalée sur 5 ans pour permettre d’abord aux constructeurs de se projeter et d’adapter leurs chaînes de production, d’adapter les modèles, car là, c’est pour les véhicules neufs vendus au 1er janvier 2021 ». Mais l’étalement vise aussi bien sûr les Français. « Vu d’où on part, on ne peut pas avoir une rupture trop violente, sinon, ça revient en boomerang » prévient encore une fois le rapporteur général. Il continue : « Il faudra faire œuvre de pédagogie, améliorer la prime à la conversion, etc. On fera des propositions ».

Taxe exceptionnelle sur les assurances pour aider les petits commerces

Autre amendement important : la majorité sénatoriale entend aussi mettre à contribution les assurances. Jean-François Husson défend « une contribution exceptionnelle pour le secteur de l’assurance, au titre de l’année 2020 ». « On a bien confirmation que c’est un secteur qui a encaissé des primes, au moment du confinement, sans contrepartie de versement d’indemnités de sinistre », qui ont baissé, « ça amène une profitabilité supérieure ».

L’amendement propose en conséquence une taxe à hauteur de « 1% du chiffre d’affaires 2020 des compagnies d’assurances. Cette taxe vise l’assurance dommage » explique Jean-François Husson, qui espère un gain entre « 500 et 600 millions d’euros » pour l’Etat. Le produit de cette taxe serait « fléché vers les acteurs économiques en difficulté. On pense évidemment au secteur du commerce et les indépendants, pour abonder le fonds de solidarité ».

Taxe sur la vente en ligne pour aider… les petits commerces

Autre idée de recette mise sur la table par le Sénat : « Une taxe sur la vente à distance ». La vente à distance inclut la vente en ligne, mais aussi la vente par téléphone. « La vente à distance a bénéficié de conditions assez exceptionnelles. Certains ont bénéficié d’un effet d’aubaine. Sur certains segments de biens, certains opérateurs se sont retrouvés en situation de quasi monopole » constate le rapporteur, dont l’amendement viserait les entreprises « dont plus de 50% du chiffre d’affaires est lié à la vente à distance », en se basant « sur les exercices 2019 et 2020 ». Cette taxe rapporterait « autour de 500 millions d’euros ». L’amendement va cependant encore être « retravaillé » d’ici la séance, « pour trouver un atterrissage convenable » précise le sénateur LR.

Quand on parle de vente en ligne, on pense évidemment au géant américain du secteur, Amazon, à qui la fermeture des petits commerces et des rayons de biens « non-essentiels » a profité directement pendant les deux confinements de l’année écoulée. Si le rapporteur ne veut pas parler de « taxe Amazon », « bien évidemment, ils sont dans la cible » reconnaît-il.

« A situation sanitaire inédite, il faut faire en sorte d’avoir une décision inédite » défend le rapporteur général, « il faut que ce soit une manière de contribuer en faveur de ceux qui se sont retrouvés fermés. On essaie de trouver une solution de justice et équilibrée. Ce sont des enjeux de cohésion sociale et nationale ». Jean-François Husson ajoute : « Il faut répondre à ce qu’on entend, à cette colère de ceux qui ont été au front, font des heures mais ne gagnent pas toujours bien leur vie ».

Cette taxe sur la vente en ligne viendrait là aussi abonder le fonds de solidarité. Elle permettrait également des mesures pour les acteurs économiques impactés, au premier chef les petits commerces. « C’est pleinement l’objectif » soutient Jean-François Husson. Lors de l’examen de l’état d’urgence, les sénateurs avaient déjà cherché à aider les petits commerçants (lire ici).

Baisses des impôts de production : renfort des compensations pour les collectivités

On ne sera pas surpris de voir le Sénat apporter dans ce budget une attention toute particulière aux collectivités locales. Il s’agit notamment de mieux compenser leurs ressources, alors que le gouvernement a décidé, dans le cadre du plan de relance, de baisser les impôts de production dont une partie des recettes revient aux collectivités. « Comme souvent, l’Etat n’est pas au rendez-vous de toutes les compensations » pointe Jean-François Husson, « donc on dépose des amendements pour essayer de garantir et de verrouiller les compensations, pour que l’Etat tienne sa parole. Quand on baisse les impôts de production, il faut le faire de manière équitable, juste et sans amputer les recettes des collectivités ».

Toujours au chapitre collectivités, les sénateurs vont carrément supprimer l’article 22 bis. C’est lui qui porte ce que les départements avaient appelé « l’amendement scélérat »… Pas moins d’un milliard d’euros sont en jeu.

Explications : en application de la réforme de la fiscalité locale, le gouvernement avait prévu le versement d’une part de la TVA aux départements et aux intercommunalités. Or un fort rebond de la TVA est anticipé pour 2021, après la crise de cette année. Une hausse de 10% exactement, plutôt que de 2,8%, comme c’est le cas en moyenne pour les recettes de TVA. Ce qui devrait ainsi rapporter un milliard d’euros de plus aux collectivités, soit une hausse de 15,25 à 16,3 milliards d’euros, bien plus qu’envisagé. La TVA est un impôt dynamique et le gouvernement comptait justement s’appuyer sur cette évolution. Sans imaginer, avant la crise sanitaire, une telle hausse. Bercy y voit un effet d’aubaine, qu’il entend neutraliser. Refus des sénateurs, qui supprimeront donc la correction que le gouvernement veut appliquer.

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