Enfants influenceurs : « Il y a un vide juridique, c’est la raison de cette loi »
Le sénateur LR, Jean-Raymond Hugonet a présenté ce mercredi, devant la commission de la culture, la proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants de moins de 16 ans. Pour le moment, rien ne contraint juridiquement les parents de ces enfants influenceurs. Ils vont être soumis au même régime que les enfants travaillant dans le monde du spectacle. 

Enfants influenceurs : « Il y a un vide juridique, c’est la raison de cette loi »

Le sénateur LR, Jean-Raymond Hugonet a présenté ce mercredi, devant la commission de la culture, la proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants de moins de 16 ans. Pour le moment, rien ne contraint juridiquement les parents de ces enfants influenceurs. Ils vont être soumis au même régime que les enfants travaillant dans le monde du spectacle. 
Public Sénat

Par Cécile Sixou

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

« On vous propose aujourd’hui de faire éclore des œufs ». Dans leur dernière vidéo, Swan et Neo, deux frères de 9 et 15 ans tentent une expérience : donner naissance à des poussins. Relever des défis, filmer leurs voyages en familles, découvrir de nouveaux jouets, c’est devenu le quotidien de ces deux enfants. Avec leurs parents, ils ont créé en 2015 leur chaîne YouTube « Swan the voice » et ça marche. Ils ont aujourd’hui 4,9 millions d’abonnés et sont vus chaque semaine par des milliers de personnes.

Des chaînes comme celle-ci, il en existe d’autres en France comme « mademoiselle Sabina », « Demo jouets » ou encore « Ellie’s magic ». Et à l’instar de Swan et Neo, de plus en plus de mineurs de moins de 16 ans sont mis en scène par leurs parents sur YouTube, Instagram, TikTok  ou autre réseaux sociaux et sont devenus ce que l’on appelle des influenceurs. Une activité parfois très lucrative mais aussi peu encadrée. « Il y a un vide juridique », explique le sénateur LR Jean-Raymond Hugonet qui a présenté ce matin en commission de la Culture au Sénat  son rapport sur une proposition de loi, déjà votée à l’Assemblée Nationale, pour encadrer cette pratique.

« Des enfants exploités ou spoliés par leurs parents »

Quand il a commencé à travailler sur le sujet le sénateur LR ne s’imaginait pas l’ampleur du phénomène. « Je connaissais Jordy ou Vanessa Paradis, mais pas les vidéos Youtube ». En s’y plongeant il découvre un monde « juste énorme », et réalise que rien ne contraint les parents qui exposent leurs enfants dans ces vidéos. « L’un des dangers, c’est de voir des enfants exploités ou spoliés par leurs parents ». Pour créer ces vidéos, les parents ne respectent pas le droit du travail selon lui, car « elles ne se font pas en deux minutes, les enfants font ça le mercredi après-midi, le samedi ou le dimanche, et encore, s’ils sont scolarisés, ça ne leur laisse pas beaucoup de temps pour faire autre chose ».

L’autre enjeu ce sont des revenus engendrés, parfois très conséquents qui ne reviennent pas forcément aux enfants. « Il y a des parents qui ont carrément arrêté leur activité professionnelle pour ça, ils touchent des sommes considérables ».

Enfin, pour Jean-Raymond Hugonet il s’agit aussi de protéger les enfants. Certains parents vont trop loin pour le sénateur, comme dans « le cheese challenge », où des parents envoient une tranche de fromage sur le visage de leur bébé et filment leur réaction pour faire le buzz. Il y a également un risque psychologique pour les enfants très exposés car « ces vidéos peuvent susciter des commentaires haineux ».

Rémunération déposée à la Caisse des dépôts et consignation

Combler le vide juridique c’est « la raison d’être de cette loi », estime Jean-Raymond Hugonet. La proposition de loi cible principalement les « pro », ceux qui font de la pub et du placement de produits. Ces cas-là seront soumis au régime des enfants du spectacle. Leur rythme de travail sera contrôlé, pas plus de trois heures pour des enfants de 3 ans et de 7h pour des enfants de 16 ans par exemple, avec des pauses et un repos quotidien de 12h, et ce, à condition que cela n’empiète pas sur leur scolarité.

Comme les enfants artistes, ces enfants ne pourront pas réaliser d’exercices périlleux ou pouvant avoir des conséquences sur leur vie, leur santé et leur moralité. Les parents devront demander une autorisation de travail pour leur enfant et déclarer leur activité. Dans le cas contraire ils s’exposent à 75 000 euros d’amendes.

Enfin, ils devront déposer 90% des revenus de leurs enfants à la Caisse des dépôts et consignation, aujourd’hui, ils n’ont aucune obligation.

Cette dernière mesure concernera aussi les cas des parents situés en « zone grise ».  « Ce sont des parents ou des proches qui filment un enfant et qui font le buzz avec leur vidéo. À la base, la personne n’avait pas l’intention de faire de l’argent, et la popularité de la vidéo fait que ça devient une activité rémunérée », explique le sénateur de l’Essonne. Dans ce cas-là aussi les parents seront obligés de déposer une partie de l’argent à la Caisse des dépôts et consignations.

Le rapport sur la proposition de loi a été voté ce matin à l’unanimité en commission, le texte arrivera en séance publique le 25 juin, et repartira à l’Assemblée pour une seconde navette.

Partager cet article

Dans la même thématique

Capture
5min

Politique

Accord du Mercosur : aubaine ou menace ?

Le 18 décembre, lors du Conseil européen à Bruxelles, les 27 devraient donner leur feu vert à l’accord commercial avec les pays du Mercosur. Prise en étau entre les droits de douanes américains et la Chine, l’Union européenne cherche de nouveaux débouchés pour son industrie et son agriculture. Mais certains pays, comme la France, craignent un dumping sur les prix et les normes environnementales. Alors l’accord avec le Mercosur est-il un bon deal pour l’UE ? « Ici l’Europe » ouvre le débat, avec les eurodéputés Saskia Bricmont (Les Verts/ALE, Belgique) et Charles Goerens (Renew, Luxembourg).

Le

Enfants influenceurs : « Il y a un vide juridique, c’est la raison de cette loi »
4min

Politique

« Il faut qu’autour des écoles, on n’ait pas de MacDo et de kebabs », déclare la sénatrice des Bouches-du-Rhône Brigitte Devésa

Le surpoids semble être la nouvelle épidémie du XXIè siècle. En France, près de la moitié de la population est concernée, constituant un véritable enjeu de santé publique. De quoi alerter le législateur qui entend renforcer les mesures de prévention et d’accompagnement sur le sujet. Axel De Tarlé reçoit la sénatrice Brigitte Devésa et le nutritionniste créateur du nutri-score Serge Hercberg pour en débattre dans l’émission Et la santé ça va ?.

Le

Enfants influenceurs : « Il y a un vide juridique, c’est la raison de cette loi »
5min

Politique

Budget de l’agriculture : le Sénat adopte des crédits en baisse, la gauche dénonce les coupes dans la transition écologique

Dans la nuit de vendredi à samedi, le Sénat a adopté les crédits de la mission agriculture du budget 2026. En prenant en compte les crédits européens, les dépenses fiscales et sociales, l’enveloppe allouée à l’agriculture s’élève à 25 milliards. Toutefois les crédits sont en baisse par rapport au dernier exercice effectivement exécuté en 2024. A gauche, les sénateurs ont dénoncé les fortes coupes dans la transition écologique.

Le

Enfants influenceurs : « Il y a un vide juridique, c’est la raison de cette loi »
2min

Politique

Dermatose des bovins : « Nous ne laisserons aucun éleveur seul », promet Annie Genevard

Alors que le Sénat examine les crédits de la mission agriculture du budget 2026, la ministre, Annie Genevard a assuré que l’Etat serait aux côtés des éleveurs de bovins touchés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et a réaffirmé la politique d’abattage de toutes les bêtes des foyers affectés et d’une vaccination élargie.

Le