« La chasse, dans le fond, ce n’est pas dangereux » : le plaidoyer de Willy Schraen devant les sénateurs

« La chasse, dans le fond, ce n’est pas dangereux » : le plaidoyer de Willy Schraen devant les sénateurs

Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs, était auditionné mardi 1er février par la mission du Sénat de contrôle sur la sécurisation de la chasse, alors qu’une pétition ayant dépassé les 100 000 signatures réclame un encadrement beaucoup plus strict de la pratique.
Romain David

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Un vibrant plaidoyer pour la chasse. Ce fut en substance, et sans surprise, la tonalité générale de l’audition mardi soir, par les sénateurs, de Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs. Ce responsable était entendu par la mission conjointe de contrôle sur la sécurisation de la chasse qui a été mise en place après le dépôt, auprès de la Haute Assemblée, d’une pétition intitulée « Morts, violences et abus liés à la chasse : plus jamais ça ! », ayant recueilli plus de 122 000 signatures. L’audition de Willy Schraen, après celle de l’auteure de ce texte et de plusieurs fédérations de sport et nature, était particulièrement attendue. « Notre mission n’a pas pour vocation de rentrer dans le débat pour ou contre la chasse. Nous restons campés sur notre ligne, et uniquement celle-là : parler de la sécurisation de la pratique », a tenu à rappeler, en début d’audition, la rapporteure Maryse Carrère. Manière aussi de déminer un sujet particulièrement sensible au sein du Palais du Luxembourg, où les thématiques rurales sont souvent au cœur du travail des élus.

Public Sénat revient sur l’argumentaire déroulé par le représentant des chasseurs de France, et qui s’est articulé autour de deux principaux points : la critique médiatique qui s’organise, selon lui, à l’encontre de la chasse sur les réseaux sociaux, et l’existence d’une boîte à outils qu’il estime largement suffisante en termes de sécurité.

La chasse, une pratique injustement dénigrée ?

Dans son propos liminaire, Willy Schraen a commencé par déplorer l’image de dangerosité généralement associée à la pratique cinétique. « La chasse, dans le fond, ce n’est pas dangereux, même s’il y a des accidents, c’est beaucoup moins dangereux que d’autres pratiques. Peu de gens perdent la vie », estime celui qui est aussi conseiller municipal de Bayenghem-lès-Éperlecques dans le Pas-de-Calais. Concernant les accidents mortels, « la chasse est bien loin en termes de statistiques de certaines pratiques sportives ou de loisir. Une paire de skis peut être aussi une arme mortelle, comme l’actualité récente vient de nous le prouver », a-t-il déclaré. Une référence, à peine voilée, à la mort de l’acteur Gaspard Ulliel le 19 janvier, après une collision accidentelle à ski.

Chiffres à l’appui, il fait valoir la responsabilisation des chasseurs : « En vingt ans il y a eu une diminution de 65 % des accidents de chasse et de 82 % des accidents mortels », soutient Willy Schraen, qui dénonce du même coup une instrumentalisation de certains faits divers sur les réseaux sociaux. Dans sa ligne de mire : le collectif « un jour un chasseur », à l’origine de la pétition dont se sont saisis les sénateurs, et qui relaie sur le Net des comportements abusifs liés à la chasse. Willy Schraen dénonce ainsi « les contenus haineux et totalement mensongers à l’égard de la chasse » postés sur les différentes plateformes animées par le collectif.

Les règles de sécurité sont-elles suffisantes ?

Dans son plaidoyer, Willy Schraen a tenu à opérer un distinguo entre la chasse et le chasseur. S’il considère que la pratique, en tant que telle, n’est pas plus risquée que certaines disciplines sportives, il accuse le comportement de certains chasseurs qui s’émancipent des règles de sécurité. « Je ne dis pas qu’il n’y a pas quelques chasseurs qui se conduisent mal. » Ainsi, dans le cas de la mort début novembre d’un automobiliste, touché au cou par une balle perdue alors qu’il circulait entre Nantes et Rennes, il déclare : « Ce n’est pas la chasse le problème dans ce cas-là, c’est la personne qui a fait ces erreurs-là. » À propos de l’affaire Morgan Keane, jeune homme confondu par un chasseur avec un sanglier, et dont la mort en décembre 2020 a déclenché la formation du collectif « un jour un chasseur », Willy Schraen va plus loin : « Quand on accumule les fautes comme dans le cas de la mort de Monsieur Keane, ce n’est plus un accident. Autant de bêtises accumulées, c’est un meurtre ! »

» Lire notre article : Au Sénat, l’audition poignante du collectif à l’origine de la pétition contre les accidents de chasse

Mais en attribuant, pour l’essentiel, incidents et drames à un manquement aux règles de sécurité, le patron de la FNC considère aussi que le cadre en place, lorsqu’il est respecté, suffit à protéger chasseurs et usagers. « Les chiffres sont en baisse drastique. Ça n’arrête pas de baisser, nous nous battons sans cesse pour les faire diminuer. Nous avons les outils. Il reste un pourcentage faible d’accidents […], c’est toujours trop. Mais il y a 50 ans on était au-delà de 50 morts » par an, défend-il. Il salue notamment la mise en place d’un examen pratique dans la délivrance du permis de chasse. Il évoque le travail de sensibilisation opéré par la FNC, la règle de l’angle de tir des 30° ou encore le recours à une signalisation particulière à l’attention des promeneurs et des automobilistes.

Du moins, plaide-t-il pour une augmentation du nombre des salariés assermentés au sein des fédérations pour assumer un rôle de « police de la chasse ». Ce qui implique également une augmentation des moyens dont elles disposent. « Je suis sûr que certains accidents auraient pu être évités par plus de contrôle ou par la peur de l’agent », glisse-t-il.

« Complexifier la pratique de la chasse ou même l’interdire devraient entraîner chaque année la mort de plusieurs centaines de nos concitoyens non-chasseurs dans des collisions routières » avec les gros gibiers, avertit encore Willy Schraen. Il se risque même à évoquer un risque « de prédations sur l’espèce humaine » si les chasseurs ne peuvent plus participer à la régulation du nombre d’animaux sauvages.

Faut-il une interdiction hebdomadaire de la chasse ?

Un point a notamment été évoqué par les sénateurs : celui de l’instauration d’un jour hebdomadaire sans chasse. Cette mesure est défendue par la pétition qui a donné naissance à la mission de contrôle. Willy Schraen s’y montre fermement opposé. Il oppose le partage de l’espace public et, en ce qui concerne les domaines forestiers aux mains de particuliers, une atteinte au droit de propriété. « Je ne peux pas remettre en cause la notion de propriété privée, je trouve cela choquant », lâche-t-il. « Le nombre de jours de chasse est extrêmement faible, les chasseurs pratiquent en moyenne vingt fois par an », argue-t-il encore.

Le sénateur Daniel Salmon a tout de même tenté de faire plier le chasseur, évoquant la piste « d’une demi-journée sans chasse, le dimanche après-midi ». Réponse de l’intéressé : « On ne va pas rentrer dans le marchandage de tapis ! » Et d’ajouter : « Les temps changent, et la pratique de la chasse aussi. Il y a beaucoup de sociétés communales de chasse où la chasse ferme à 14 heures. »

Au terme de son audition, Willy Schraen a une nouvelle fois déploré le « harcèlement sécuritaire » qui s’exerce contre les chasseurs, via les réseaux. Surtout, le président de la FNC annonce dans les prochains jours un contre-feu : le dépôt de « trois premières pétitions » sur le site du Sénat, sans en dire davantage toutefois quant à leur contenu.

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