Le Sénat rejette de peu l’allongement de 12 à 14 semaines du délai d’IVG pendant l’état d’urgence
Les sénateurs ont rejeté à quelques voix près l’allongement de deux semaines du délai d’IVG, mesure limitée à l’état d’urgence plus trois mois. « Une demande des médecins » pour répondre aux « femmes en détresse » selon son auteure, la socialiste Laurence Rossignol. Le gouvernement s’y est opposé, ainsi que la majorité du groupe LR.

Le Sénat rejette de peu l’allongement de 12 à 14 semaines du délai d’IVG pendant l’état d’urgence

Les sénateurs ont rejeté à quelques voix près l’allongement de deux semaines du délai d’IVG, mesure limitée à l’état d’urgence plus trois mois. « Une demande des médecins » pour répondre aux « femmes en détresse » selon son auteure, la socialiste Laurence Rossignol. Le gouvernement s’y est opposé, ainsi que la majorité du groupe LR.
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A quelques voix près. Le Sénat a rejeté l’allongement de 12 à 14 semaines, uniquement durant la période de l’état d’urgence sanitaire, du délai légal pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (IVG). L’amendement de la sénatrice PS Laurent Rossignol, qui se bat sur ces sujets depuis longtemps, a été rejeté par 156 voix contre 143 et 37 abstentions. Un vote par scrutin public, qui permet de voter par délégation de vote pour les absents.

Le Sénat avait déjà rejeté cet amendement lors du vote sur l’état d’urgence. Mais il y a quasi-pile un an, le Sénat avait en revanche adopté à deux voix près un amendement similaire de Laurence Rossignol, avant de revenir dessus (lire notre article).

« Répondre à la détresse des femmes »

« C’est un amendement totalement circonscrit sur la période de la crise sanitaire, plus trois mois » après la fin de l’état d’urgence, a défendu la sénatrice PS de l’Oise. Laurence Rossignol précise que « c’est une demande des médecins. N’obligez pas les médecins à se mettre hors la loi pour répondre à la détresse des femmes ».

L’ancienne ministre des Familles et des Droits des femmes ajoute que les violences intrafamiliales pendant le confinement peuvent aussi conduire à des « viols, qui donneront des grossesses non désirées ».

Opposition du gouvernement

Preuve que le sujet divise la majorité sénatoriale, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’amendement, « moyennant ces conditions », a expliqué le rapporteur LR, René-Paul Savary… qui s’est pourtant abstenu. Mais le président de la commission, le sénateur LR Alain Milon, ouvert sur ces sujets sociétaux, a voté pour (voir ici le détail du vote par sénateur).

Si l’avis de la commission était favorable, le gouvernement s’est opposé à l’amendement, par la voix de Marc Fesneau. Le ministre chargé des Relations avec le Parlement a fait valoir que pendant la crise, le gouvernement avait déjà notamment allongé le délai de l’IVG médicamenteuse à domicile de sept à neuf semaines. Mais avec le déconfinement, il souligne que « sont remises en route les activités hospitalières ». Marc Fesneau estime par ailleurs que le sujet mérite « un débat plus global ».

« On parle d’enfants qui ne sont pas encore conçus »

La sénatrice LR Muriel Jourda est venue lui prêter main-forte. « Si nous mettons ce délai en place, nous savons pertinemment que nous ne pourrons jamais revenir en arrière » craint-elle. « Ce n’est pas une décision anodine » ajoute Muriel Jourda, « on parle d’enfants qui ne sont pas encore conçus ».

« N’agitons pas des peurs qui n’ont pas lieu d’être » a répondu la sénatrice PS, dont l’amendement, signé par l’ensemble du groupe PS, « s’éteindra tout seul trois mois après la fin de l’état d’urgence ». Après le rejet par le Sénat, Laurence Rossignol a dénoncé ce vote sur Twitter. « Le gouvernement, appuyé par l’aile la plus conservatrice du Sénat, a encore obtenu le rejet de l’amendement » a-t-elle regretté.

« Malaise » et « deux poids deux mesures »

La sénatrice PCF Laurence Cohen a exprimé son « malaise » et a dénoncé un « deux poids deux mesures » entre un état d’urgence sanitaire qui serait « bien bordé », comme « Stop Covid », « mais quand on parle de la détresse des femmes, (…) on vous dit qu’on fait rentrer par la fenêtre ce qu’on ne veut pas ».

A droite, la sénatrice Laure Darcos a soutenu cet allongement des délais. « Je pense que vous n’avez pas assez conscience de la détresse qu’on a reçu en témoignage » dit la sénatrice LR de l’Essonne. « Je ne serai jamais pour 14 semaines. Là, c’est à titre exceptionnel » précise-t-elle, se disant cependant « pas sûre de (son) vote ». Elle a finalement voté contre, selon les résultats du scrutin.

Pour le centriste Joël Guerriau, « il faut donner ce délai supplémentaire » pour « les femmes en détresse ». Même soutien de la sénatrice du groupe RDSE, Françoise Laborde, « pour la quatorzième semaine un certain nombre de temps », car « il n’y a pas que celle qui n’a pas fait attention », il y a aussi « les viols, les incestes, un certain nombre d’horreurs ».

« Détresse des femmes mais aussi de cet enfant en devenir »

« Profondément favorable à l’IVG » et « sensible à la détresse des grossesses non voulues », la sénatrice LR Sophie Primas s’est cependant opposée à l’allongement. « Pour moi, 14 semaines, ça commence à m’interroger profondément. Sur la détresse des femmes mais aussi de cet enfant en devenir » lance la sénatrice des Yvelines. Elle ajoute : « On parle d’un être de 12 semaines ou de 14 semaines. 12 semaines, c’est un tiers de la vie d’un embryon ». Comme l’a résumé la communiste Laurence Cohen, « quand on aborde le sujet de l’IVG, du corps des femmes en fait, c’est toujours un sujet difficile à aborder dans l’hémicycle ».

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