Les sénateurs LR veulent « encadrer le passe vaccinal »

Les sénateurs LR veulent « encadrer le passe vaccinal »

Les sénateurs LR sont partagés sur le passe vaccinal, comme leurs collègues députés. Certains s’opposent à cette « privation de liberté fondamentale ». Une majorité devrait cependant se dessiner. « Sur le passe vaccinal, nous avons une approche très constructive », annonce le président du groupe, Bruno Retailleau. Le contrôle d’identité sera cependant « mieux cadré ». Les sénateurs LR réfléchissent aussi à « un mécanisme de péremption du passe vaccinal ».
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Les oppositions ont réussi leur coup. Grâce à un manque de mobilisation des députés LREM, les députés, notamment LR, ont réussi à stopper dans la nuit de lundi à mardi l’examen du projet de loi qui porte le passe vaccinal. Une péripétie de la vie parlementaire, au fond assez classique, qui vient électriser un peu plus un débat déjà sensible. Conséquence, l’examen au Sénat est décalé de 24 heures.

« Commedia dell’arte »

Ce mardi, lors des questions d’actualité au gouvernement, le premier ministre Jean Castex a dénoncé le « coup politique » et les « facéties » de l’opposition, dénonçant une attitude « purement irresponsable ». Il souligne au passage que « 32 députés (LR) ont voté contre » le passe vaccinal. Jean Castex pointe ici la division des députés LR sur le sujet. Gênant, alors que leur candidate à la présidentielle, Valérie Pécresse, soutient le passe vaccinal dans son principe.

« Ça fait partie de la commedia dell’arte de l’Assemblée. Ce qui est très gênant, c’est de mettre ça sur le dos de l’opposition. C’est très facile », pointe Olivier Paccaud, sénateur LR de l’Oise. « C’est la faillite de LREM. Ils étaient à la buvette, au lit, ou pas là », raille Valérie Boyer. La sénatrice LR des Bouches-du-Rhône ajoute : « Ils sont 400, et ils ne sont pas foutus d’avoir une majorité, à 100 jours de la présidentielle. Faut arrêter ». Chacun se renvoie la balle. Manière de jeter un voile sur ses difficultés du moment.

« Le débat a été animé et très long »

Au Sénat, il n’est pas dit que le groupe LR soit totalement uni. Le passe vaccinal divise aussi. Mais peut-être moins qu’à l’Assemblée. Ce mardi matin, la réunion de groupe hebdomadaire a été l’occasion pour les sénateurs de se souhaiter la nouvelle année. Mais aussi de sonder les troupes. « Le débat a été animé et très long », confie une sénatrice LR présente, qui parle d’une « petite fronde alsacienne et d’autres ». « Il y a un gros débat entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Et moi je réfléchis… » lâche Alain Joyandet, sénateur LR de la Haute-Saône. On sait notamment que Laurence Muller-Bronn, sénatrice du Bas-Rhin (apparentée LR) s’oppose au passe vaccinal, tout comme Alain Houpert, sénateur LR de la Côte d’Or. Mais la question travaille d’autres membres du groupe.

Laurent Duplomb fait partie de ceux-là. « Le passe sanitaire, j’en pense le plus grand mal », lance-t-il en arrivant, un brin bravache. « Je ne le voterai pas. Comment on peut se dire aujourd’hui que des gens présentant au restaurant un test négatif, donc qui ne sont pas contaminés, ne pourraient pas rentrer. Et qu’on laisserait rentrer un vacciné qui peut être contagieux… Je ne vote pas ça », explique le sénateur LR de la Haute-Loire. Laurent Duplomb continue :

C’est un cran supplémentaire sur la privation de liberté fondamentale, qui avance petit à petit. Ce n’est pas acceptable.

Tant pis si ses critiques ne collent pas avec la ligne de la candidate. Laurent Duplomb assume. « Je vais voter contre en mon âme et conscience », dit-il, avant d’ajouter dans un sourire : « Moi, ça ne me gêne pas… même si ça la gêne ».

« Grand problème sur le plan des libertés et d’égalité devant la loi »

Jérôme Basher exprime aussi de sérieuses interrogations. « Je ne suis pas le plus grand supporter de ce texte. J’ai un doute sur le passe vaccinal. Je rejoins la position socialiste. Soit on oblige les gens à se vacciner, même si ça me semble un peu tard. Mais je ne vois pas l’intérêt du passe vaccinal. Ça fait deux catégories de Français », dénonce le sénateur LR de l’Oise. Il souligne qu’« avec le passe sanitaire, au moins, il y avait une solution de repli en se faisant tester. Là il n’y en a pas. C’est un grand problème sur le plan des libertés et d’égalité devant la loi pour les Français ».

Pour Laure Darcos également, sénatrice LR de l’Essonne, « le passe vaccinal n’est pas forcément la réponse adéquate ». Mais à la sortie de la réunion, elle semble plus convaincue. « J’ai évolué. Ce sera un pas de plus, au fond, pour obliger certains à se faire vacciner. Mais on est sur un seuil de récalcitrants qui sont des irréductibles », constate-t-elle. Bien qu’à la base « favorable au passe vaccinal », Philippe Dominati, sénateur (apparenté LR), se dit lui « presque enclin à faire un vote politique, plutôt que de raison, sur les insuffisances du gouvernement ».

Bruno Retailleau défend « une approche très constructive » sur le passe vaccinal

La ligne officielle n’est pourtant pas au rejet du passe. Ce matin, en inaugurant son QG de campagne, à Paris, Valérie Pécresse l’a rappelé : « Nous ne nous opposerons pas » au texte, ni à l’Assemblée nationale, ni au Sénat. Ce que nous confirme Bruno Retailleau, à la tête des sénateurs LR. « Le groupe, dans sa très grande majorité, avait voté le passe sanitaire. Sur le passe vaccinal, nous avons aussi cette approche très constructive. Car malheureusement, aujourd’hui, ce sont ceux qui ne sont pas vaccinés qui sont souvent admis en réanimation. Il y a des gens qui ont des maladies de longue durée, très graves, et des opérations qui sont déprogrammés », avance Bruno Retailleau à publicsenat.fr, qui entend « tenir une ligne de responsabilité ». Regardez (images de Sandra Cerqueira) :

Retailleau : "Sur le passe vaccinal, nous avons aussi cette approche très constructive"
00:57

Comme lors des précédents textes, la majorité sénatoriale va cependant amender la mesure. « On ne veut pas donner de carte blanche au gouvernement sur un certain nombre de sujets, il n’en est pas question. Par exemple, les amendes aux entreprises, c’est non. Sur le sujet du contrôle d’identité, on veut essayer de mieux cadrer, et faire en sorte que si la situation s’améliore, qu’il y ait un mécanisme de caducité, de péremption du passe vaccinal » annonce le président du groupe LR. Autrement dit, « on veut encadrer le passe vaccinal », résume Bruno Retailleau. Pour les détails, il faudra attendre les amendements du rapporteur, Philippe Bas, et le texte de la commission des lois, qui devrait se réunir jeudi.

Passe vaccinal appliqué en fonction de la saturation des hôpitaux ?

Reste plusieurs points à arbitrer, comme la durée d’existence du passe vaccinal. C’est la « péremption », dont parle Bruno Retailleau. Faut-il limiter sa durée à la vague actuelle du variant Omicron ? René-Paul Savary, sénateur LR de la Marne, a son idée sur le sujet. « Il faut effectivement prévoir la sortie de ce type de dispositif. Mais pas ne tenant pas seulement compte de l’épidémie, mais également du retard engendré pour ceux qui ont été déprogrammés. Il faut un critère tenant compte de la déprogrammation dans les hôpitaux. Quand on voit que des opérations de chirurgie cardiaque sur des enfants sont déprogrammées, ça interpelle », alerte ce médecin de profession.

René-Paul Savary évoque ainsi autant des « critères en fonction de la déprogrammation et de la congestion des réanimations, mais aussi le niveau d’hospitalisation, car ce sont les services hospitaliers qui sont surchargés ». Moins virulent, le variant Omicron envoie en effet proportionnellement moins de personnes en réanimation, d’après les premières études.

Vérification de l’identité avec la carte vitale ?

Autre point à définir précisément : la question du contrôle de l’identité du détenteur du passe vaccinal, un point « litigieux », d’après un membre du groupe. « En France, seuls les officiers de police judiciaire peuvent effectuer des contrôles d’identité. […] Il faudra que le gouvernement argumente beaucoup s’il veut me convaincre », affirmait le 28 décembre à publicsenat.fr Philippe Bas.

D’après des participants à la réunion, le rapporteur semble aujourd’hui un peu plus enclin à une forme de vérification. « Il veut assouplir, qu’on ne soit pas obligé de présenter automatiquement une pièce d’identité, qu’on puisse présenter à la place la carte vitale avec une photo », confie une sénatrice. S’il manquera des voix lors du vote, il devrait y avoir une majorité au Sénat pour voter le passe vaccinal, une fois un peu plus encadré par la commission.

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