Anticor, la petite association qui bouscule la justice financière
Depuis plusieurs années, Anticor scrute les déraillements de l'éthique en politique et combat "l'inertie judiciaire": avec ses plaintes à fort...

Anticor, la petite association qui bouscule la justice financière

Depuis plusieurs années, Anticor scrute les déraillements de l'éthique en politique et combat "l'inertie judiciaire": avec ses plaintes à fort...
Public Sénat

Par Nathalie ALONSO

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Depuis plusieurs années, Anticor scrute les déraillements de l'éthique en politique et combat "l'inertie judiciaire": avec ses plaintes à fort retentissement, l'association anticorruption est devenue un acteur, parfois contesté, de la justice financière.

La semaine dernière, l'association a engrangé une double victoire: faire condamner le patron de Radio France Mathieu Gallet pour favoritisme et obtenir la relance de l'affaire Richard Ferrand. A chaque fois, Anticor avait lancé des plaintes pour réclamer des investigations.

Le président de l'association Anticor Jean-Christophe Picard parle lors de la fête de la rose du Parti socialiste le 27 août 2017 à Frangy-en-Bresse
Le président de l'association Anticor Jean-Christophe Picard parle lors de la fête de la rose du Parti socialiste le 27 août 2017 à Frangy-en-Bresse
AFP/Archives

"Anticor laisse le temps aux autorités de réagir mais quand il y a des carences et que rien ne se passe, on dépose plainte", résume Jean-Christophe Picard, président et co-fondateur d'Anticor.

Les dernières années ont vu croître le rôle des associations anticorruption telles qu'Anticor, Transparency international et Sherpa dans des dossiers sensibles où elles font figures d'aiguillons de la justice financière.

Toutes les trois ont un agrément du ministère de la Justice qui les autorise à se porter partie civile dans des enquêtes d'atteintes à la probité, recouvrant corruption, trafic d'influence ou prise illégale d'intérêts.

L'avocat d'Anticor Jerome Karsenti à Paris le 7 mars 2011
L'avocat d'Anticor Jerome Karsenti à Paris le 7 mars 2011
AFP/Archives

Elles ont en main une arme redoutée, la plainte avec constitution de partie civile, qui permet sous certaines conditions de contourner le parquet en obtenant la désignation d'un juge indépendant, comme dans l'affaire Ferrand, où le procureur de Brest avait classé le dossier sans suite. De quoi leur conférer le statut de quasi "contre-pouvoir", selon l'avocat historique d'Anticor Jérôme Karsenti, mais aussi de s'attirer les critiques.

"Anticor agit comme un +parquet bis+ à la française (...) Ils ne dépendent en rien de l'autorité publique et s’érigent en autorité semi-judiciaire", a ainsi décrié l'avocat Daniel Soulez Larivière dans la revue juridique Dalloz Actualité.

"Ce n'est pas une vigie absolue" mais "elle fait partie du débat démocratique et procède avec recul", tempère Olivier Baratelli, avocat de sociétés du CAC 40 et adversaire d'Anticor dans plusieurs dossiers.

- 'Tendre avec personne' -

Fondée en 2002, l'association regroupe au départ des élus, surtout à gauche, qui attribuent au discrédit de la classe politique la montée en puissance de l'extrême droite. Parmi ses cofondateurs, une ex-élue PS, Séverine Tessier, et l'ancien juge anticorruption Eric Halphen.

"De scandales en scandales", le réseau de réflexion s'est aussi mué en acteur du combat judiciaire sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

En 2009, une première plainte lance l'affaire François Pérol, ex-conseiller de l'Elysée accusé de conflits d'intérêts pour être parti à la tête du groupe bancaire BPCE. Mais ce premier fait d'armes retentissant se conclura par une relaxe.

A l'époque, l'association emboîte le pas à Transparency international, dont l'intérêt à agir est reconnu en 2010 dans les enquêtes dites des "Biens mal acquis" sur le patrimoine de chefs d'Etat africains en France.

"Mais pendant des années, on a beaucoup bataillé contre le parquet", se souvient Jérôme Karsenti. L'affaire des sondages de l'Elysée sous le mandat de Nicolas Sarkozy n'avait ainsi pu démarrer qu'au terme d'un bras-de-fer procédural.

Avec un budget limité de 100.000 euros par an, la modeste association aux 2.000 adhérents cible ses combats: "il s'agit de dossiers +exemplaires+ qui permettent de décliner un propos éthique. Il faut aussi qu'ils révèlent des dysfonctionnements judiciaires ou qu'ils soient tellement conséquents qu'ils requièrent une force d'appoint", explique l'avocat.

En 2011, elle avait porté seule la contradiction au procès historique de Jacques Chirac et des emplois fictifs de la mairie de la Paris, avant que sa plainte ne soit déclarée irrecevable. Elle intervient aujourd'hui dans le "Kazakhgate" et l'enquête sur les cagnottes de sénateurs UMP. Mais pourrait être écartée de l'affaire Bygmalion par une décision judiciaire attendue dans quelques jours.

Ses adversaires l'ont parfois soupçonnée de mener un combat partisan, surtout contre la droite.

Dans les sondages de l'Elysée, elle avait été accusée indirectement d'avoir profité d'une supposée influence de l'ex-ministre de la Justice Christiane Taubira parce que cette dernière avait appartenu au comité de parrainage d'Anticor. Un rôle honorifique, s'était défendue l'association.

"On n'est tendre avec personne", affirme Jean-Christophe Picard. "Le procès de l'ex-député corse divers gauche Paul Giacobbi est celui qui nous a coûté le plus cher".

Partager cet article

Dans la même thématique

Paris: sFin rencontre Olivier Faure du PS et Sebastien Lecornu Premier ministre demissionnaire
8min

Politique

Budget : après une rencontre avec Sébastien Lecornu, l’optimisme modéré des socialistes, sur fond de débat autour du 49.3

« Nous pouvons dire que nous progressons, que nous sommes dans une approche qui peut permettre d’aboutir à un compromis », a salué le premier secrétaire, Olivier Faure, après une nouvelle rencontre avec le premier ministre. Une « discussion cash », qui n’a pas encore permis de lever toutes les interrogations. Alors que le bloc central est divisé, certains au PS, comme le sénateur Rachid Temal, défendent le recours à « un 49.3 de compromis ». Mais Sébastien Lecornu écarte toujours cette possibilité.

Le

Anticor, la petite association qui bouscule la justice financière
4min

Politique

Budget de la défense : Sébastien Lecornu s’explique sur les débats 50-1 au Parlement

Le Premier ministre et la ministre des Armées ont rassemblé cet après-midi les parlementaires des commissions chargées des sujets de défense, dans une réunion à huis clos. Au menu des discussions : la hausse des crédits budgétaires militaires et l’organisation d’un débat sur ce thème à l’Assemblée nationale, et au Sénat.

Le

Rassemblement National meeting in Bordeaux
5min

Politique

Municipales 2026 : la nouvelle stratégie du Rassemblement national pour gagner des parrainages

À quatre mois des municipales, le Rassemblement national (RN) a donné, lundi 1ᵉʳ décembre, le coup d’envoi de sa campagne pour les élections municipales de 2026. Le parti d’extrême droite entend faire de ce scrutin un moment charnière de son implantation locale, longtemps considérée comme son principal point faible. En 2020, il n’avait conquis que dix municipalités, dont une seule de plus de 100 000 habitants.

Le