Ascoval : l’État et Vallourec « tous copains » pour Xavier Bertrand

Ascoval : l’État et Vallourec « tous copains » pour Xavier Bertrand

« Ils sont tous copains, ils se connaissent tous ». Les mots de Xavier Bertrand accusent. Pourquoi l’usine Ascoval peine-t-elle à trouver un repreneur ? Quel rôle ont joué l’État et Vallourec, le groupe propriétaire historique de l’aciérie ? Dans le documentaire d’Éric Guéret « Ascoval, la bataille de l’acier », le président de la région Hauts-de-France ne mâche pas ses mots et pointe du doigt la « duplicité » des acteurs de Bercy.
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Par Marie Oestreich

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Le documentaire d’Éric Guéret « Ascoval, la bataille de l’acier », raconte, entre les murs de l’aciérie, la longue bataille de ses salariés pour sauver le site, et trouver un repreneur. Le récit d’une volonté à toute épreuve de la part de salariés qui enchaînent les efforts pour faire croître la compétitivité de leur usine. Et ils relèvent le défi : Altifort, jeune groupe industriel franco-belge propose sa candidature, sous conditions, à une potentielle reprise. Problème : Altifort et Ascoval ont besoin du soutien de Vallourec, actionnaire à 40 % de l’aciérie, pour opérer une transition et concrétiser une reprise.

Désillusion

Bruno Lemaire : « Nous allons négocier pied à pied avec Vallourec, nous en sommes actionnaires à hauteur de 16 %, cela nous donne voix au chapitre. »

21 octobre 2018 : Devant les caméras, le ministre de l’économie Bruno Lemaire affirme sa volonté de travailler à la reprise d’Ascoval, et de convaincre Vallourec : « Nous allons négocier pied à pied avec Vallourec, nous en sommes actionnaires à hauteur de 16 %, cela nous donne voix au chapitre. » Le lendemain : 22 octobre 2018, la réponse négative de Vallourec (par communiqué de presse) est claire : « les demandes d’Altifort contraindraient Vallourec à acheter à cette société son acier à des prix de plus de 30 % supérieurs à ses autres sources d’approvisionnement, mettant en péril (ses) activités françaises et européennes ». Un « non » catégorique de Vallourec demeuré principal client d’Ascoval et un coup de massue pour les salariés. Trois jours après la déclaration de Vallourec, le conseiller en industrie de Bruno Lemaire fait le déplacement à l’aciérie et annonce, selon le témoignage du porte-parole de l’intersyndicale dans le documentaire, que « le dossier n’est pas viable et le carnet de commandes ne tient pas la route. ». Il ajoute : « en gros, ils sont venus nous démonter le projet. » La seule solution serait donc la fermeture. Si face à la presse Bruno Lemaire « ne cachait pas la difficulté de cette reprise », la nouvelle a « abattu, déboussolé et désarçonné » les salariés d’après les mots du président de l’intersyndicale, alors que le ministre parlait de cinq semaines de négociations.

Ascoval : « Les salariés désarçonnés, déboussolés » par l'abandon de Vallourec
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Les copains d’abord ?

Dans son témoignage, Xavier Bertrand, engagé auprès des salariés d’Ascoval depuis le début pour éviter une nouvelle catastrophe industrielle dans sa région, ne mâche pas ses mots. Sur la divergence entre les mots de Bruno Le Maire et les déclarations portées par son conseiller en industrie trois jours après, l’ancien ministre du travail est clair, pour lui il s'agit d': « une volonté délibérée de saper, de flinguer le projet, de dissuader le repreneur » de la part de Vallourec, avec le soutien de l’État qui lui aurait prêté main-forte par duplicité. Il dénonce les « très bonnes connexions et la proximité, voire des amitiés » au cœur de l’État entre Vallourec et des politiques qui « tirent complètement les ficelles » d’une chute d’Ascoval. En cause, les liens « d’école », entre Vallourec, son entourage, et l’État : « Un jour on est au cœur de l’État puis le lendemain on se retrouve à la tête d’une grande entreprise ». Référence ici aux 5 ans de carrière de Philippe Crouzet, président de Vallourec, au Conseil d’État. On apprend aussi que sa femme, issue de la célèbre « promo Voltaire » de l’ENA, dont sont issus entre autres Ségolène Royal et François Hollande, n’est autre que l’ex-directrice de cabinet de François Hollande, et a donc arpenté les mêmes couloirs qu’Emmanuel Macron à l'époque. Une « hyperproximité » ici dénoncée entre l’administration de l’État, le monde politique, et les entreprises privées. Et d’ajouter : « Vous savez, j’ai été ministre pendant 7 ans. Je ne suis pas un saint mais je crois n’avoir jamais pratiqué comme ça. »

Xavier Bertrand : « Un jour on est au cœur de l’État, puis le lendemain on se retrouve à la tête d’une grande entreprise »

Contre toute logique, le film relate par ailleurs que le commissaire interministériel à la réindustrialisation, le « Monsieur industrie » chargé d’aider les entreprises en difficulté, a téléphoné à Bart Gruyaert, président d'Altifort le 8 octobre 2018, pour le convaincre de retirer son offre. « Un scandale d’État qui en dit long », aux yeux de Xavier Bertrand.

Ascoval : Xavier Bertrand dénonce un « scandale d'État »
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Retrouvez le documentaire « Ascoval, la bataille de l’acier » suivi d’un débat, le samedi 16 mars à 21h et le dimanche 17 mars à 10h.

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