Congrès de la FNSEA : l’agriculture s’invite dans le débat politique

Congrès de la FNSEA : l’agriculture s’invite dans le débat politique

Ce matin, sept des onze candidats à la présidentielle ont exposé leur programme en matière d’agriculture devant le congrès de la FNSEA, à Brest. Tous s’accordent pour dire que la situation des agriculteurs français n’est plus tenable, mais les opinions divergent quant au rôle que doit tenir l’Union européenne pour relancer l’agriculture en France.
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Par Alice Bardo

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« L’Europe est une chance pour l’agriculture française et l’agriculture française est une chance pour l’Europe », estime Christiane Lambert, présidente par intérim de la FNSEA depuis la mort de Xavier Beulin, le 19 février dernier. A ses côtés, Michel Prugue, président de la Coop, Jéremy Decerle des Jeunes agriculteurs et Claude Cochonneau, à la tête des  Chambres d’agricultures (APCA).  Tour à tour, ils vont interroger les aspirants à la plus haute fonction de l’Etat sur leurs propositions pour l’agriculture française.

François Asselineau veut s’affranchir des règles imposées par l’Union européenne

Asselineau face à la FNSEA
01:52

« Je suis le candidat du Frexit », prévient le président de l’Union populaire républicaine (UPR) avant de fustiger la Politique agricole commune (PAC). Il regrette que « la PAC accroi(sse) la productivité de l’agriculture », tout autant qu’il déplore le « rachat par des fonds d’investissement américains et asiatiques de fleurons de l’agriculture française ». Après la sortie de la France de l’Union européenne qu’il appelle de ses vœux, le candidat entend mettre en place une « politique nationale agricole », avec entre autres comme objectif « l’autosuffisance alimentaire ». « Rétablir la viabilité de l’agriculture familiale » compte également parmi ses principales mesures.

Emmanuel Macron prévoit un « plan Marshall »

Macron face à la FNSEA
00:45

Après un court hommage au président défunt de la FNSEA et un trait d’humour sur les élections à venir - « Vos élections à vous vont être plus simples » a-t-il lancé à Christiane Lambert - ,  le leader d’ « En Marche » veut briser le préjugé selon lequel il serait le « candidat des villes ». Et, avant d’énumérer ses propositions en matière d’agriculture, il a tenu à mettre fin à une rumeur : « Il y aura bien un ministère de l’Agriculture, fort et à plein temps. » «

Emmanuel Macron plaide pour une agriculture « à la pointe de l’innovation et de la compétitivité » et compte « inscrir(e) sa politique dans une stratégie européenne ». Il s’engage ainsi à faire en sorte que « le droit de la concurrence européen reconnaisse la spécificité du secteur agricole » et à « mieux d’Europe ». Il entend par là œuvrer pour une « vraie harmonisation sociale européenne, une protection commerciale et pour la PAC. 

En matière d’innovation, il souhaite « accompagner la transformation agricole pour aider les agriculteurs face aux nouveaux défis »  au moyen d’un véritable « plan Marshall » pour l’investissement agricole, à hauteur de 5 milliards d’euros.

L’ancien ministre de l’Economie est également attaché à ce que « les agriculteurs puissent percevoir le juste prix de leur travail » en les faisant bénéficier de l’assurance chômage, mais aussi par une baisse du coût du travail en transformant le CICE en un « allègement de charges pérenne ». Il veut donner « plus de place à l’accord majoritaire » et créer des « contrats de filières ». Enfin, il ambitionne de « redonner une capacité productive aux agriculteurs en organisant un Grenelle de l’alimentation ».

Nicolas Dupont-Aignan et son « patriotisme de bon sens »

Dupont-Aignan face à la FNSEA
01:10

D’emblée, le candidat de Debout la France attaque l’Union européenne et « ses choix désastreux », qu’il estime être à l’origine d’une « concurrence déloyale » et d’un « excès de normes et de charges ».

Il prône un « patriotisme de bon sens » qui repose notamment une refondation de la PAC. « Il faut retrouver (son) esprit ou mettre en place une politique nationale agricole », assure le candidat. Il rappelle les trois volets fondateurs de la Politique agricole commune - « préférence communautaire, prix garantis, quotas de production » - et ajoute qu’il faut « refuser les traités de libre-échange scandaleux et ne plus appliquer la directive relative aux travailleur détachés ». Des mesures qui reviennent selon lui à « taper du poing sur la table à Bruxelles ». Il se dit prêt à une « politique de la chaise vide ».

« Tout n’est pas qu’Europe », poursuit-il avant d’énumérer un certain nombre de « mesures nationales », parmi lesquelles « assainir les dettes de nos exploitations, s’opposer à la vente de nos terres, supprimer les cotisations sociales agricoles pour les remplacer par une petite taxe sur la grande distribution, mettre fin à l’accumulation de normes absurdes et réserver 75% des marchés publics aux productions françaises ».

Nicolas Dupont-Aignan est également partisan de l’innovation et prévoit d’accorder « 10 millions d’euros par an pour aider nos exploitations à se moderniser ». Pour finir, il dit ne pas être opposé au principe de précaution sauf s’ « il bloque la recherche ».

Jean Lassalle veut rétablir une « relation quasi charnelle avec la terre »

Lasalle face à la FNSEA
01:23

L’ancien agriculteur a misé sur l’humour et la passion plus que sur de véritables propositions : « Il faut retrouver cette relation quasi charnelle avec la terre. » « Je veux que nous ne soyons plus obligés d’organiser ces étranges rendez-vous dans  « L’amour est dans le pré » pour qu’un agriculteur puisse trouver l’amour de sa vie », poursuit-il.

Pour lui, la priorité est de respecter ces agriculteurs qui « s’engagent jour et nuit sans reconnaissance ». Le candidat a tout de même précisé vouloir « réhabiliter la PAC ». « Je travaillerai par groupes de partenariat selon les spéculations, les productions, mais si je ne peux pas y arriver je mettrai un terme à la concurrence féroce qui s’est établie », explique t-il.

Un autre « grand projet » lui tient à cœur, « la transmission du savoir » : « Dans l’école de la République on apprendra à découvrir la vie avec au moins une visite mensuelle dans une exploitation agricole. »

Enfin, Jean Lassalle veut en finir avec la directive habitats car « on ne peut pas faire cohabiter l’Homme et les animaux en montagne ».

Marine Le Pen, pour un « patriotisme alimentaire »

Le Pen face à la FNSEA
02:52

La candidate du Front national tient l’Union européenne pour responsable de la situation des agriculteurs. Elle déplore l’ « offensive du dumping institutionnalisé par Bruxelles », la « concurrence déloyale »  et la « guerre des prix ». Plus encore, elle estime que « la PAC est une catastrophe ». « Il faut créer une politique agricole à l’échelle de notre pays c’est plus raisonnable », propose t-elle.

La « petite fille de marin-pêcheur plaide pour un « patriotisme alimentaire » qu’elle compte mettre en œuvre à l’aide de plusieurs mesures, à commencer par « franciser les aides agricoles ». « Chaque filière doit être libre, sous le contrôle de l’Etat, de choisir la manière dont elle veut être aidée », ajoute la candidate. Selon elle, l’Etat doit également « garantir l’équité des négociations entre producteurs, transformateurs et distributeurs afin qu’elle ne pénalise aucun de ces acteurs et qu’elle ne se fasse pas non plus au détriment des consommateurs ».  Elle siffle « la fin de la récréation du libre échange dérégulé, de la guerre des prix et le début des vraies négociations », avant d’adresser un « carton rouge pour les tricheurs ».

Marine Le Pen souhaite un « assouplissement des 35 heures à condition que le temps de travail par branche soit entièrement payé », un « retour à la défiscalisation des heures supplémentaires » et « une baisse des charges pour les TPE et PME ». Des mesures en matière d’économie qui bénéficieront selon elle aux agriculteurs. Elle prévoit aussi « un minimum retraite de 100 euros et une prime de pouvoir d’achat de 1000 euros pour ceux qui touchent moins de 1500 euros par mois ». Pour finir, elle appelle à la « suppression du compte pénibilité ». « C’est à la médecine du travail de s’en occuper », ajoute la candidate FN. 

« Je défends le modèle agricole français, c’est-à-dire le modèle d’exploitation familiale. » Pour preuve, elle veut supprimer les droits de succession « à condition de maintenir l’activité de l’exploitation ».

Jacques Cheminade, candidat de l’ « agriculture 3.0 »

Jacques Cheminade face à la FNSEA
00:54

« L’agriculture est espérance et élan vers le futur », commence le président de Solidarité et progrès, qui propose une « politique de restructuration des filières et d’innovation ». Le candidat à la présidentielle prévoit notamment de « favoriser la robotique » pour « limiter la pénibilité du travail » et « d’associer l’Inra aux semenciers dans la recherche de nouveaux systèmes à l’échelle moléculaire ». Il se dit favorable aux NBT (« New Breeding Techniques », aussi appelées « Nouvelles techniques de sélection végétale ») et à l’ « utilisation des drones pour les plans de fumure ». « Il faut que la France émette 100 milliards par an pour développer nos agricultures, nos industries et tous les secteurs des services associés », conclut-il à ce sujet.

Concernant les agriculteurs eux-mêmes, il veut restructurer leur dette, «  rétablir des prix planchers garantis », instaurer une TVA sociale ainsi qu’une « fiscalité améliorée ». Il est également « partisan du statut d’agriculteur professionnel ». En outre, Jacques Cheminade est très attaché aux Maisons familiales rurales, pour former les jeunes au métier d’agriculteur.

Sur les plans européen et international, le candidat de l’ « agriculture 3.0 » n’est pas opposé à la PAC mais veut qu’elle soit « protectrice ». Il est toutefois opposé « aux accords internationaux comme le Tafta » et veut lever les sanctions contre la Russie pour que les Russes « lèvent à leur tour leurs contre-sanctions et puissent acheter notre viande ».

François Fillon : « Les agriculteurs sont des entrepreneurs comme les autres »

Fillon face à la FNSEA
00:50

Le candidat LR considère les agriculteurs comme « des entrepreneurs » et entend ainsi leur attribuer « les mêmes droits » et leur « redonner leur liberté, celle d’entreprendre ». Il critique un « excès de règlementations, de défiance, de complexité et de charges » qui « étouffe » les entreprises agricoles. « Il faut arrêter d’emmerder les agriculteurs », dit-il en reprenant la formule de Georges Pompidou.

L’ancien Premier ministre souhaite que les agriculteurs puissent « innover en leur reconnaissant les droits au progrès et à la rechercher ». Parmi ces mesures, il prévoit que « les entreprises agricoles soit éligibles au crédit d’impôt/recherche ».

Je m’engage à ce que les règles que la France a surtransposé soient ramenées aux exigences européennes, ni plus, ni moins », indique le candidat. « On ne peut pas avoir des normes françaises à partir du moment où on a un marché agricole européen », précise t-il. Il plaide donc pour un alignement sur les normes européennes. Toujours au niveau européen, il regrette que la PAC « se soit éloignée de son esprit fondateur ». Il veut conserver son budget mais compte œuvrer pour que « la nouvelle PAC s’occupe de l’agriculture et des agriculteurs européens avec deux priorités, la gestion des risques et le soutien à l’investissement ».

S’agissant de la gestion des risques, François Fillon veut créer un « compte épargne aléa, c’est-à-dire une épargne volontaire pour constituer librement des réserves financières pour les bonnes années et les utiliser pendant les mauvaises, sans plafond, sans imposition, sans limitation de durée ».

En outre, il veut supprimer le compte pénibilité et suspendre les droits quand la transmission de l’entreprise agricole se fait dans la famille.

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