Droit de visite à l’hôpital : Bruno Retailleau va déposer un texte, car « le rite de l’adieu a été volé durant la pandémie »

Droit de visite à l’hôpital : Bruno Retailleau va déposer un texte, car « le rite de l’adieu a été volé durant la pandémie »

Le chef de file de la droite sénatoriale va déposer en fin de semaine une proposition de loi « pour réaffirmer le droit de visite » dans tous les établissements de santé. L’objectif ? Systématiser le droit de visite de proches de malades afin d’éviter que des patients ne meurent seuls, « comme cela a trop été le cas depuis le début de la pandémie ». Pour Bruno Retailleau, « on a trop souvent manqué au devoir d’humanité depuis un an et il faut donc en tirer les leçons pour la suite ». Entretien.
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Par Antoine Comte

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Vous avez décidé de déposer une proposition de loi au Sénat pour rendre systématiquement possible le droit de visite de proches de malades dans les établissements de santé afin que ces derniers ne meurent plus seuls : comment comptez-vous vous y prendre concrètement ?

Je souhaite garantir le principe d’un vrai droit de visite de tous les malades dans les établissements publics et privés de santé. Ce droit de visite doit être réaffirmé comme la règle, car nous avons été saisis de trop nombreux cas de familles qui n’ont pas pu rendre visite à leurs proches. Nous avons tous eu aussi connaissance de résidents d’Ehpad, enfermés qui se sont laissés aller dans un syndrome de glissement vers la mort, car ils n’avaient plus la possibilité de voir leurs familles. Il faut donc réaffirmer un droit de visite le plus régulier possible, tout comme pour l’accompagnement de la fin de vie qui n’est pas négociable.

Vous souhaitez notamment que l’autorisation d’un droit de visite dans un hôpital ou une clinique ne passe plus par le chef de l’établissement de santé, mais directement par le médecin chef, pourquoi ?

Je considère que certains directeurs d’hôpitaux ont trop ouvert le parapluie. Même si la plupart d’entre eux ont fait leur maximum et je salue leur dévouement sans limite, la logique sanitaire et les protocoles l’ont malheureusement trop souvent emporté sur l’humanité. Le rite de l’adieu, c’est ce qui fonde la civilisation, et il a été volé. C’est essentiel pour celui qui va mourir de voir ses proches. Et inversement, lorsque les familles n’ont pas pu obtenir de droit de visite, elles vont malheureusement continuer à développer des détresses psychologiques sur le long terme. C’est donc au médecin chef, qui connaît le dossier de chaque patient, de se prononcer sur les droits de visite. Et non plus au chef de l’établissement de santé, si nous voulons enfin en finir avec cette procédure administrative et bureaucratique qui écrase tout et s’applique partout alors qu’il faut faire du cas par cas.

Et pour les Ehpad et les établissements accueillant des personnes handicapées, que proposez-vous ?

Je fais le distinguo avec les hôpitaux et les cliniques où les malades ne sont que de passage. Dans les Ehpad ou dans les centres médicalisés pour personnes handicapées, il s’agit de résidents qui vivent sur place. Je considère donc, et c’est très clair dans cette proposition de loi, que les règles pour refuser un droit de visite seront désormais beaucoup plus contraignantes, et devront être motivées, sauf en cas de menace à l’ordre public ou s’il en va de la santé du résident par exemple. Ce sera un droit opposable. S’il y a un refus de visite, c’est la justice qui sera alors amenée à trancher.

Et pour les personnes en fin de vie ?

Dans ce dernier cas de figure, la proposition de loi précise que les établissements seront tenus d’assurer les visites. Cela ne sera pas négociable, quel que soit l’établissement public ou privé.

Le gouvernement a rétabli le droit de visite, notamment dans les Ehpad tout de même…

Oui, mais il aura fallu attendre une décision du Conseil d’Etat du 3 mars dernier pour qu’il se décide enfin à bouger. A chaque fois que j’en parlais au Premier ministre, on ne me disait qu’il n’y avait pas de problème… Quand on voit que dans les Ehpad, les résidents même tous vaccinés n’ont pas eu le droit de voir leur famille pendant de nombreuses semaines, et que maintenant ils ont 30 minutes sous le regard d’une personne tierce, qu’est-ce que cela veut dire ? On est en prison là, c’est le parloir ! Avec cette proposition de loi, on agit pour l’avenir. Les précautions sanitaires, il faudra continuer à les prendre, c’est évident, mais il faudra aussi les conjuguer avec un devoir d’humanité. Je comprends qu’on ait été pris de court par l’ampleur de la crise, mais on a trop réduit l’existence à la seule dimension biologique.

Qu’aurait-il fallu faire alors ? Que les directeurs d’établissements de santé ne respectent pas les protocoles sanitaires du gouvernement pour laisser les familles voir leurs proches, malgré la virulence du covid ?

Je ne désigne aucun coupable car je sais que tout le monde a fait son maximum pour sauver des vies. Je veux juste qu’on tire les leçons de tout cela. Je le redis : il faut trouver le juste équilibre entre protocoles sanitaires et dignité humaine. Le rite mortuaire et funéraire est essentiel. Être entouré par les siens, cela envoie le signal que nous ne sommes pas un corps épuisé par la maladie ou le grand âge. Cette tentation de tout réduire à la technique et d’en oublier la dimension humaine, ce n’est plus possible.

Votre proposition de loi sera-t-elle soutenue par une majorité de sénateurs ?

Vous savez, elle n’est pas partisane et j’espère qu’elle sera le plus largement soutenue au Sénat, oui. Je suis convaincu que parmi les grandes leçons à tirer de cette pandémie, le plus bel hommage qu’on puisse rendre à tous ces morts, c’est qu’on puisse faire perdurer le plus longtemps possible le lien entre les malades et leurs familles, entre les vivants et leurs morts.

Les sujets sociaux et santé ne sont habituellement pas vraiment vos thèmes de prédilection… Pourquoi avoir choisi de porter cette proposition de loi ?

Tout simplement car j’ai eu connaissance de cas d’extrême souffrance qui m’ont touché. Je suis aussi président du groupe politique majoritaire au Sénat et j’ai pensé que je ne pouvais pas me défausser. C’est un combat qui est un beau combat politique au sens plein du terme. Il concerne le respect et la dignité que l’on doit aux malades mais aussi à leur famille.

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