École de la confiance : le Sénat revoit la copie de Jean-Michel Blanquer
Face au projet de loi pour une école de la confiance, les sénateurs ont sorti leurs stylos rouges. En commission, pas moins de 141 amendements ont été votés pour redessiner un texte jugé « fourre-tout ». Le texte arrive dans l'hémicycle ce mardi 14 mai.

École de la confiance : le Sénat revoit la copie de Jean-Michel Blanquer

Face au projet de loi pour une école de la confiance, les sénateurs ont sorti leurs stylos rouges. En commission, pas moins de 141 amendements ont été votés pour redessiner un texte jugé « fourre-tout ». Le texte arrive dans l'hémicycle ce mardi 14 mai.
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Par Héléna Berkaoui

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« Un projet de loi fourre-tout », « précipité », « peu abouti ». Les appréciations des sénateurs sont sévères concernant le projet de loi du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, sobrement intitulé : pour une école de la confiance. Ce mardi, devant la presse, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication présentait les nombreuses modifications apportées au texte. Pas moins de 141 amendements. La démarche des sénateurs rejoint le mouvement de fronde qui a accueilli ce projet de loi. Élus locaux, parents et professeurs ont effectivement manifesté leur mécontentement et leur crainte depuis la présentation du texte. Un premier revers pour le ministre le plus populaire du gouvernement.    

« Ce qui a péché au cours des trois années écoulées, c’est l’absence de dialogue notamment avec les acteurs de l’école que sont les élus locaux », analyse Catherine Morin-Desailly, la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au Sénat.

Le Sénat supprime l’article sur le rapprochement des écoles et des collèges

Le principal grief des élus et des professeurs concerne le regroupement des écoles et des collèges en établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF), à l’initiative des collectivités locales. La mesure a fait bondir les acteurs concernés tant sur la forme que sur le fond. Absente du projet de loi du ministre, cette mesure s’est glissée par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, enjambant ainsi toute consultation des syndicats ou des élus et toute étude d’impact. Sur le fond, de nombreuses questions restent en suspens : ce dispositif ne risque-t-il d’entraîner des fermetures d’écoles et des suppressions de postes ? Qu’en sera-t-il des directeurs d’école dans ces structures où le principal de collège prendrait les commandes ? Des inquiétudes légitimes pour la commission qui a supprimé l’article.

« Pour les élus, c’est apparu comme une mesure essentiellement technocratique », constate Catherine Morin-Desailly qui souligne que ces derniers s’ils disposent de la compétence sur l’organisation de l’école, n’ont pas été impliqués dans l’élaboration du dispositif. « Le Sénat a écouté les territoires donc nous avons décidé de supprimer cet article », explique de son côté le rapporteur du texte, Max Brisson. Sénateur (LR) des Pyrénées-Atlantiques, il précise néanmoins que ces EPSF peuvent représenter un intérêt dans les zones les moins peuplées.

Sanctuariser le rôle des directeurs d’école

Dans la continuité de leurs réflexions sur les EPSF, les sénateurs ont également renforcé le statut des directeurs d’école. « Il faut que sur chaque site, il y ait un directeur avec les fonctions de directeur », plaide Max Brisson. Les amendements de la commission vont même un peu plus loin en prévoyant que le directeur d’école devienne le supérieur hiérarchique de ces collègues professeurs. « Il y a des enseignants qui s’impliquent dans cette fonction de directeur qui est exigeante, qui induit des décisions et qui nécessite une forme de reconnaissance », fait valoir Catherine Morin-Desailly.

Abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire : attention au financement !

Si l’abaissement à 3 ans de l’instruction obligatoire fait consensus, la mise en œuvre mérite d’être améliorée, selon les sénateurs qui tempèrent la portée de cette mesure en rappelant que 97 % des enfants de 3 ans sont d’ores et déjà scolarisés. « Il faut du bon sens, il faut de la souplesse, l’obligation d’assiduité doit être adaptée aux enfants de 3 ans », prévient Max Brisson. Alors que le texte prévoit d’imposer une fréquentation continue et à plein temps dès la petite section de maternelle, Max Brisson propose un aménagement de l’obligation d’assiduité. Voilà pour la souplesse. En outre, la commission veut de la liberté avec la pérennisation des jardins d’enfants qui accueillent aujourd’hui environ 8 000 bambins de 3 à 6 ans.

Enfin, le Sénat réclame la pleine compensation du coût occasionné par cette mesure pour les collectivités locales. En l’état actuel du texte, les communes qui participaient déjà à la prise en charge partielle des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées ne toucheraient pas de compensation. La commission a adopté un amendement imposant que la compensation versée par l’État tienne compte de cette participation.

Les autres amendements votés en commission concernent le renforcement de « l’école inclusive », notamment pour les élèves en situation de handicap. Les sénateurs souhaitent également améliorer la gestion des ressources humaines du ministère pour les enseignants en misant sur la formation continue. La commission s’est aussi montrée soucieuse de préserver l’indépendance du conseil d’évaluation de l’école en revoyant le processus de nomination de ses membres.

Suite à la vague de témoignages qui a déferlé sur les réseaux sociaux sous le hashtag #PasDeVague, les sénateurs ont tenu à réaffirmer le respect dû à ces enseignants qui sont parfois victimes de violences. L’article 1 du projet de loi rappelant l’exigence d’exemplarité des professeurs est ainsi équilibré par le rappel de la relation d’autorité entre l’élève et le professeur. Enfin, sur l’inscription des mentions « parent 1 » et parent 2 » sur les formulaires scolaires – mesure permettant de consacrer l’homoparentalité d’un point de vue administratif – les sénateurs estiment que cette mesure réglementaire et non législative ne les regarde pas.  

Le projet de loi pour une école de la confiance sera examinée dans l’hémicycle du 14 au 21 mai.  

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