Fonctionnaires : les syndicats mettent la pression sur le gouvernement

Fonctionnaires : les syndicats mettent la pression sur le gouvernement

Le secrétaire d’Etat à la Fonction publique, Olivier Dussopt, a débuté cette semaine ses rencontres avec les syndicats sur la réforme de la fonction publique. Les syndicats craignent une remise en cause du statut des fonctionnaires. CGT et FO appellent à manifester le 22 mars. Pas la CFDT, en partie rassurée par les clarifications du secrétaire d’Etat.
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La réforme de la fonction publique annoncée début février par Gérard Darmanin et Edouard Philippe a jeté un froid chez les fonctionnaires. L’exécutif vise la suppression de 120.000 postes. Pour y contribuer, il a lancé l’idée d’un plan de départs volontaires inédit. Il entend aussi étendre « largement » le recours aux contractuels, qui ne sont donc pas fonctionnaires. Ils sont déjà près d’un million sur les 5,5 millions d’agents.

Le secrétaire d’Etat à la Fonction publique, Olivier Dussopt, a commencé lundi les concertations avec les syndicats. Les échanges sont partis pour durer toute l’année 2018. La semaine dernière, l’ancien socialiste avait semblé reculer en partie sur la suppression de 120.000 postes. « C'est un objectif, et en même temps ce n'est pas l'alpha et l'oméga » a-t-il assuré. De quoi rassurer les syndicats ? Visiblement non.

« La généralisation des contractuels, une privatisation de fait de la fonction publique » pour la CGT

« La généralisation des contractuels, c’est pour nous une privatisation de fait de la fonction publique » affirme à publicsenat.fr François Livartowski, membre de la direction de la fédération CGT des services publics, qui représente les agents de la fonction publique territoriale. « Le statut de la fonction publique, c’est un rempart contre la déréglementation et la privatisation. Il y a un principe d’indépendance et de responsabilité, qui est aujourd’hui présenté comme une rigidité », ajoute le responsable de la CGT, premier syndicat dans la fonction publique.

Les suppressions de postes vont aggraver la situation, met en garde François Livartowski : « Dans les grandes régions qui ont fusionné, on a constaté une grande souffrance des agents. (…) On a des pressions, des cadences, qu’on ne connaissait pas auparavant. Tout cela augmente au rythme des suppressions de postes. Ce plan de départs volontaires, c’est un piège. C’est une pression supplémentaire sur les agents ».

FO dénonce une « atteinte au statut de la fonction publique »

Christian Grolier, secrétaire général de FO fonction publique, a rencontré Olivier Dussopt lundi. Il n’a pas été davantage convaincu par les annonces de l’exécutif. « On n’est absolument pas satisfait. Il y a une atteinte au statut de la fonction publique » met en garde le responsable de FO. Mardi matin, sur RTL, le numéro 1 de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, a souligné qu’il n’était d’ailleurs « pas possible aujourd’hui » de faire un plan de départs volontaires, le statut de la fonction publique ne le permettant pas.

Christian Grolier souligne que les départs volontaires sont en réalité déjà possibles pour un fonctionnaire. Mais à l’échelle individuelle. En revanche, « on a un conflit majeur » sur l’idée d’un plan de départs volontaires qui serait collectif. Le recours accru aux vacataires est aussi une attaque en règle, selon FO : « Si on dit qu’une mission pérenne n’est plus occupée par un fonctionnaire titulaire, mais par un contractuel, là aussi c’est une remise en cause du statut ». Christian Grolier ajoute que « contrairement à ce que propagent beaucoup de gens, le statut général des fonctionnaires, ce n’est pas la garantie de l’emploi à vie. Certes, on n’a pas les licenciements économiques, ce n’est pas rien. Mais en cas de faute grave, un fonctionnaire peut être révoqué. Le statut, c’est la garantie d’une carrière, pas de l’emploi ». Le secrétaire général de FO fonction publique souligne que « le statut des fonctionnaires les protège de tout lobbying, des pressions politiques et garantit une égalité de traitement des usagers. C’est pour ça qu’on y est très attachés et qu’on en fait un préalable ».

7 syndicats sur 9 appellent à la grève le 22 mars pour accentuer « le rapport de force »

Les syndicats ont déjà décidé de mettre la pression sur le gouvernement. Sept organisations sur neuf appellent à la grève le 22 mars prochain. Elle est complètement justifiée selon FO, qui souligne qu’il n’y a eu « aucune réponse » après la mobilisation du 10 octobre sur la remise en place du jour de carence, le point d’indice, etc. « Et la provocation du 1er février, ça a accéléré » constate Christian Grolier.

La CGT espère elle imposer « un rapport de force » et compte sur des mobilisations plus larges. « La fédération CGT des cheminots a décidé d’agir le 22 mars aussi » glisse François Livartowski. « Nous œuvrons, à la CGT, pour avoir une convergence interprofessionnelle le 22 mars. Tous les secteurs qui ont un statut sont menacés de démantèlement. On a un gouvernement qui remet en cause toutes les conquêtes de 1945 ».

Appel à manifester « prématuré » pour la CFDT

La CFDT et l’UNSA sont les deux seuls à ne pas suivre l’appel à manifester. Pour le syndicat de Laurent Berger, cette mobilisation a « semblé prématurée » explique à publicsenat.fr Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonction publique. « Notre culture c’est la construction du rapport de force et la possibilité de négocier ».

La responsable de la CFDT a rencontré Olivier Dussopt lundi avec des « exigences de clarification ». « Est-on dans un vrai dialogue ou est-ce que tout est décidé ? Si tout est décidé, il n’y a pas besoin de nous. Et surtout, nos positions et modes d’action ne seraient plus les mêmes » met en garde Mylène Jacquot. Mais cette première rencontre bilatérale a été plutôt rassurante sur la question de la méthode. « Il nous a dit que le gouvernement ne ferait pas la sourde oreille aux positions et revendications des syndicats » raconte la syndicaliste.

« Olivier Dussopt nous a bien dit qu’il ne serait pas question de plan de départs volontaires massif »

La CFDT a aussi « rappelé (son) attachement au statut de la fonction publique » et a demandé des éclaircissements « sur l’écart entre les annonces de Gérard Darmanin et le courrier qui nous a été envoyé le week-end suivant, où le plan de départ volontaire n’était plus mentionné. Sur ce point, Olivier Dussopt nous a bien dit qu’il ne serait pas question de plan de départs volontaires massif, ouvert à tout le monde » affirme Mylène Jacquot, mais plutôt de départs « pour ceux qui le souhaiteraient, sur base du volontariat ». « Le sujet sera bien celui des mesures d’accompagnement strictement limitées au périmètre d’éventuelles restructurations » ajoute la responsable de la CFDT.

Si la CFDT a été en partie rassurée, restent des points sensibles sur l’esprit global de la réforme. « Alors qu’il y a un chantier « action publique 2022 », qui n’est pas achevé, on a eu l’impression que le chantier se réduisait à un seul objectif de réduction des coûts, sur les moyens et le nombre d’emplois. C’est un peu décevant » pour la secrétaire générale de la CFDT Fonction publique.

Les élections syndicales de décembre en ligne de mire

Pour mettre de l’eau au moulin du gouvernement, un sondage OpinionWay-Comdata group pour « Les Echos » affirme qu’une majorité des personnes interrogées (70%) sont favorables à la réforme, y compris chez les fonctionnaires. Dans un communiqué, FO a dénoncé la fiabilité de ce sondage, « dont un pourcentage faible (des 1.047 personnes interrogées) est constitué de fonctionnaires ». Pour François Livartowski de la CGT, c’est même « un sondage qui a été commandé pour avoir un résultat très précis pour accompagner la politique du gouvernement. On va toujours trouver des fonctionnaires qui n’en peuvent plus. On a une situation de mal-être, des suicides. Pour certains, le plan de départs peut être considéré comme une porte de sortie. Mais c’est un leurre ».

Pour l’heure, Olivier Dussopt continue cette semaine ses rencontres avec les syndicats. Une réunion plénière, avec l’ensemble des organisations, est prévue pour mars. Mais les discussions, qui vont durer toute l’année, pourraient être marquées par les élections syndicales à venir dans la fonction publique. Le 6 décembre 2018, les agents seront en effet appelés à renouveler leurs représentants. Ce qui pourrait jouer sur les positions des syndicats et retarder les décisions finales de l’exécutif. Du côté de la CGT, François Livartowski prévient d'ores et déjà que « les agents savent qu’on ne lâche rien. On va se bagarrer jusqu’au bout ».

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