L’ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas sera jugé pour “violation du secret”

L’ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas sera jugé pour “violation du secret”

L'ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a-t-il violé le secret professionnel en communiquant au député Thierry Solère des...
Public Sénat

Par Benjamin LEGENDRE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

L'ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas a-t-il violé le secret professionnel en communiquant au député Thierry Solère des informations sur une enquête qui le visait ? La Cour de justice de la République (CJR), dont l'existence est en sursis, devra trancher la question lors d'un prochain procès.

Après Christine Lagarde, Charles Pasqua ou encore Ségolène Royal, M. Urvoas sera le huitième ministre à comparaître depuis 1999 devant cette Cour, seule habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions.

La commission d'instruction de la CJR a en effet décidé lundi de renvoyer l'ancien ministre socialiste devant cette Cour spéciale, composée de parlementaires et de magistrats de la Cour de cassation, a appris l'AFP auprès de la défense.

Le 4 mai 2017, le ministre socialiste s'apprête à quitter la chancellerie au terme de la présidence de François Hollande quand il adresse un document du ministère à Thierry Solère, alors élu de l'opposition LR, via la messagerie cryptée Telegram.

Il s'agit d'une "fiche d'action publique" établie par son administration. Elle rend compte de l'état d'une enquête du parquet de Nanterre pour fraude fiscale et trafic d'influence, qui implique M. Solère depuis septembre 2016.

Le lendemain, le ministre envoie encore un courriel d'actualisation de cette fiche au député des Hauts-de-Seine.

Ces deux communications seront découvertes six mois plus tard par les enquêteurs lors d'une perquisition au domicile du député, ensuite révélée par le Canard Enchaîné.

Le parquet de Nanterre avait immédiatement transmis ces informations, le 5 décembre 2017, au procureur général près la Cour de cassation, qui avait saisi à son tour la commission d'instruction de la CJR.

Le 20 juin 2018, celle-ci mettait en examen M. Urvoas pour "violation du secret".

- Clémence -

La décision de renvoyer l'ancien ministre en procès repose "sur une interprétation aussi inexacte qu'extensive du droit", a dénoncé son avocat Me Emmanuel Marsigny, qui estime que son client n'était pas tenu au secret, même en cette matière.

Selon l'avocat, "les +fiches d'action publique+ ne peuvent contenir aucune information protégée au titre d'un secret prévu par la loi et partant, être elles-mêmes protégées par un secret légal", indique-t-il dans un communiqué.

Me Marsigny soutient par ailleurs "que le garde des Sceaux n'est pas tenu à un quelconque secret quant aux informations élaborées par les services du ministère, remontées par les parquets généraux et qu'aucune norme ne prévoit de secret professionnel inhérent aux fonctions de ministre de la Justice".

Le "code pénal n'établissant pas une liste exhaustive des personnes susceptibles d'être dépositaires d'une information à caractère secret, la jurisprudence a fait application de ce texte dans de nombreuses situations diverses", a commenté dans un communiqué le procureur général près la Cour de cassation, François Molins.

"La Cour de cassation a notamment jugé qu'est couvert par le secret le fait d'indiquer à la personne intéressée qu'elle fait l'objet d'une enquête", a ajouté le procureur, qui assure le rôle de ministère public auprès de la CJR et avait demandé la tenue de ce procès.

"Il ne saurait donc être soutenu par M. Jean-Jacques Urvoas qu'il n'a pas eu conscience de révéler des informations secrètes dont il a eu connaissance, quel que soit le mobile qui a déterminé son action", conclut M. Molins.

Dans sa décision, la commission d'instruction relève toutefois que "les informations ainsi transmises ne semblent pas avoir entravé l'enquête".

L'enquête nanterroise, qui a conduit M. Solère, rallié depuis à LREM, à renoncer fin 2017 à son poste de questeur de l'Assemblée nationale, a été confiée à un juge d'instruction le 1er février.

Deux autres ministres font encore l'objet d'une procédure de la CJR et d'un éventuel procès: l'ex-Premier ministre Edouard Balladur et son ex-ministre de la Défense François Léotard dans le volet financier de l'affaire Karachi.

Depuis sa création, elle a jugé sept personnes: trois ont été relaxées, deux condamnées à des peines de prison avec sursis, et deux ont été déclarées coupables mais dispensées de peine.

La disparition de la CJR, critiquée pour sa clémence, est envisagée dans le cadre d'une réforme constitutionnelle, mais qui a été reportée sine die.

Dans la même thématique

Brussels Special European Council – Emmanuel Macron Press Conference
3min

Politique

Élections européennes : avant son discours de la Sorbonne, l’Élysée se défend de toute entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Ce jeudi 25 avril, le président de la République prononcera un discours sur l’Europe à la Sorbonne, sept ans après une première prise de parole. Une façon de relancer la liste de Valérie Hayer, qui décroche dans les sondages ? L’Élysée dément, affirmant que ce discours n’aura « rien à voir avec un meeting politique ».

Le

L’ex-garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas sera jugé pour “violation du secret”
8min

Politique

IA, simplification des formulaires, France Services : Gabriel Attal annonce sa feuille de route pour « débureaucratiser » les démarches administratives

En déplacement à Sceaux ce mardi dans une maison France Services, quelques minutes seulement après avoir présidé le 8e comité interministériel de la Transformation publique, le Premier ministre a annoncé le déploiement massif de l’intelligence artificielle dans les services publics, ainsi que la simplification des démarches. Objectif ? Que « l’Etat soit à la hauteur des attentes des Français ».

Le

Brussels Special European Council – Renew Europe
10min

Politique

Européennes 2024 : avec son discours de la Sorbonne 2, Emmanuel Macron « entre en campagne », à la rescousse de la liste Hayer

Emmanuel Macron tient jeudi à la Sorbonne un discours sur l’Europe. Si c’est le chef de l’Etat qui s’exprime officiellement pour « donner une vision », il s’agit aussi de pousser son camp, alors que la liste de la majorité patine dans les sondages. Mais il n’y a « pas un chevalier blanc qui va porter la campagne. Ce n’est pas Valérie Hayer toute seule et ce ne sera même pas Emmanuel Macron tout seul », prévient la porte-parole de la liste, Nathalie Loiseau, qui défend l’idée d’« un collectif ».

Le

Jordan Bardella visite Poste-Frontiere de Menton
5min

Politique

Elections européennes : la tentation des seniors pour le vote RN, symbole de « l’épanouissement du processus de normalisation » du parti, selon Pascal Perrineau

Alors que la liste menée par Jordan Bardella (31.5%) devance de plus de 14 points la liste Renaissance, menée par Valérie Hayer (17%), selon le dernier sondage IFOP-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud-Radio, le parti de Marine Le Pen, mise désormais sur l’électorat âgé, traditionnellement très mobilisé pour les élections intermédiaires. Désormais deuxième force politique chez les plus de 65 ans (le RN conquiert 24% de cet électorat, 7 points de moins que Renaissance), la stratégie semble porter ses fruits. Décryptage avec le politologue Pascal Perrineau, professeur émérite à Sciences Po Paris et récent auteur de l’ouvrage Le Goût de la politique : Un observateur passionné de la Ve République, aux éditions Odile Jacob.

Le