La « Remontada » made in France d’Arnaud Montebourg

La « Remontada » made in France d’Arnaud Montebourg

Arnaud Montebourg a déclaré aujourd’hui sa candidature à la présidentielle dans sa ville natale de Clamecy. Son objectif est clair : parler à la France rurale et populaire et court-circuiter les candidats des partis de gauche.
Public Sénat

Par Louis Mollier-Sabet / Image : Audrey Vuetaz

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« Madame je ne peux pas vous laisser rentrer, il fait 40 degrés dans la salle, vous ne pourrez pas être assise » explique l’équipe d’Arnaud Montebourg à une sympathisante qui semble déjà usée par la chaleur. En ce samedi 4 septembre, c’est plus dur de rentrer dans la salle Romain Rolland de l’hôtel de Ville de Clamecy que dans une boîte de nuit huppée de Paris. Cette ancienne cité médiévale, ville de naissance d’Arnaud Montebourg – son équipe de campagne brandit un extrait de naissance à qui veut vérifier – est en effervescence. Difficile de trouver une table pour manger dans cette commune de 3800 habitants : « On n’a jamais vu ça à Clamecy » confie un gérant de restaurant.

De Johnny à Mitterrand

Arnaud Montebourg a un créneau et il le joue à fond : casser les codes et parler à la France rurale et populaire. D’abord avec un slogan – « La Remontada de la France : 2022-2027 » – aux sonorités footballistiques on ne peut plus claires, faisant d’ailleurs ironiquement référence, pour le chantre du redressement français, à la plus grande humiliation que la France du football ait connu ces dernières années.

Montebourg veut parler à la France du foot, à la France de la diagonale du vide, à la France de Johnny. Lancer sa campagne présidentielle sur « Que je t’aime », il fallait oser. Mais le peu de militants qui a pu entrer dans la salle a l’air d’apprécier : « C’est la première fois qu’un futur Président se déclare dans la Nièvre » s’enthousiasme Jacky, un militant arborant fièrement un t-shirt « Je vote Arnaud Montebourg » qu’il a fait imprimer lui-même. Ce mitterrandien historique regrette que l’illustre prédécesseur nivernais d’Arnaud Montebourg ait toujours déclaré sa candidature « à la télévision depuis Paris ».

Château-Chinon n’est pas loin, et Mitterrand non plus : « Clamecy et la Nièvre symbolisent une part des enseignements de François Mitterrand, réalisant par les urnes un rassemblement populaire que refusaient nombre de partis politiques. Il nous a montré un chemin que je vais à mon tour emprunter » clame le désormais candidat à l’Elysée. Il y a pire comme patronage pour une candidature à la fonction suprême. La filiation était toute trouvée, elle est même évidente pour Jacky : « J’ai voté Mitterrand à toutes les élections. En 1995 j’ai même fait campagne pour lui à Clamecy et il a eu 15 voix sans être candidat. Si Arnaud Montebourg n’est pas au 2ème tour, mon bulletin est prêt, je peux en fournir à toute la France ».

Réindustrialisation : « Ces idées sont devenues largement majoritaires »

Si François Mitterrand plaidait la « force tranquille », Arnaud Montebourg montre les muscles : « La Remontada de la France en 5 ans, c’est remonter ensemble la France, au forceps, en se retroussant les manches. » Il dresse le portrait d’une France qui va mal et « qui n’a plus le temps de donner une deuxième chance à quelqu’un qui a déjà échoué ». L’élection présidentielle de 2022 devient ainsi « notre dernière chance de remonter la pente ».

Pour cette remontada-là, Arnaud Montebourg ne peut compter sur un arbitrage questionnable ou l’implosion du camp d’en face. Non, la priorité du candidat est très claire : la réindustrialisation. Laurence Rossignol, sénatrice socialiste, ancienne ministre des Familles et soutien d’Arnaud Montebourg résume : « Il n’y a pas de démocratie sans travail pour tous, c’est ça le message d’Arnaud Montebourg. Et pour qu’il y ait du travail pour tous il faut une volonté politique et des politiques économiques à la hauteur. »

L’ancien ministre du redressement productif a beau marteler qu’il ne sert à rien d’avoir raison trop tôt, il semble tout de même tenir à rappeler la précocité de son engagement sur le sujet : « Il y a 9 ans déjà j’avais porté la marinière en symbole de la bataille du Made in France. […] Plus personne ne nie aujourd’hui que la réindustrialisation doit devenir une grande cause nationale. […] Ces idées sont devenues largement majoritaires. J’éprouve de la fierté qu’elles soient le centre de gravité des convictions de plus grand nombre et j’éprouve de la légitimité à les porter au pouvoir. »

« Ce modèle ne reposera ni sur l’Etat seul ni sur les industriels seuls, mais sur un patriotisme commun »

Réindustrialisation, protectionnisme, critique de la mondialisation… Ce Montebourg de 2021 marche dans les pas de celui des primaires de 2011 et de 2017, mais pour aller jusqu’au bout, le candidat a tenté d’étoffer sa palette. Cette réindustrialisation devra être profitable à la ruralité, avec « plus de 300 nouvelles usines, soit 3 ou 4 nouvelles usines par département, nous y serons attentifs » promet Arnaud Montebourg. Il met aussi sur la table un plan de « retour à la terre » qui verrait l’Etat racheter « 1 million de logements inhabités » en zone rurale, et les donner gratuitement à des citoyens qui souhaiteraient s’installer en zone rurale sous trois conditions : ne pas être propriétaire, les remettre en état et y habiter durablement.

Sur la réforme institutionnelle, l’autre pilier historique du discours politique d’Arnaud Montebourg qui prône depuis des années une VIè République, on sent par exemple l’influence du mouvement des Gilets Jaunes. Référendum d’initiative populaire ou responsabilité accrue des élus envers les électeurs ont remplacé la VIè République. Cette nouvelle architecture institutionnelle « pourra s’appeler VIè République ou pas », mais serait en tout état de cause soumise au référendum dès juin 2022 en cas de victoire.

Le discours d’Arnaud Montebourg sur le secteur privé s’est aussi largement adouci : « Nous avons imaginé de nouveaux modèles économiques équitables, il est possible de construire une économie à visage humain qui rééquilibre le capital et le travail. […] Ce modèle ne reposera ni sur l’Etat seul ni sur les industriels seuls, mais sur un patriotisme commun. » Mettant en avant son récent passé d’entrepreneur, l’ancien ministre du redressement productif veut forger des « partenariats public-privés » entre l’Etat et « les industriels qui savent produire mieux que lui ».

Une « Remontada des salaires »

Pour certains secteurs clés, notamment pour la transition écologique, Arnaud Montebourg retourne tout de même à ses vieux amours en proposant une nationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroute permettant de financer « la généralisation des voitures électriques, l’écologisation des transports en commun ou les petites lignes de train » plutôt que les « dividendes des actionnaires ».

Les mêmes dividendes sont dans le viseur du candidat Montebourg, qui veut mettre en place un « dividende salarié et égalitaire » dans les entreprises de plus de 10 salariés : « Si vous reversez des dividendes vous partagez avec les salariés » résume-t-il simplement. L’ancien ministre du redressement productif entend ainsi organiser une « Remontada des salaires et des revenus du travail […] par la négociation, et s’il le faut, par la loi dès 2022. »

« Dans les mois qui vont s’écouler, on verra quels sont les projets à gauche qui emportent l’adhésion »

Si Arnaud Montebourg se veut le champion des « Remontadas », c’est parce qu’il part de loin, et il le sait. En partant seul, sans le parti socialiste, il se coupe d’une réserve de militants, de ressources financières et de soutiens. Or une campagne présidentielle, c’est une machine logistique énorme. Mais ses soutiens ont bien retenu le mot d’ordre, c’est à la fin du match que l’on désigne le vainqueur et on n’est actuellement qu’au début du match aller. Laurence Rossignol explique bien « Dans les mois qui vont s’écouler, on verra quels sont les projets à gauche qui emportent l’adhésion et qui lèvent les Français. Comme les partis politiques sont devenus très faibles et qu’ils n’ont plus la capacité de réguler en interne, la régulation se fait en direct avec les Français. »

Jérôme Durain, autre soutien sénatorial d’Arnaud Montebourg, abonde : « Les primaires ont prouvé qu’elles ne répondaient pas toujours à l’attente des Français et que parfois on a tendance à parler qu’à soi-même alors qu’Arnaud Montebourg a décidé de parler au pays. » Les soutiens socialistes de Montebourg ne semblent donc pas s’inquiéter de ce relatif isolement de leur candidat pour le moment : « En 2017, on a vu que le modèle classique avait montré ses limites et qu’une démarche personnelle peut fonctionner » souligne Jérôme Durain. Il est vrai qu’en 2017, Jean-Luc Mélenchon, un autre candidat de gauche ayant quitté le Parti socialiste s’était lancé « tout seul » et « hors parti ». Côté Montebourg on rêve probablement d’une fortune semblable, à 600 000 voix près.

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