Le bilan contrasté du quinquennat d’Emmanuel Macron sur l’environnement

Le bilan contrasté du quinquennat d’Emmanuel Macron sur l’environnement

Emmanuel Macron veut verdir sa candidature dans cette campagne d’entre-deux-tours, avec la défense de son bilan et l’annonce de nouvelles propositions. Quel bilan tirer de ses cinq années à l’Élysée sur la lutte contre le réchauffement climatique ou la défense de l’environnement ?
Guillaume Jacquot

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Avant le premier tour, il y avait eu ce déplacement thématique en Charente-Maritime. Emmanuel Macron ce 14 avril au Havre, parle à nouveau écologie. L’enjeu est important pour le président-candidat : convaincre les électeurs de gauche d’aller se déplacer dans les bureaux de vote au second tour. Cinq ans après son élection, quel bilan tirer de l’action d’Emmanuel Macron dans le domaine de la transition écologique ? Rétrospectivement, le quinquennat sur le plan environnemental est fait d’avancées, mais aussi de promesses partiellement tenues, voire de renoncements.

La première année du quinquennat est marquée par une loi prévoyant l’interdiction immédiate de la délivrance de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures. C’est une première mondiale. La recherche et l’exploitation de gaz de schiste sont interdites. Et les concessions actuellement en vigueur ne pourront pas être prolongées au-delà de 2040.

Progression du bio dans les cantines, lutte contre le gaspillage

Plusieurs abandons de projets controversés, qui étaient enlisés depuis des années, sont à mettre au crédit du gouvernement. L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes en 2018, le projet industriel d’extraction aurifère Montagne d’Or en Guyane (juin 2019), ou encore le site géant de commerces et de loisirs EuropaCity au nord de Paris en novembre 2019 : ces trois projets ont tous les trois été stoppés durant le quinquennat. D’ailleurs, la loi Climat et Résilience de 2021 a inscrit la lutte contre l’artificialisation des sols dans les grands objectifs de l’urbanisme, avec un objectif de 50 % de réduction sur dix ans. Une petite révolution dans la législation environnementale.

Dans l’assiette, la loi Egalim de 2018 a enclenché une dynamique favorisant circuits courts et productions respectueuses de l’environnement. Elle impose à la restauration collective (cantines scolaires et d’entreprises) de servir 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques d’ici à 2022.

Large mouvement de primes à la conversion pour des véhicules plus propres

La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire pose de nouvelles règles en faveur de réduction des déchets. Le texte pose un objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025 ainsi que la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. L’interdiction des couverts jetables dans la restauration rapide est entrée en vigueur en 2021, celle de l’ensemble de la vaisselle jetable dans le même secteur, pour les repas consommés sur place, est prévue pour 2023. Le texte comporte également des dispositions luttant contre l’obsolescence programmée, la destruction des invendus non alimentaires neufs.

Du côté des incitations pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement peut mettre en avant les différentes aides mises en place (primes, bonus) en faveur de l’acquisition de véhicules propres. L’exécutif affirme qu’un « million de primes à la conversion et de bonus » ont été délivrés durant le quinquennat. Pour les rénovations thermiques et énergétiques de logements, le plan de relance a représenté un sérieux coup d’accélérateur. L’Agence nationale de l’habitat a rénové 750 000 logements en 2021 et dispose de 3,2 milliards d’euros pour 2022 pour la poursuite du dispositif « Ma PrimeRénov' ». En octobre dernier, France Stratégie s’inquiétait toutefois du nombre de rénovations « performantes ». Elles sont « vraisemblablement » en dessous des objectifs. « Pour le secteur résidentiel, il s’agirait de passer d’environ 70 000 rénovations globales effectuées annuellement (en moyenne sur la période 2012-2018), à 370 000 rénovations complètes par an après 2022 et 700 000 par an à partir de 2030 », constataient les experts rattachés à Matignon.

Le retard français dans les renouvelables

En matière de politique énergétique, Emmanuel Macron semble avoir du mal à trouver une ligne stable. Les ambitions de diversification et de réduction de l’usage des énergies fossiles n’ont pas été traduites comme elles l’auraient dû être. Candidat en 2017, il promettait de réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique de 75 % à 50 % d’ici 2025. Par réalisme, la loi Energie et climat de 2019, a reporté l’objectif à 2035. L’annonce en février 2022 de la relance de la filière nucléaire, avec des investissements massifs, et la construction de 6 nouveaux réacteurs de type EPR2, a constitué une spectaculaire volte-face. L’engagement de fermer toutes les centrales à charbon de France métropolitaine d’ici 2022 a lui aussi du plomb dans l’aile. En raison des travaux d’une partie du parc nucléaire, les centrales Saint-Avold (Moselle) et Cordemais (Loire-Atlantique) doivent poursuivre leur production, pour éviter les tensions dans l’approvisionnement d’électricité.

La France souffre également d’un retard dans le développement des énergies renouvelables. Emmanuel Macron voulait un objectif de 32 % en termes d’énergies renouvelables d’ici à 2030. Il reste beaucoup de chemin à parcourir puisqu’elles ne représentaient que 19 % de la consommation d’énergie finale en 2020. À cette date, la France aurait dû se situer à 23 %, selon ses engagements européens. La France est le seul pays des vingt-sept Etats membres à ne pas avoir tenu cette obligation, selon Eurostat. Le retard est particulièrement visible sur l’éolien maritime.

La déception de la Convention citoyenne pour le climat

Exercice démocratique inédit, la Convention citoyenne pour le climat constitue également un rendez-vous manqué. Ces 150 citoyens tirés au sort en 2019, après la crise des Gilets Jaunes, ont travaillé pendant plusieurs mois et ont formulé 149 propositions, portant sur des domaines variés, tels que l’alimentation, le logement, le travail ou la consommation. Au chapitre des propositions nécessitant une traduction législative, 46 se sont retrouvées dans un projet de loi ad hoc. Mais contrairement à l’engagement présidentiel de reprendre les contributions « sans filtre », certaines ont été mises de côté, d’autres réduites ou tronquées. Un exemple avec l’interdiction des vols intérieurs dès lors qu’une alternative en train de moins de 2h30 existe. Une seule ligne est concernée (Orly-Bordeaux), alors que les citoyens de la Convention avaient placé le curseur bien plus large, à 4 heures, pour les voyages en train. En février 2021, la Convention citoyenne s’est montrée particulièrement déçue des politiques du gouvernement en faveur de la décarbonation : ils ont attribué une note de 2,5 / 10 à l’exécutif.

D’autres renoncements restent marqués. Selon Terra Nova, il n’y a eu de « bouleversement majeur sur la façon d’aborder » la question de la préservation de la biodiversité. Par ailleurs, c’est notamment dans le domaine de la transition agricole que l’on « observe le statu quo le plus important ». Emmanuel Macron a par exemple reconnu fin 2020 qu’il n’avait pas « pas réussi » à tenir sa promesse de sortir totalement du glyphosate en trois ans. « Pas faisable et ça tuerait notre agriculture », avait alors justifié le chef de l’État, qui préfère miser sur une interdiction européenne en 2023. Les désaccords avec le ministère de l’Agriculture ont notamment été l’une des motivations de la démission de Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique en 2018. « On s’évertue à entretenir un modèle économique cause de tous ces désordres climatiques […] Nous faisons des petits pas, et la France en fait beaucoup plus que d’autres pays, mais est-ce que les petits pas suffisent… la réponse, elle est non », avait-il dénoncé.

On doit à Emmanuel Macron la création du Haut Conseil pour le climat en 2018. Ce comité d’experts indépendant a pour mission d’évaluer et d’orienter les politiques publiques en matière d’environnement. Le HCC ne s’est pas privé de pointer le retard français à plusieurs reprises. Dans un avis remis en décembre après la COP26 de Glasgow, il avait appelé la France à rehausser ses objectifs climatiques pour 2030, renforcer la mise en œuvre de ces derniers et à « reprendre l’initiative à l’international ». La climatologue Corinne Le Quéré, présidente de l’instance, soulignait que le transport routier et l’agriculture ne voyaient pas leurs émissions baisser suffisamment.

Plus tôt, en juin 2021, le HCC avait pointé une « amélioration mitigée du rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre ». « Ces dernières sont encore insuffisamment alignées sur la trajectoire de réduction des émissions prévue par la Stratégie nationale bas-carbone […] Le rythme de baisse des émissions s’est accentué en 2019, mais doit encore pratiquement doubler d’ici 2021 pour s’aligner avec les objectifs climatiques », relevait le rapport annuel.

Condamnations pour inaction climatique

L’année 2021 est marquée par une première : la condamnation de l’État pour non-respect de ses engagements climatiques. L’État était poursuivi par des associations environnementales, dans un procès baptisé « l’Affaire du siècle ». La victoire est avant symbolique pour les ONG, qui dénonçaient le dépassement du plafond d’émissions que l’État s’est fixé entre 2015 et 2018. Grande-Synthe, commune du Nord, qui s’estime menacée par la montée du niveau de la mer, a également lancé un recours pour inaction climatique. Le Conseil d’État a contraint l’État en juillet à prendre des mesures supplémentaires pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris. Il avait jusqu’au 31 mars pour se conformer à la décision.

En décembre 2020, à l’occasion du cinquième anniversaire de la signature de l’accord de Paris, Emmanuel Macron reconnaissait lui-même que les objectifs n’étaient pas remplis. « Il faut regarder les choses en face en ce qui est des émissions de CO2 nous ne sommes pas aujourd’hui au rendez-vous et j’y reviendrai. La France, l’Europe, doivent continuer de se mobiliser. »

Si Emmanuel Macron assure en avoir fait plus pour l’environnement que ses prédécesseurs, Marine Braud, auteure d’un rapport publié par le think tank Terra Nova, estime que le constat ne doit pas se poser dans ces termes-là. « La question n’est donc plus de savoir si l’on a fait plus que ses prédécesseurs sur le sujet mais si l’action est suffisante pour lutter efficacement contre les menaces systémiques posées par les dérèglements environnementaux en cours », considère cette ancienne conseillère d’Élisabeth Borne et de Barbara Pompili, au ministère de la Transition écologique.

Ce jeudi au Havre, Emmanuel Macron a renouvelé son ambition verte, en promettant notamment 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050 et 10 milliards d’euros par an d’investissements dans les transports et le logement. Une façon de prendre le contre-pied le maigre programme écologique de Marine Le Pen, qui promet notamment la suppression des subventions allouées à l’éolien et au solaire, et l’arrêt des chantiers en cours.

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