Le revenu universel de Benoît Hamon est-il une utopie ?
Le revenu universel, mesure phare du programme de Benoît Hamon, polarise le débat de la primaire de gauche. Qualifiée d’utopiste par ses détracteurs, cette proposition est-elle réellement finançable dans notre pays ?

Le revenu universel de Benoît Hamon est-il une utopie ?

Le revenu universel, mesure phare du programme de Benoît Hamon, polarise le débat de la primaire de gauche. Qualifiée d’utopiste par ses détracteurs, cette proposition est-elle réellement finançable dans notre pays ?
Alexandre Poussart

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Le revenu universel, défendu par Benoît Hamon, sera sans doute l’un des angles d’attaque de Manuel Valls, lors du débat de l’entre deux-tours de la primaire de gauche, ce mercredi soir. Pour l’ancien Premier ministre, le revenu universel, mesure qu’il défendait il n’y a pas si longtemps, permet de distinguer une gauche réaliste d’une gauche utopiste.

"Il faut être fort en regardant la réalité dans les yeux, pas en imaginant je ne sais quelle mesure qui ne sera pas opérationnelle et qui par ailleurs ruinerait le pays. 350 ou 400 milliards d'euros, c'est plus d'impôt, plus de déficit, plus de dette", a-t-il déclaré lundi 23 janvier.

En Finlande, le revenu universel restera une utopie

La Finlande est le premier pays d’Europe à avoir expérimenter le revenu universel. 2000 chômeurs toucheront 560 euros par mois pendant trois ans et même s’ils retrouvent un emploi. Cette expérimentation coûte 20 millions d’euros. Mais une généralisation à toute la population finlandaise (5,5 millions d’habitants) ne semble pas être envisagée. Elle coûterait 20 milliards d’euros et aggraverait le déficit de la Finlande de 5% de son PIB.

Le revenu universel, tel qu’il est proposé par Benoît Hamon, s’élèverait à terme à 750 euros par mois. Ce revenu permettrait, selon le candidat socialiste, de lutter contre la pauvreté, d’adapter le monde du travail à la révolution numérique et l’automatisation destructrice d’emplois, et d’éviter une perte de revenus lors du passage du chômage à un retour dans l’activité. Son coût est estimé à 300 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent des recettes fiscales de l’Etat français en 2016.

Une première tranche de 40 milliards d’euros financée

Benoît Hamon propose une mise en place progressive de ce revenu universel . La première étape consiste en un RSA augmenté à 600 euros pour les ayant droit aux minima sociaux et aux 18-25 ans, dès 2018. Cette tranche coûterait 40 milliards d’euros, soit l’équivalent du crédit d’impôt compétitivité ou CICE. La suite de sa mise en place fera l’objet d’une conférence citoyenne pour décider des modalités et des limites de ce revenu universel.

Taxer les plus hauts revenus

Pour financer le revenu universel, Benoît Hamon évoque l’hypothèse de le réserver aux salaires inférieurs à 2000 euros, en le reprenant aux salaires supérieurs sous forme d’impôt. Une modification de la fiscalité permettrait de financer cette mesure.

Le finaliste de la primaire de gauche évoque l'individualisation de l'impôt sur le revenu qui pourrait dégager "24 milliards d'euros" et la lutte contre l’évasion fiscale. Les niches fiscales représenteraient 84 milliards d’euros. Il envisage également la création d'une taxe sur les robots est également envisagée, tout comme la fusion de l'impôt sur la fortune (ISF), de la taxe foncière, et des droits de succession.

L’économiste Marc de Basquiat, spécialiste du revenu universel, préconise également  la mise en place d'un impôt sur le patrimoine et une augmentation de la CSG de 7,5% à 13% à tous les revenus salariés.

Pour les sénateurs, un financement par l’impôt serait réaliste

Le sénateur centriste Jean-Marie Vanlerenberghe
Le sénateur centriste Jean-Marie Vanlerenberghe
Public Sénat

La mission d’information du Sénat sur le revenu universel, présidée par le sénateur (UDI-UC) du Nord Jean-Marie Vanlerenberghe, a réalisé une quarantaine d’auditions en 2016 sur cette question. Elle a remis un rapport dans lequel elle préconise une expérimentation “pas à pas” plutôt qu’une instauration brutale et utopique.

Pour les sénateurs, selon le montant du revenu universel, entre 500 € à 1 000 € par mois, le coût de son introduction serait compris entre 300 et 700 milliards € par an. Ce coût serait néanmoins réduit si le revenu de base venait à se substituer à diverses prestations sociales existantes.

Les sénateurs de la mission d’information estiment que “le financement par l’impôt constituerait, à ce jour, l’option la plus réaliste, le principe d’un impôt négatif devant être privilégié à terme mais sa mise en œuvre restant conditionnée à une vaste réforme du système fiscal.”


Le revenu universel semble finançable s’il est réservé aux plus modestes, via une redistribution fiscale, et perdrait donc son caractère universel.

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