Présidentielle : entre Pécresse, Macron ou… personne, les sénateurs centristes (très) partagés

Présidentielle : entre Pécresse, Macron ou… personne, les sénateurs centristes (très) partagés

La ligne de Valérie Pécresse, jugée trop à droite, passe mal chez certains sénateurs centristes, qui le font savoir. Au point, pour quelques élus, de se tourner vers le chef de l’Etat. Pour Olivier Cadic, membre de l’UDI, Emmanuel Macron semble « le mieux placé ». D’autres ne veulent ni de Pécresse, ni de Macron et se sentent « le cul entre deux chaises ». Une majorité devrait cependant soutenir la candidate LR. Plongée dans la galaxie centriste.
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« J’ai du mal à m’y retrouver à titre personnel ». Le sénateur UDI Olivier Cadic ne s’en cache pas. Son parti à beau soutenir officiellement la candidate LR, la campagne de Valérie Pécresse ne lui convient pas. Alors il regarde de l’autre côté. « Je me sens libre et indépendant », lance le sénateur des Français établis hors de France, qui se dit « marqué par le Brexit ». « Il y a une question de responsabilité pour bien faire comprendre à tout le monde qu’un accident peut toujours arriver. En conséquence, j’ai regardé qui me paraissait le mieux placé pour la suite, et je pense que le président de la République donne aujourd’hui de sérieux gages pour la France », annonce à publicsenat.fr Olivier Cadic.

« Dès le début, j’avais dit qu’il y avait un problème de positionnement » avec Valérie Pécresse, explique le sénateur. « L’UDI allait soutenir une candidate qui était sur des positions très dures, qui parle de Karcher. Ce n’est pas du tout notre ADN. C’est très éloigné des valeurs fondatrices de l’UDI, avec Jean-Louis Borloo », ajoute Olivier Cadic, « parler de Kärcher, ça banalise les idées d’extrême droite », bien que l’expression vienne de Nicolas Sarkozy. Il ajoute :

Au sein de l’UDI, il n’y a pas de consensus. Il n’y a pas eu de débat avant sur le soutien à Pécresse. Tout était organisé pour arriver à ce résultat-là.

Quand la candidate reprend les termes de « grand remplacement » et « Français de papier », lors de son meeting au Zénith de Paris, ça ne fait que confirmer ses doutes : « C’est la dérive. C’est tout ce qu’on combat normalement ». Et « d’autres s’interrogent comme moi ».

« Au groupe, il n’y a clairement pas de consensus sur la ligne Pécresse »

Au groupe de l’Union centriste, « il n’y a clairement pas de consensus sur la ligne Pécresse », soutient Olivier Cadic. En effet, certains ne cachent pas leurs critiques, comme Loïc Hervé. Le sénateur de Haute-Savoie, membre du parti d’Hervé Morin, Les Centristes, ne mâche pas ses mots. Après le Zénith, il dénonce sur publicsenat.fr « une erreur stratégique majeure » qui « mène à l’échec ». « C’est logique qu’un certain nombre d’élus centristes se posent des questions », nous dit aujourd’hui le centriste, attaché aux « questions de liberté ». « J’ai fait part de mes doutes et de mon désaccord sur la ligne à Hervé Marseille, président du groupe Union centriste », prévient Loïc Hervé. D’autres ont pu aussi exprimer leurs questionnements. « Ça ne prend pas et la ligne interroge », résume sous couvert d’anonymat un autre membre du groupe. Le sénateur UDI Jean-Pierre Moga a lui annoncé dans Sud Ouest qu’il ne soutiendrait pas Valérie Pécresse. Un sénateur d’un autre groupe, qui regarde le sujet avec attention, résume ainsi la problématique : « Il y a une frange des centristes qui n’aime pas le suçage de roue de LR… » « On a pas mal de gens qui quittent l’UDI, qui trouvent qu’on est trop inféodés aux LR », confirme un membre du parti.

Des élus locaux font aussi leurs valises. Ancien président du Conseil départemental de Seine-et-Marne jusqu’en 2021, Patrick Septiers vient de claquer la porte de l’UDI, tout comme le maire de Lorrez-le-Bocage-Préaux, Yves Boyer. Ils rejoignent la majorité présidentielle. L’ex-UDI Nicolas Fricoteaux, président du département de l’Aisne, a aussi rallié Emmanuel Macron.

« Emmanuel Macron est un centriste »

Le groupe Union centriste est en réalité très partagé, et depuis un moment. Pour l’heure, 16 sénateurs, sur les 57 que compte le groupe, ont parrainé Valérie Pécresse. Mais 8 sénateurs ont apporté leur parrainage à Emmanuel Macron. Sans surprise, on trouve le Modem Jean-Marie Vanlerenberghe, ou Jean-Paul Prince, suppléant de la ministre Jacqueline Gourault, ou encore Arnaud de Belenet, ancien LREM. Outre Denise Saint-Pé, Daphné Ract-Madoux et Nassimah Dindar, on compte aussi Pierre Louault ou l’UDI Yves Détraigne.

Explication de ce dernier : « Je trouve qu’Emmanuel Macron est un centriste. Il n’est pas prisonnier des vieilles lunes, d’un camp politique ou d’une histoire. Il est libre », salue le sénateur de la Marne. « Je m’en fous de la politique politicienne. Moi, je travaille pour le terrain. Je ne suis pas affilié et affidé à un tel ou un tel », prévient Yves Détraigne, qui ajoute : « On n’est pas des béni-oui-oui. On peut être dans le même parti centriste, sans voter pour la même personne ».

Certains sont « extrêmement mal à l’aise »

D’autres membres de la galaxie centriste se sentent un peu perdus. « Je fais partie des gens extrêmement mal à l’aise. Et encore, le mot est faible », confie un membre du groupe, sous couvert d’anonymat.

« Après, on n’a pas d’autres solutions. Le problème, c’est qu’on a le cul entre deux chaises », lâche ce sénateur, qui résume le dilemme : « Je trouve que Pécresse n’est pas formidable. Mais je ne me reconnais pas du tout dans Macron, dont sa façon de traiter les institutions ne nous encourage pas à le soutenir. Donc je fais partie des gens qui ont du mal à se positionner ».

« On a toujours été un groupe où la liberté est un principe majeur »

Pour Hervé Marseille, rien de nouveau sous le soleil. Le président du groupe Union centriste n’est pas inquiet. « Le groupe comporte des centristes qui viennent d’horizons différents. On sait que c’est un groupe dont les sensibilités peuvent parfois être différentes, c’est normal qu’il y ait des opinions qui le soient. Ça a toujours été le cas », tempère le sénateur UDI des Hauts-de-Seine, selon qui « il y a une majorité qui suit Pécresse, quelques-uns qui n’ont pas de position établie et d’autres qui ont parrainé Macron. Il y en aura peut-être une dizaine, peut-être plus. On a toujours été un groupe où la liberté est un principe majeur ».

Preuve de cette diversité : lors du vote sur le discours de politique générale d’Edouard Philippe, en juin 2019, le groupe, en partie renouvelé depuis, était quasiment divisé en deux. 23 sénateurs avaient voté la confiance et 28 s’étaient abstenus. Une liberté indispensable à son équilibre, selon un membre du groupe :

Si on intervenait en poussant les sénateurs UC à se déterminer, il y a un risque de fracturer le groupe.

« Il faut être vigilant et ne pas aller sur le terrain de Zemmour »

Hervé Marseille, qui participe au comité stratégique de la candidate Pécresse, reconnaît néanmoins que « certains de (ses) amis s’interrogent, par rapport à telle ou telle valeur. Je peux le comprendre. D’ailleurs, il y a des doutes qui traversent d’autres groupes. Le groupe-LR lui-même est traversé de réflexions », note le président du groupe UC. Ces centristes critiques « attendent un discours qui corresponde davantage à leur ADN, un discours attendu d’une candidate qui est gaulliste sociale. Mais elle a engagé ces interventions-là sur l’éducation, l’économique ou la décentralisation », selon sénatrice Catherine Morin-Desailly, membre des Centristes et soutien de la candidate. « On est des modérés, par nature. On n’est évidemment pas tous d’accord mais ça ne me choque pas », soutient le sénateur Olivier Henno, secrétaire général de l’UDI, qui s’inscrit dans le soutien à Valérie Pécresse. Mais « c’est sûr qu’il faut être vigilant et ne pas aller sur le terrain de Zemmour et être fidèle à ce qu’est l’alliance de la droite et du centre depuis longtemps », rappelle le sénateur du Nord.

« Il faudrait qu’elle se concentre sur sa propre ligne », pense le sénateur UDI Vincent Delahaye, qui ajoute : « Je l’ai parrainée. Je continue à la soutenir, il n’y a aucun souci. Mais c’est vrai que la campagne n’est pas évidente ». Le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde lui-même, a admis sur Public Sénat qu’il y avait eu « une maladresse dans ce discours » de Valérie Pécresse, en utilisant « les mots de l’adversaire » avec « le grand remplacement ».

« On devrait avoir 100 circonscriptions et les LR en proposent 50… On est loin du compte »

Pour compliquer les choses, les discussions entre UDI et LR pour les législatives rentrent en ligne de compte. « Les accords, ça en tient un certain nombre au kiki », lâche un sénateur UDI, selon qui « il y a une charte qui a été signée avec Pécresse, qui dit qu’on nous laisse des circonscriptions. C’est la contrepartie. Car un parti sans député n’existe pas. Et on a des sénatoriales l’année prochaine. C’est un 110 mètres haies. Tout ça se tient ».

Vincent Delahaye expose l’état des discussions pour les législatives… qui ne sont pas bien engagées. « Pour l’instant, on est plutôt bloqués. Les discussions avec LR se sont arrêtées. Leurs propositions sont vraiment ridicules. On doit être une trentaine de sénateurs UDI, face à 150 sénateurs LR. On a une vingtaine de députés UDI contre 80 LR. Proportionnellement, on devrait avoir 100 circonscriptions sur 177, et ils en proposent 50… On est quand même loin du compte. On n’est pas forcément contents », euphémise le sénateur UDI de l’Essonne, qui ajoute : « Les législatives peuvent jouer sur la présidentielle ». « On a décidé de faire une pause dans les discussions qui n’ont pas beaucoup avancé. C’est assez traditionnel », tempère encore Hervé Marseille, qui résume la situation au centre : « Tout ça est très subtil ». Un peu trop.

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